Épouser une convertie
Il voyait en elle l’épouse idéale. Mais sa famille lui conseillait vivement de rompre. Voici le conseil que je lui ai donné.
par rabbin Benjamin Blech
Un célibataire vint me consulter afin d’obtenir un avis rabbinique au sujet d’une question qui le préoccupait.
Ce jeune homme était profondément amoureux d’une femme dotée de toutes les qualités qu’il avait toujours prié de trouver chez sa future conjointe. Elle était belle, intelligente, sensible et discrète. Bref, c’était une femme avait qui il sentait pouvoir fonder un foyer juif empreint de toutes les valeurs authentiques de la Torah que tous deux partageaient. Le seul hic ? C’était une giyoret – une convertie, une jeune femme qui avait embrassé la foi juive non pas par naissance mais par choix personnel. Et la triste vérité c’est que dans le monde juif d’aujourd’hui, certains individus perçoivent son statut non pas comme une marque distinctive aux yeux des potentiels candidats au mariage mais plutôt comme un objet de méfiance, une raison suffisante de la disqualifier comme éventuelle conjointe.
« Devrais-je mettre fin à notre liaison ? me demanda le jeune homme. Bon nombre de mes proches et amis me conseillent vivement de le faire, arguant qu’elle n’a pas grandi dans le même milieu que moi et n’a vraiment aucune personnalité rabbinique importante dans sa famille ni modèle juif dont elle aurait pu s’inspirer. Que devrais-je faire ? »
Sa question me brisa le cœur. Une femme attirée à la beauté du judaïsme – une religion qui, dans toute la Torah, n’enseigne qu’une seule fois « aime ton prochain comme toi-même » mais juge bon de répéter à 36 reprises le commandement d’aimer le converti – se trouve ostracisée par ses coreligionnaires !
Avons-nous oublié l’histoire de Ruth, la convertie moabite qui choisit de rejoindre notre foi et notre peuple et mérita ainsi de devenir l’ancêtre du roi David et en fin de compte du Messie en personne ? Bien plus important que son passé, c’est son futur qui détermina son glorieux destin. Bien plus déterminant que ses origines, ce fut l’impact de ses valeurs et de son engagement sur son parcours spirituel qui détermina le jugement qu’on lui porta.
Ceux qui traitent les convertis comme des parias ignorent-ils l’histoire de l’illustre Rabbi Akiva, la personnalité rabbinique que le Talmud ose comparer à Moïse, et qui était un descendant de convertis ?
Les sages de notre tradition ont l’honneur de compter parmi leurs rangs d’innombrables érudits qui étaient des Juifs par choix – des convertis, ou des descendants de convertis, dont le célèbre sage du Talmud Rabbi Méïr, ainsi que Onkelos, auteur de la traduction araméenne de la Torah dont le commentaire apparait invariablement dans toutes les impressions.
Tout au long de l’histoire, se trouvèrent toujours des sages qui œuvrèrent pour l’intégration de ces Juifs par choix. Ce faisant, ils se faisaient l’écho de la préoccupation exprimée dans le texte de la prière de l’Amida, que nous récitons trois fois par jour, pour le bien-être de tous les convertis. Dans le Talmud, Rabbi Elazar ben Pedat déclare que la raison d’être de l’exil imposé à notre peuple est de l’enrichir par la présence de davantage de convertis (Traité Pessa’him p.87/b) En outre, la Kabbala affirme que les âmes des convertis qui embrassent la foi juive ressemblent à des étincelles divines qui retournent à leur source suprême.
C’est peut être Maïmonide qui l’exprime de la manière la plus éloquente dans sa célèbre lettre de réponse à Ovadia le converti. Ce dernier, préoccupé par un grand nombre d’expressions liturgiques comme « notre Dieu et Dieu de nos pères » ou « qui nous a choisis » lesquelles semblaient évoquer un passé historique qui n’était pas le sien, demanda au sage espagnol s’il y avait lieu qu’un converti les dise.
Maïmonide débuta sa réponse en tranchant succinctement la règle : « Tu dois prier selon ce qui a été institué, n’y change rien ! Tu dois adopter le même rituel que tous les juifs, que tu pries seul ou que tu sois l’officiant. La raison essentielle est qu’Abraham notre père a enseigné à tous les peuples et les a fait réfléchir, il leur a fait connaître le chemin de la vérité et l’unité de Dieu, il a rejeté les idoles et a renié leurs services, il a placé tout un groupe sous les ailes de la Providence. Il a enseigné et prescrit à ses enfants et ceux de sa maison de garder la voie de Dieu comme il est écrit : « car je l’ai connu afin qu’il ordonne à ses enfants et sa maison à sa suite, et ils garderont le chemin de Dieu » (Genèse 18, 19) C’est pourquoi quiconque se convertit, quelle que soit la génération, et quiconque reconnaît l’unité divine, comme il est dit dans la Torah, est élève d’Abraham et ses enfants et il les a tous orientés vers le bien. […] Donc Abraham est le père de ceux qui suivent son chemin, c’est un père pour ses élèves, c’est-à-dire tous les convertis. […] Il n’y a aucune distinction entre toi et nous et ce, dans tous les domaines. »
Dans une lettre suivante, Maïmonide souligne l’observation remarquable suivante : si nous avons le devoir de respecter nos parents et d’obéir à nos prophètes, c’est au sujet des convertis vivant parmi nous que nous incombe une obligation encore plus exigeante ; celle de les aimer.
Je recommandai donc vivement à ce jeune homme, qui envisageait de rompre avec la femme de ses rêves à la lumière des commentaires négatifs de ses amis, de poursuivre leur liaison, tout en lui accordant mes sincères bénédictions.
Son amour du judaïsme, de la vie juive et des valeurs juives font d’elle un modèle pour tous ceux qui la côtoient.
Cette histoire remonte à plusieurs années. Dieu merci, j’ai aujourd’hui la chance non seulement de savoir à quel point j’avais eu raison de l’encourager mais aussi d’avoir célébré le mariage entre ce Juif par naissance et cette Juive par choix. Tous deux forment un couple qui fait l’honneur de notre peuple et la joie de la communauté à laquelle ils appartiennent. Quant à leurs enfants, ils attestent de la véracité d’un adage trop souvent ignoré : bien au-delà de la glorification de notre passé, c’est la capacité de tirer fierté de notre avenir qui fait notre force.
Et, de façon remarquable, il semble que Dieu m’ait également récompensé de manière plus directe. Je suis la dixième génération d’une lignée de rabbins, et ai l’honneur de compter parmi mon ascendance de nombreuses personnalités rabbiniques éminentes, tout comme c’est le cas de mon épouse. Nous avons trois filles et un fils qui nous procurent énormément de joie et de satisfaction juive. Notre fils nous a fait découvrir un cadeau d’une valeur inestimable en la personne d’une Juive par choix qu’il a prise pour épouse. À l’instar de la Ruth biblique, notre belle-fille est une femme dotée d’une spiritualité et d’un courage personnel exceptionnels. Son amour du judaïsme, de la vie juive et des valeurs juives font d’elle un modèle pour tous ceux qui la côtoient.
Nous l’aimons. Nous la respectons. Nous sommes extrêmement impressionnés par tout ce qu’elle a ajouté à notre famille. Et c’est en pensant à elle que j’ai eu envie d’écrire ces mots – des mots qui, je l’espère, nous rappelleront à tous le devoir de chérir ces individus qui, en vertu de leur propre sagesse, ont choisi de rejoindre notre peuple, afin que nous puissions hâter le jour où le monde entier reconnaîtra notre Créateur.
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