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Ô Rage… Ô Désespoir… Ô Cancer ennemi - Par Victor Assouline

Ô Rage… Ô Désespoir… Ô Cancer ennemi

Par Victor Assouline

 

 

Mon meilleur ami m’a demandé ce que je voudrais sur ma pierre tombale si je mourrais un jour. J’ai dit « je ne sais pas, fais-moi la surprise ».

Un  récapitulatif s’impose.

Pour ceux qui n’auraient pas lu mon dernier article, comment j’ai atterri chez Bob tient du miracle. Et de la participation de Vanessa de Loya.

J’habitais à Marrakech depuis plusieurs années. Heureux, bien entouré, je menais une vie saine. Golf, bicyclette, natation. Le soir, apéritifs dinatoires  chez l’un ou chez l’autre.

J’évitais Marrakech de nuit, laissant çà aux touristes.

Apres une crise soudaine et douloureuse, deux professeurs Marocains me diagnostiquent un cancer de la moelle osseuse. Multiple Myélome.

Il va falloir que je rentre aux USA immédiatement pour me faire soigner. Le Maroc ferme ses frontières pour le Covid. Dernier avion, dernier billet. On s'affaire autour de moi…

On me fait ma valise, on achète mon billet, on organise mes médicaments,  surtout la morphine, au cas où…

Toute la résidence est là pour l’au revoir. Ils pressentent que je ne vais pas revenir de sitôt. Et moi non plus.

Ma muse me trouve un dernier billet d’avion sur le dernier avion qui quitte le Maroc.

J’appelle  Vanessa à Jérusalem pour me trouver un logis pas loin des hôpitaux.

Elle me répond 30 minutes plus tard : « Bob Oré Abitbol est prêt à te recevoir pour quelque temps ».

Quelle aubaine !! Un vrai miracle.

On ne se connaissait qu’à travers dafina.net.  J’aime ce qu’il écrit et il aime mon style.

Il m’a reçu gracieusement et m’a offert une très belle chambre, complète avec salle de bains et une porte qui ouvre sur le jardin, au cas où je voudrais rentrer ou sortir incognito.

On n’a pas parlé de maladie. On s’est aperçu qu’on avait des feuilles de route similaires. Ayant quitté le Maroc a 15 ans, nous partageons les mêmes positions philosophiques ou politiques.  On apprend à se connaitre.

Les trois mois qui ont suivi sont ce que j’appellerais « Jours heureux chez Bob ».

Jours heureux Chez Bob

Je me suis habitue à ses soirées, ces diners, ce monde qui passe et qui me sort de ma torpeur et de ma mélancolie. Nous avons beaucoup de choses en commun, il me le répète souvent, il faudrait qu’on fasse de notre nouvelle relation une histoire à la fois intéressante et même un peu comique. Je n’empiète pas sur son quotidien et il est vraiment facile a vivre. C’est un homme créatif et vivant avec une énergie contagieuse et une mémoire infaillible.

Un soir il recevait quatre couples de marocains, tous des becs fins. Tôt dans l’après-midi il avait déclaré. Surement à mon égard.

« Il n’y a qu’un seul capitaine sur ce bateau et c’est moi. Ihyia tu fais les salades, je fais le reste ».

J’ai proposé mes boulettes aux petits pois.

-        Quoi ? Tu veux faire des boulettes à des marocains ? Mais tu es malade ou quoi ?

Oui Bob, je suis malade, un grand malade. Je ne l’ai pas dit mais c’est la vérité.

Un soir, j’ai quand même fait des boulettes aux petits pois et tètes d’artichauts. Et depuis il m’appelle « Ihya el tebakh ». Victor le cuistot.

Ce qui m’amène aux petites bêtises que j’ai commis à travers mon séjour.

-        Ihyia !!!!! Tu as oublié de fermer la porte de la maison. On aurait pu être dévalisés ou pire. J’ai envie de lui dire que c’est à lui de vérifier puisque c’est ses toiles et objets d’art. Moi je n’ai qu’une petite sacoche…. mais je divague.

Quelque temps plus tard.

-        Ihyia !!!!! Tu as laissé le four allumé toute la nuit. …Peut être mais il était vide et à 150 degrés. Pas trop grave, n’est-ce pas ?

En tant que cuistot je vais souvent au frigo que j’oublie de fermer invariablement.

Bob qui travaille juste à côte, torse nu, reçoit un vent glacial de plein fouet.

-        Ihyia !!!! Tu veux que j’attrape la crève, c’est ça ?

Euh, oui c’est ça.

J’ai propose un anorak, il est canadien, il doit en avoir un, non ?

Il me dit maintenant qu’il sait comment il va mourir : pleurésie, assassiné par un sans-abri, ou une ingestion fatale de « carbon monoxide ».

ETE 2022 - Le cancer gagne du terrain

Il est 19 heures et j’appréhende encore une fois la soirée qui m’attend.  Je suis seul dans cette grande maison, livré à moi-même.  Bob a quitté le domicile conjugal pour d’autres pâturages au Canada, de nouveaux projets, une nouvelle vie.

Je tourne en rond. Des idées m’envahissent, pas les bonnes à mon gout. Elles sont du genre existentiel. Je sais que mon anxiété me ment mais je n’y peux rien et je me laisse emporter. Je me regarde dans le miroir et me retrouve en face d’un corps que je ne reconnais plus. Ma peau est devenue un amoncellement de rides grotesques. Une prune qui sèche au soleil. J'ai perdu 30 pounds. J'essaie de détourner mon regard devant ce spectacle désolant

Mais l’homme dans le miroir m’en empêche.

En ce qui me concerne, la nuit est tombée plus tôt que prévue.

 Je ne pensais pas qu’on se rencontrerait, le cancer et moi. Apres tout j’étais en parfaite santé, je me sentais invincible. Maintenant il  me guette et me harcèle. Il me fatigue, me fait trébucher, me donne la nausée. Mes veines se cachent et elles glissent. Il me faut faire appel à un spécialiste.

Il est 21 heures. La nuit va être longue. Le Maroc et ses muses dorment encore.

En Angleterre, ma fille ne répond plus. C est une couche tôt. Le silence m'étouffe.

Il n’est pas question de fermer les yeux. J’ai une infusion de cinq heures demain à UCLA,  j’en profiterai pour faire un somme.

Dans ma fougueuse jeunesse je disais à qui voulait entendre que si j’étais atteint, je me laisserai partir avec toute ma dignité.

Aujourd’hui au diable la dignité. Je m’accroche à tout espoir, je suis prêt à tout.

J’ai un moral d’acier. Je tiens à la vie.                      

Je suis optimiste. Les docteurs le sont aussi.

Les gens qui me voient me disent tous : «mais tu n’as pas l’air d’un malade, tu as l’air bien ».

Je réponds toujours la même chose : « je vais  de mieux en mieux ». Cà les arrête net et là je leur raconte ma dernière blague.

Mon séjour chez Bob tire à sa fin. Je suis heureux qu’il ne m’ait pas vu dans mon nouvel état. Surtout la cane. Il n’aurait pas supporté de me voir dépérir. Il m’aime beaucoup et me respecte. Nous n’avons jamais parlé de la maladie. Jamais.

Il me dit que maintenant son dernier souci c’est moi. Cet homme généreux et pudique s’inquiète pour moi.

Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir permis de passer des jours sereins quand j’en avais le plus besoin.

Et si jamais il devait revenir pour récolter quelques affaires, je lui ai laissé la recette des boulettes aux petits pois sur son bureau. 

Rayon de soleil

Elle s’appelle Faviola et elle vient du Guatemala. La sécurité sociale me l’envoie tous frais payés pour s’occuper de moi.

Elle arrive tous les matins vers 8H30, tire les rideaux et s’affaire à me préparer mon petit déjeuner. Café noir et sucre inclus, bien sûr.

Elle me l’amène au lit. Plus tard elle m’aide à faire ma toilette et prendre ma douche.  Elle me conduit à mes rendez-vous d’hôpitaux, prépare le diner et repasse mon linge. Elle me quitte vers 18 heures.

Et pour la pierre tombale. Ca y est j’ai trouvé :

        Passez quand vous voulez. Je ne bouge pas !

Le miracle continue et mon ange gardien m’ouvre un nouveau chemin.

Victor Assouline

Victorassouline48@gmail.com

1-213-398 9425

PS : Si vous lisez ceci, j’ai besoin d’un trois pièces avec vue sur les collines d'Hollywood. …..Ou un garage downtown …

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