Par la magie d’internet, malgre les kilometres qui nous separent et les 6 heures
de decalage, j’ai retrouve Maxime a Tahiti plage devant une orange pressee
virtuelle : lui au Canada et moi en France nous avons discute sur le chat de
Dafina et voici ce qu’il m’a raconte :
Arielle : bonjour et bienvenu a Tahiti plage
Maxime : bonjour Arielle
Arielle : racontes moi un peut ton parcours
Maxime : mon parcours, nom de dieu je n’aurai jamais assez de doigts pour ca !!
Je suis ne en 1941 à Meknes. J’etais a l’ecole de l’Alliance en primaire
puis au lycee Poeymirau. J’ai fait
mes études d’art deco a Paris a l’ecole de la rue d’Ulm. Ma
formation tres polyvalente m’a permis pendant longtemps de vivre de la
pub . J’etais aussi illustrateur
caricaturiste. J’ai toujours fait de la peinture, j ai été le plus jeune peintre
marocain et j’ai expose tres tot avec mes amis Cherkaoui, Gharbaoui, Miloudi,
Elbaz, Belkahia, enfin toute la vieille garde qui a l’epoque etait la jeune
garde. C’est quand j’ai eu 50 ans que je me suis pose la question de plonger
completement dans la peinture. Comme un martyr, je savais ou je me mettais, j
avais peur mais je savais que mon destin etait la et que je ne pouvais pas
l’eviter.
Arielle : quels sont les
peintres qui t’on marque ou influence ?
Maxime : je dis toujours que je suis le fils batard de Delacroix qui a du lors
de son sejour a Meknes bricoler une de mes aieule !!
Il y a aussi un peintre
extraordinaire qui habite Venise, auquel je m’apparente : il s appelle Zoran
Music. Il a peint des choses a propos du ghetto de Venise qui me font penser a
mes peintures du mellah de Meknes
Arielle : un juif Zoran Music?
Maxime : non Zoran n’est pas juif mais il a ete dans les camps de concentration.
Il a ete pris par erreur comme le personnage de Troman dans la 25 eme heure de
Ghiorju.
Arielle : tu ne peints que sur papier ou
aussi sur toile?
Maxime :
je peins sur les deux mais j ai une préference pour le papier pour une
raison toute simple : ca passe mieux les frontieres !! Je roule le papier et j
encadre a Paris ou a Casa. Ce sont des peintures sur papier, acrylique et huile
dans une joyeuse anarchie.
Arielle : tu ne peints que sur des
themes du Maroc?
Maxime : je ne fais pas que dans la nostalgie, je peint egalement des nus de
femmes superbes que j’invente de toutes pieces, des natures mortes qui decrivent
les instruments de mon art : des images d’atelier tres emouvantes qui sont une
chronique de mon travail. Je fais aussi des autoportraits ou je me figure dans
mon acte de peindre. Ma femme trouve que c’est narcissique mais je la renvoie a
la centaine d autoportraits que Van Gogh a peint.
Arielle : quand as tu
commence a peindre sur le Maroc?
Maxime : mon premier mellah je m’en souviens m’a été commandé par un ami
d’enfance. J’habitais a Paris, c’etait dans les annees 70.
Arielle : tu peints
souvent des femmes melancoliques? pourquoi?
Maxime :
je les appelle « les femmes de memoire ». Je ne les copie sur aucun
document , je me les invente au gre des jours et je les pare de tenues
somptueuses.
Arielle : tu retournes souvent au Maroc?
Maxime : j’adore le maroc je ne me suis jamais remis de l’avoir quitté. Je crois
que toute ma peinture ne parle que de ca.
La premiere fois que j’y suis
retourné c’etait apres 20 ans d’absence et c’etait pour faire une exposition en
hommage a mon pays natal. Je suis retourné sur les traces de mon enfance dans ce
mellah etrique et mystique, je savais que je disais un dernier adieu a mon
enfance.
J’y retourne de temps en temps, la
plupart du temps pour y exposer. Ma derniere exposition a Casa a ete organisee
par le musee de la fondation judeo marocaine
Arielle : que te reste t il de ton
identite , maintenant que tu vis au Canada ?
Maxime : la religion n’est pas ma tasse de thé, je ne suis pas fana. Il ne me
reste que cette profonde nostalgie de cette epoque tres precise de mon enfance
et adolescence que j’essaie de traduire par une peinture de ce sentiment.
Arielle : meme pas la nourriture?
Maxime : j’ai perdu mes merveilleux parents ici a Montreal, du coup le chabbat
n’a plus la meme saveur. Ma prochaine nature morte devrai
etre une daf, ce qui serait tout un symbole.
Ma femme est une pure english mais
elle est tellement impregnee que des fois elle a l’impression d’etre née a
Meknes. Ma pauvre mere pretendait que le couscous de ma femme etait meilleur que
le sien, c est pour dire !!
Arielle : as tu des enfants?
Maxime : oui, j’ai un fils. Je suis meme grand pere.
Arielle : qu'est ce que tu as transmis a
ton fils de ton identite? Que tes œuvres ?
Maxime : quoi ..ca ne suffit pas ?? je me dis toujours que je suis comme un
ecrivain qui raconte son enfance, comme Albert Memmi, et bien moi je le fais par
images.
Arielle : quel est ton message a travers
tes toiles sur le Maroc?
Maxime : c’est tres personnel je ne crois pas au message, je crois a l’emotion
qu’on peut ressentir ou non devant une œuvre
Nous nous sommes marginalisés ici au
Canada, mais est ce que ma peinture n’est pas une forme d’absolution ? C est a
dire est ce que ma peinture n’est pas un desir inconscient de retenir cette
culture heritée et dilapidée. Tout le monde me pose la question pourquoi diable
tu ne peints pas les paysages du Quebec ? Oui pourquoi ? Tout simplement parce
que mon esprit n’est pas la et que mes pas n’arrivent pas a s’imprimer sur la
neige.
Arielle : une derniere question, un peu futile : as tu un expression judeo arabe
que tu utilises souvent encore aujourdhui?
Maxime : la plus belle expression est celle de ma mere : msi kapara. Il me
semble encore l’entendre de cette voix incomparable de mere
Arielle : merci Max, j’ai ete tres
contente de t’avoir rencontre.
Maxime : ma chere Arielle, ca a ete une revelation et un plaisir. So long, have
a nice day.
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