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Dans une profonde incertitude (info # 011711/10) [Analyse]

Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

 

La prolongation du moratoire sur le gel des constructions dans les implantations est en voie d’être votée par le "cabinet restreint pour les questions politiques et militaires". La reconduction du gel n’a jamais fait l’ombre d’un doute parmi les analystes moyen-orientaux de la Ména, mais nous ne savions pas qu’il serait décrété avec trois mois de retard.

 

Trois mois mis à profit par Binyamin Netanyahu pour arracher de nouvelles concessions à l’administration américaine. Tout cela s’est finalisé lors d’une discussion marathonienne, la semaine dernière aux Etats-Unis, entre le 1er ministre et Hillary Clinton. Depuis, c’est le négociateur particulier de Netanyahu, Isaac Molkho, qui fignole les détails de la version écrite de l’accord, face aux conseillers de Mme Clinton et du Président.

 

Il reste quelques points à reformuler afin que le cabinet restreint puisse approuver le deal dans les prochaines heures. D’après nos sources proches du gouvernement, la question dans l’air n’est pas "si l’accord va être entériné" mais quand il le sera.

 

A moins d’une énorme surprise, la prolongation du moratoire sera votée par sept voix pour et six contre. Trois ministres du Likoud, en plus de Netanyahu, un indépendant et les deux représentants travaillistes dans le cabinet restreint accepteront le projet, tandis que trois autres ministres du Likoud et ceux de la formation d’Avigdor Lieberman le rejetteront.

La proposition américaine est aussi alléchante pour ce qu’elle mentionne dans sa partie connue du public qu’elle est mystérieuse dans sa face cachée. On sait ainsi qu’Israël a obtenu vingt chasseurs-bombardiers furtifs F-35, en plus des vingt déjà commandés, et que le prêt américain annuel destiné à la défense israélienne sera augmenté en conséquence.

 

Cela signifie que l’Etat hébreu étendra encore son emprise régionale dans les cieux, sans avoir à restreindre d’autres affectations de son budget militaire.

 

On sait, d’autre part, que Washington a accepté de fermer l’œil sur les constructions à Jérusalem-Est, à condition que les évacuations de Palestiniens ainsi que la destruction de maisons arabes y soient abandonnées, sans, non plus, que ce troc n’apparaisse dans le texte d’entente.

 

Autre élément connu du deal : les Etats-Unis soutiendront durant les négociations la requête israélienne de conserver le contrôle sécuritaire le long du Jourdain, à la limite orientale du futur Etat palestinien, sur la frontière avec le royaume Hachémite.

 

Dernier point éventé de l’engagement US : Washington n’insistera pas sur un retrait littéral aux frontières de 1967, mais prendra en compte les besoins démographiques et sécuritaires des Hébreux. Traduit en pourcentage, on peut estimer qu’Israël sera priée de restituer entre 94 et 96 % du territoire pris au roi Hussein lors de la Guerre des Six jours.

 

Ce qui inquiète les analystes, c’est, bien sûr, la partie secrète de l’arrangement : nous n’avons cessé de l’écrire, à notre avis, l’importance stratégique d’un nouveau moratoire de deux ou trois mois est absolument nulle en comparaison de l’acuité de la crise iranienne.

 

A notre sens, il aurait fallu investir beaucoup moins de temps et d’énergie à propos de quelques cimes de collines abritant les caravanes d’une poignée d’Edennistes fraîchement débarqués de France ou des Etats-Unis, et focaliser tout les échanges avec l’administration Obama sur la question perse.

 

Or il est évident que l’accord âprement négocié entre Hillary Clinton et Binyamin Netanyahu traite centralement de l’atome iranien. Mais qu’en dit-il ? Les informations sur ce sujet sont strictement gardées ; à tel point que, pour le moment du moins, nous ne sommes pas parvenus à recueillir la moindre fuite.

 

Cette absence d’information, sur un sujet qui concerne directement la pérennité d’Israël et de la région nous inquiète évidemment. Qui est allé dans le sens de qui ? Nous n’hésitons pas à envisager que l’accord sur le moratoire n’ait d’autre propos que celui de dissimuler les principes d’une coordination stratégique face à Téhéran.

 

Je rappelle au lecteur, que, selon les Américains eux-mêmes, les Iraniens pourraient posséder deux bombes atomiques dans environ vingt-deux mois. Si cela advenait, la planète ne pourrait plus jamais s’endormir sans trembler pour sa survie ; et la menace de "chiitisation" forcée de larges portions de la Terre passerait du cauchemar à la réalité.

 

Qu’a-t-on décidé à Washington ? L’idéal serait que les deux alliés se soient accordés pour déterminer un calendrier commun d’actions-réactions face à la menace nucléaire. Ce calendrier, pour être efficace, devrait s’articuler en trois étapes : 1) Stipulation d’une date butoir pour les tentatives de trouver un consensus négocié avec les ayatollahs. La définition de cette étape doit absolument formuler, de façon circonstanciée, les conditions minimales acceptables d’un traité avec Téhéran. 2) En cas d’échec de la voie diplomatique, arrêt d’une date à laquelle un ultimatum concernant une intervention militaire serait communiqué à Mahmoud Ahmadinejad. 3) Décision, en cas de réponse insatisfaisante des Iraniens, de procéder à une opération militaire, destinée principalement à anéantir l’industrie nucléaire de la "République Islamique", ainsi que sa capacité de transport d’ogives. L’accord idéal stipulerait les objectifs d’une action armée, dont l’élaboration opérationnelle serait laissée aux états-majors.

 

Malheureusement, au cas où une entente entre les deux pays, recelant les dispositions ci-dessus n’a pas été atteinte, le monde, avec Israël et l’Europe aux premières loges, encourrait un péril plus grand encore que celui que l’Allemagne hitlérienne avait fait peser sur cette planète. Car les nazis n’ont jamais possédé la bombe atomique.

 

Plus simplement dit : si, au terme de ces longues discussions, les deux Etats ne sont pas parvenus à ces décisions, leurs représentants ont lourdement failli à leur tâche.    

 

Certains commentateurs avisés évoquent ce matin l’éventualité selon laquelle les quarante F-35, les "cadeaux" concédés par Obama dans les négociations avec les Palestiniens, et des promesses, relativement concrètes, d’assistance US en cas d’attaque atomique iranienne, seraient les pendants authentiques, non de l’extension du gel, qui n’a presque aucune importance, mais de la renonciation par l’Etat hébreu à interrompre le projet nucléaire perse par la force.

 

Si c’était le cas, ce serait plus que préoccupant ; pour tout dire, les dirigeants israéliens auraient, dans cette éventualité, rejoint certains de leurs homologues étasuniens dans leur approche irresponsable du problème. Ne serait-ce que pour la raison que les USA ne possèdent pas, dans leur arsenal, de moyens éprouvés en situation opérationnelle d’intercepter des missiles balistiques.

 

Dans cette hypothèse, Netanyahu aurait hypothéqué l’avenir de l’Etat hébreu, en liant sa sécurité à des systèmes d’armes étrangers en phase de premiers déploiements. Mais il aurait, toujours au conditionnel, et ce serait plus grave encore, abandonné l’option existante d’Israël, d’entreprendre seule une opération, si elle jugeait, selon ses critères, que sa destinée était en danger.

 

Je précise que je ne détiens aucune information d’aucune sorte m’incitant à penser que ce qui précède constitue le contrat réel passé entre Israël et les Etats-Unis, et me suis contenté, dans un exercice théorique, d’en présenter les conséquences.

 

Il est vrai que les déclarations de Robert Gates, effectuées lundi dernier – donc en pleine négociation Washington-Jérusalem – ne sont pas rassurantes. Le Secrétaire américain à la Défense s’est en effet publiquement exprimé contre une frappe militaire, qui, selon lui, "ne constitue pas une réponse à long terme (...), réunifierait une nation divisée, les rendrait absolument décidés à obtenir des armes atomiques, et les pousserait à s’enterrer plus profondément et à mieux se protéger".

 

Gates a affirmé qu’une "attaque ne ferait que retarder les potentialités nucléaires de l’Iran de deux ou trois ans". 

 

Interprétant des signes en provenance de Téhéran, le ministre de la Défense US s’est autorisé à déclarer que les "sanctions ont agi bien plus durement qu’anticipé", ce qui aurait fait tomber Ahmadinejad en disgrâce aux yeux du guide suprême Ali Khameneï.

 

Le Secrétaire à la Défense s’est ensuite fendu d’une conclusion qui, par l’ingénuité de son contenu, nous fait douter des qualifications de son auteur pour occuper des fonctions d’une telle importance. R. Gates, en effet, a offert aux observateurs un conte de Noël avant l’heure, en analysant : "L’unique solution à long terme afin d’éviter la dotation de l’Iran en armes nucléaires dépend de la décision des Iraniens qu’elles ne sont pas dans leur intérêt. Tout le reste n’est qu’une solution à court terme".

 

Et si les Iraniens ne parviennent pas à la conclusion idyllique suggérée par M. Gates ? Ayant déjà investi des centaines de milliard de dollars pour fabriquer de "méchantes" bombes atomiques, nous sommes, à Metula, d’avis que les dirigeants de la "République" Islamique ont déjà envisagé la question, et qu’ils ne sont pas habités des intentions, non plus que des critères de réflexion, que les Américains leur prêtent.

 

A Metula, on sait – par expérience -, dès l’âge de dix ans, que la guerre ne représente pas le choix de prédilection des gens intelligents. Mais on préfère ne pas se voir imposer la Charia sous la menace de bombes atomiques, et l’on rêve d’un avenir où les femmes ne sont pas des moitiés d’hommes, où on ne les lapide pas lorsqu’elles se plaignent d’avoir été violées, et où on ne démembre pas les enfants affamés quand ils dérobent une pomme.

 

On sait que les usines se reconstruisent, mais pas lorsque quelqu’un de plus fort et de plus sensé empêche que ce soit le cas. On sait que les régimes dictatoriaux s’effondrent souvent lorsqu’ils perdent une guerre, surtout s’ils sont l’objet de la haine de l’écrasante majorité des citoyens d’une nation.

 

On sait, enfin, qu’en "deux ou trois ans" beaucoup de bonnes choses peuvent survenir si les ayatollahs ne disposent pas de l’arme absolue, alors que, dans le cas contraire, la terreur islamiste s’étendra à coup sûr.

 

A Metula, dès l’âge de dix ans, on préfère deux ans d’espoir de paix renouvelé, au risque de voir une puissance islamique, violente et dotée de la bombe atomique prendre le pouvoir au Liban et s’y installer.

 

On ne parvient surtout pas à comprendre, M. Gates, pourquoi il faudrait s’exposer à un si grand péril et à autant de souffrances, quand on a les moyens de les éviter. Et ce qu’on ne pige pas, par-dessus tout, c’est que vous-mêmes, Madame Clinton et le président des Etats-Unis ne saisissez pas des choses aussi simples.

 

 

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