Le clan des Attias
Viviane tu nous manques déjà !
Les filles de Tonton Simon, le frère de ma mère, étaient belles. Mes sœurs aussi.
Mais les plus belles étaient, sans conteste, les filles de Tata Simi, la sœur de ma mère.
Solange, qui ressemblait à Elizabeth Taylor, Suzanne, Jacqueline, Viviane, Stella.
Je n’avais que douze ans mais déjà versé dans les mystères de la gente féminine.
Disons que je n’étais pas insensible aux charmes de ces jeunes filles épanouies aux poitrines plantureuses.
A 16 ou 17 ans, Viviane était bien plus âgée que moi, mais elle faisait battre mon cœur.
Tout le monde le voyait et j’en étais fier.
Elle me rendait cet amour par un sourire aussi grand que sincère.
Un sourire qui ne la quittait jamais. Si grand il était , qu’il lui plissait les yeux et en faisait une geisha, une belle et charmante geisha marocaine
Nous habitions le même quartier à Casablanca et tous les vendredi soir, par un rituel sacré, toutes nos familles se retrouvaient chez la grand-mère, rue du st lieutenant Roger Farrache.
Certaines rues de notre quartier portaient les noms de soldats juifs morts pour la France.
Rue Henri Ohayon, rue du soldat Albert Levy etc.…
En attendant que les hommes reviennent de la synagogue, toutes les cousines se retrouvaient sur le long balcon.
De là elles narguaient les pauvres jeunes hommes qui passaient par la en éclatant de rire et en sifflant.
Une scène digne d’un film de Federico Fellini avec leurs jupes bouffantes, manches courtes et chignons.
Après le repas, on se retrouvaient, des plus grands au plus petits, dans la chambre de ma grand-mère , blottis dans nos couvertures, prêts à écouter ses contes légendaires. Invariablement, elle en glissait un qui avait pour but de nous terrifier. Elle en prenait sûrement un malin plaisir.
Et voilà qu’elle commençait. Ma kan ta kan, il était une fois….. !
Mais je digresse, j’aimerais parler de Viviane et de son beau sourire.
Quelques années plus tard, le Clan des Attias immigrait vers la côte Est des Etats Unis.
Et les Assouline vers la côte Ouest. Viviane et Suzanne à New York, Solange à Miami, Jacqueline à Memphis et Stella à Los Angeles.
Les filles Attias, maintenant dispersées, se marient et fondent de grandes familles. Viviane épouse un homme exceptionnel, Maurice Brahms, son mari adoré et tous les deux réussissent financièrement et socialement. Maintenant Viviane vit dans un monde d élégance sans perdre son élégance.
Si vous voyez ce que je veux dire.
Je dis le clan Attias car malgré les distances et les contraintes de la vie, les sœurs sont inséparables et adorent passer leur temps libres ensemble. Elles viennent de partout chez Viviane qui les reçoit des semaines durant dans sa maison à la campagne new yorkaise. Et là elles se laissaient aller a la joie et la bonne humeur
Viviane était le lien, le rocher. Et ses sœurs ses plus grandes amies.
A chaque fois que nous nous retrouvions, c était toute notre enfance qui revenait avec la même affection. C était Viviane au balcon chez ma Grand-mère, et Viviane au sourire ravageur, Viviane attentive, Viviane au grand cœur. Je lui découvrais de nouvelles qualités au fil des années.
Je l’appelais de temps en temps pour lui raconter mes dernières blagues. Elle aimait les bonnes blagues, si elles étaient courtes.
Notre ami commun Bob Ore Abitbol, avec son humour légendaire, lui, la faisait carrément rire aux larmes.
Il y a une quinzaine de jours, c’est Viviane qui rejoint jacqueline et Stella à Miami.
Emma, une amie de longue date, leur propose, d’aller visiter la maison où elle va habiter prochainement avec son futur mari. Viviane accepte.
Fisher Island, l’adresse la plus exclusive des USA.
Pour y accéder, un ferry boat fait la navette entre l’ile et le Mainland.
Une traversée de 7 minutes.
A leur retour, Emma et Viviane sont les premières sur le pont du ferry. L’équipage place les blocs de bois sous les roues… ce qui devait suffire…. A cet endroit la mer est calme.
Ce qui c’est passé ensuite n’est que spéculation.
La presse et les medias en tout cas s’acharnent.
Deux femmes de la haute société se noient dans une Mercedes, prés de l’ile la plus richissime des USA.
Vicieux et aberrant.
Il est difficile d’Imaginer la terreur qui a dû envahir le cœur de ces deux femmes.
Les plongeurs les auraient trouvées, enlacées à l’arrière de la voiture.
Quel revers du destin !! Quelle horreur !! Quelle connerie !!
Un accident qui n’aurait pas dû avoir lieu.
Si seulement certaines précautions avaient été prises par les autorités maritimes, Viviane serait alors rentrée à New York vers ses petits enfants qu’elle adorait, et Emma aurait préparé ses noces.
Deux vies pleines de projets, coupées court
Et les clans Attias et Brahms en plein désarroi.
Viviane est venue à Marrakech l’hiver dernier, elle était venue revoir le Maroc après une longue absence.
Cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas vus . J’ai été à son hôtel en compagnie de ma grande amie Leila à qui je prête ma plume un instant pour qu’elle décrive la soirée.
‘’Nous avions rendez vous au lobby de l’hôtel. Viviane et moi nous sommes croisées sans se connaitre.
Je me rappelle avoir dit à Victor. ‘’Je viens de croiser une très belle femme. Très élégante. »
Viviane était surprise de me revoir à sa table. Elle avait eu le même sentiment à mon sujet dans le lobby. Je l’aimais déjà.
A cet instant nous sommes devenues complices, elle disait que Victor était toujours beau et charmant et qu’il était finalement son cousin préféré.
Victor insiste pour que je décrive Viviane ce soir là . Il dit en être incapable. Pfft !!
Ce qui impressionne d’abord chez Viviane c’est son élégance et son charme.
Elle portait une robe Panthère. Je me souviens de ses chaussures magnifiques, dans de beaux petits pieds. Un collier Tiffany et ces boucles assorties. Les cheveux en queue de cheval.
Elle m’a dit qu’elle avait fait une ghasul ghzel ! ghzel ! Un très bon gommage.
Elle était tout simplement belle.
Elle nous a présentés à sa grande famille. Ils étaient 10 en tout. Elle gérait tout ce monde comme seule une vraie marocaine sait le faire et, était particulièrement attentive aux petits enfants. S’ il y en avait un qui ne mangeait pas << oulah a bouk ghadi takel>>. Traduisez : « ou tu manges ou je t’étrangle ! »
Le lendemain à la piscine chez Victor, elle portait un jean, une chemise blanche à poix noirs et un jean jacket.
Encore une fois elle était ravissante.
Nos discussions étaient légères : histoires d’amour, feuilletons syriens qu’elle partageait avec ses sœurs. Pas de politique, pas de religion. Rien de lourd chez Viviane.
Son grand sourire, et ses yeux qui plissaient, comme Victor les avait décris.
Elle était jeune.
La nouvelle de sa mort m’a écorché. Viviane ne méritait pas cela. »
Je reprends ma plume. Merci Leila.
Elle ne cachait pas son bonheur d’être au Maroc et de parler arabe.
A la médina le lendemain, elle était redevenue marocaine
Aux marchands de gandouras, d’un ton faussement sévère mais avec le sourire, elle disait
‘’Chouf! ra ana bent el bled. ‘’ Attention ! Je suis une fille du bled. » Elle était marocaine dès qu’il s’agissait de négocier.
Elle était ravie de me voir et de me savoir heureux. J’étais heureux aussi pour elle et Maurice son mari adoré et sa grande famille.
Viviane Brahms née Attias. ZL. Nous a quittés trop vite. Trop tôt…
Je souhaite au clan des Attias et des Brahms la paix et la sérénité.
Quand à moi je garderai d’elle mes souvenirs du grand balcon, de son séjour au Maroc, de ce grand sourire qui lui plissait les yeux et de cette phrase qu’elle répétait souvent à qui voulait l’entendre. Qu’est qu’il est charmant mon cousin. !!
Repose en paix Viviane.
Mon Dieu ! Qu’est ce que tu étais belle ma cousine !! Qu’est que tu étais charmante. !!
Victor Assouline