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La Rose de Saragosse - RAPHAËL JERUSALMY

 

La Rose de Saragosse - RAPHAËL JERUSALMY

 

 Saragosse, 1485. Tandis que Torquemada tente d’asseoir sa terreur, un homme aux manières frustes pénètre le mi­lieu des conversos qui bruisse de l’urgence de fuir. Plus en­core que l’argent qui lui brûle les doigts, cette brute aux ongles sales et aux appétits de brigand aime les visages et les images.
Il s’appelle Angel de la Cruz, il marche vite et ses trajec­toires sont faites d’embardées brutales. Où qu’il aille, un effrayant chien errant le suit. Il est un familier : un indic à la solde du plus offrant. Mais un artiste, aussi.
La toute jeune Léa est la fille du noble Ménassé de Montesa. Orpheline de mère, élevée dans l’amour des livres et de l’art, elle est le raffinement et l’espièglerie. L’es­prit d’indépendance.
Dans la nuit que l’Inquisition fait tomber sur l’Es­pagne, Raphaël Jerusalmy déploie le ténébreux ballet qui s’improvise entre ces deux-là, dans un décor à double-fond, au cœur d’une humanité en émoi, où chacun joue sa peau, où chacun porte un secret.
Sur la naissance d’une rébellion qui puise ses armes dans la puissance d’évocation – et l’art de faire parler les silences – de la gravure, La Rose de Saragosse est un ro­man vif et dense, où le mystère, la séduction et l’aventure exaltent la conquête de la liberté.
 

« JE ME SUIS EFFORCÉ D’ÉCRIRE La Rose de Saragosse avec un pointeau comme en utilisent les graveurs. En utilisant les traits incisifs que ceux-ci emploient dans la bataille qu’ils se livrent à coups de burins et de mines. Par-delà le combat qu’ils mènent contre la tyrannie, ils engagent une joute qui ne concerne que leur art. L’image, placardée sur les murs, satirique, s’y présente comme plus séditieuse que le langage. Plus efficace. Se frayant un chemin vers l’âme sans passer par les mots. Or voici un conte tout en paroles. Sans aucune illustration ! Où les effets d’optique émanent de ceux du langage. Où les blancs que laisse le graveur sur la planche deviennent un merveilleux outil littéraire : celui des non-dits. Sous la rivalité apparente entre image et verbe se dissimule une surprenante alliance. Et sous l’adversité qu’éprouvent les divers personnages les uns à l’égard des autres se cache une communauté d’esprit et de cœur inattendue. En pleine Inquisition, Angel, une brute notoire qui manie fusain et burin à merveille, et les Montesa, des juifs convertis vivant dans le raffinement et l’aisance, partagent une même marginalité, un même besoin de s’évader vers le beau et l’illusoire. Gaston Bachelard dit de l’imagination qu’« elle n’est pas, comme le suggère l’étymologie, la faculté de former des images de la réalité ; elle est la faculté de former des images qui dépassent la réalité, qui chantent la réalité. Elle est une faculté de surhumanité. » (L’Eau et les Rêves, José Corti, Paris, 1941.) Angel n’escompte point de son art qu’il représente le réel. Mais qu’il l’en délivre. Quant à Ménassé de Montesa, examinant l’un des dessins d’Angel, il murmure : « Sur cette esquisse, il tente d’atteindre ton âme par d’adroits coups de mine. Mais dans les blancs qu’il laisse, c’est la sienne qu’il te montre. »’’

 

R. J. 

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