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Ministres et diplomates juifs dans le vieux Maroc indépendant.

 

par Georges SEBAT 

 

Dans le vieux Maroc indépendant — le Maroc d'avant le protectorat — les Sultans usaient volontiers des lumières et de l'habilité des Juifs dans la marche des affaires de l'Etat.

 

Ils furent nombreux les Sultans qui s'entourèrent de ministres juifs ou qui se firent représenter dans les grandes capitales européennes par des Marocains de confession juive.

Un des premiers souverains marocains qui ait confié un fauteuil ministériel à un Juif fut le Sultan Abderrahman III, qui fut proclamé roi en 912, à l'âge de 22 ans. Désigné par l'histoire comme le plus grand roi de la dynastie des Omeyades, ce Louis XIV chérifien fut un roi très libéral. Faisant abstraction de tout préjugé, il éleva au rang de ministre un Juif nommé Hasdaï Ibn Chaprout, qui était médecin en même temps qu'excellent homme d'Etat.

Peu de temps après, le Sultan Abou Youssef (rapporte l'écrivain Ibn Khaldoum) eut à sa cour un vizir nommé Khalifa Ibn Rokassa. Intendant du palais royal, il jouissait d'un grand crédit du Roi. Son influence à la cour fut telle que des jaloux le massacrèrent lui et sa famille en 1299.

Sous Abbou Saïd (1310), de nombreux Juifs furent envoyés à l’étranger pour y représenter le Maroc. Simon de Barenel fut une espèce de vizir, mais, comme son prédécesseur Khalifa, il fut tué au cours d'une révolte fomentée par quelques fanatiques jaloux de son accession.

En 1351, Khalifa ben Haroun fut nommé chambellan du Roi Abbou Himan et son petit-fils occupa le même poste sous le règne de son successeur dont la cour était fréquentée par des hommes de science juifs.

C'est également un Juif, du nom de Haroun, qui fut intendant et conseiller du Sultan Abdellak, dernier représentant de la dynastie des Mérinides (1465). Ce conseiller, qui avait rang de ministre, caressa un jour le projet de renflouer les trésors de l'Etat en Imposant les Chorfs et les Marabout (les notables), lesquels, jusque-là, étaient exempts d'impôts par la grâce du Roi. Cette mesure fut tellement impopulaire qu'elle souleva contre lui la rumeur des gens haut placés. Ceux-ci invitèrent la foule à la révolte. Au cours du pillage qui suivit, le Roi et son ministre juif furent tués.

A la fin du XVle siècle, une famille juive joua un rôle considérable au Maroc. Le chef de cette famille, Samuel Pellas, comprit l'importance de la mission qui pouvait incomber au Maroc dans le jeu de la bascule de la diplomatie européenne. En 1551, il fut envoyé en mission spéciale en Hollande. Il parvint à y conclure un traité de commerce entre les Pays-Bas et le Maroc. A sa mort, son frère, Joseph Pellas, fut nommé ambassadeur du Maroc en Grande-Bretagne. Il est un fait d'ailleurs, qu'à cette époque, la plupart des représentants du Roi chérifien dans la capitale anglaise, étalent des citoyens de confession juive.

A la même époque, les intérêts du Maroc en France, où régnait Louis XIII, étaient représentés par son fils, David Pellas.

Signalons en passant que ce fut  Saul Pellas qui fonda en Hollande la synagogue Bet Yaacov.

Par ailleurs, celui qui devint le chef de la communauté séphardite de Hambourg et d'Amsterdam, le rabbin Yaacov Sasportas, natif d'Oran et descendant d'une famille d'anciens réfugiés du Portugal, avait été auparavant envoyé comme ambassadeur du Maroc en Europe par le Roi Moulay Rachid.

SI les Juifs de Fès furent souvent très proches du palais royal, sous le Roi Moulay Ismail, la communauté juive de Meknès donna quelques ministres au gouvernement. C'est le cas de Joseph Maimaran et de son fils, qui aidèrent l'un et l'autre Moulay Ismaël à vaincre ses ennemis et à monter sur le trône marocain.

Un autre conseiller de Moulay Ismaël était Daniel Tolédano, dont le fils fut envoyé en mission diplomatique aux Pays-Bas, Quelques années plus tard, le fils de Joseph Tolédano, Haïm, fut ambassadeur de Moulay Ismaël auprès de Sa Majesté de Grande-Bretagne.

Il y eut même un Juif pour occuper, ce que de nos jours nous appellerions, le ministère des Affaires étrangères. Il s'agit de Moses ben Attar, qui bénéficia de la faveur impériale pendant de nombreuses années. Toutes les affaires extérieures de l'Empire passaient par ses mains. Il était habilement secondé par son frère Abraham ben Attar qui résidait à Tétouan. Cependant, malgré les innombrables services qu'il avait rendus, Ben Attar fut disgracié.

La sollicitude du Roi Moulay Slimane envers les Juifs se manifesta à différentes occasions. Lorsqu'il entreprit sa visite officielle à Meknès, il exprima le désir de voir trois personnalités israélites faire partie de sa suite. David Elhrief, Joseph Allias et Benjamin Bensadoun furent choisis.

Son ministre des Finances fut Abraham Sicsu ; son trésorier personnel, Isaac Pinto ; son médecin particulier, un certain Oumesguine et l'administrateur des Douanes du port de Tanger, Moses Benasuli.

Le même roi, au début du XIXe siècle, fixa son choix sur un Juif de Tanger, Messod Cohen, pour une mission spéciale en Angleterre. Plus tard, Méir Cohen, fils du précédent, après avoir été administrateur des Douanes à Tanger, représenta Moulay Slimane auprès de la Cour d'Angleterre.

Plus près de nous, sous Moulay Abderrahman, le représentant du Sultan à Gibraltar était Juda Benoliel. Cependant qu'à Fès, le conseiller du Roi était le grand rabbin Raphaël Hassarfati et celui du grand vizir (premier ministre) Salomon Benharroch. Apres Moulay Abderrahman, Moulay El Hassan avait comme conseiller privé Yechoua Corcos qui, aux moments difficiles, était toujours mandé au palais. A cette époque, des personnalités des communautés juives de Tanger et de Tétouan occupèrent des postes honorifiques de diplomatie au titre de consuls, vice-consuls, interprètes de légation... Par ailleurs, la plupart des agences étaient confiées à des Juifs.

En 1956, l'indépendance marocaine — post-protectorat — est proclamée. Le regretté souverain Mohammed V décide de nommer docteur Benzaquen.

La Voix des Communautés, 01.11.1962,

 

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