Adolphe Cremieux juif très intégré
Né quatre ans après l’Émancipation, Isaac-Jacob Crémieux appartient à cette première génération de Juifs qui, ayant épousé leur siècle, sont partie prenante de la société française de ce début du XIXe siècle. Influencé par la Wissenschaft des Judentums (Science du judaïsme allemande) et pétri du judaïsme traditionnel de ses ascendants, il est porteur des valeurs universalistes. Cet homme dont on a souvent dénoncé l’inconstance politique a toujours été fidèle au judaïsme, alors que d’autres de ses illustres contemporains, tels Henri Heine, Disraeli, Simon Deutz, ont cru devoir se convertir au christianisme. Adolphe Crémieux a marqué son époque et la société française en restant « juif », selon sa propre expression. Il s’impose comme une figure emblématique, capable d’assumer les plus hautes responsabilités de l’État, d’entrer dans les réseaux d’influence les mieux gardés comme la franc-maçonnerie sans abjurer ses valeurs et son identité juives. À l’inverse, il se met ainsi en situation de mieux défendre et promouvoir la cause des siens.
Son grand-père paternel, Jacob – fils de David Crémieux [Carmi en hébreu] (1684-1754) et d’Esther Naquet – avait épousé à Carpentras, en 1760, Eston [Esther] Ispir (Avignon, 1741- Nîmes, 1798), fille de l’éminent rabbin Jacob Ispir dit Ashkénazi (1701-1778). Ce dernier était venu avec ses parents de Prague au début du XVIIIe siècle pour assurer des fonctions rabbiniques d’abord à Avignon puis à Carpentras où il fut appelé, chose très rare pour un étranger, à la présidence de l’Académie talmudique et à celle de la confrérie des péritomistes. Il tint, mais sans continuité, les registres communautaires de la carrière (ou ghetto, messilah en hébreu) de Carpentras. Son charisme et son érudition lui valurent d’épouser en 1730 Rachel Crémieux (1712-1774), l’une des filles de l’honorable Johanan, originaire de Carpentras (1674-1750), fils de Sem et de Colombe Carcassonne (1686-1749), native de l’Isle.
Le père d’Isaac-Jacob, David Crémieux, est né le 2 septembre 1761 à Carpentras, la petite Jérusalem comtadine, terre de refuge pour les Juifs placés là sous la protection pontificale. Aîné d’une famille pieuse, honorable et bourgeoise, il aurait profité des facilités offertes par l’édit de Tolérance (1787) pour s’installer avec ses parents à Nîmes, où il arrivait à son père de séjourner pour des raisons professionnelles. C’est en Avignon que David se marie en 1792 avec Rachel, une de ses cousines, fille d’Isaac de Carcassonne et d’Esther Crémieux de l’Isle. David et Rachel perdent trois enfants avant de donner naissance à Isaac-Jacob et à trois filles. Associé à son frère Élie dans le négoce de la soierie, David Crémieux fut à Nîmes un révolutionnaire engagé dans la vie politique de sa commune.
Isaac-Jacob Crémieux porte, comme il est de tradition, les prénoms de ses grands-parents, mais c’est avec le prénom d’Adolphe qu’il se fait un nom. Son ascendance est donc à la fois comtadine (assimilée à la tradition séfarade) et ashkénaze d’obédience religieuse traditionaliste. Nul ne représente mieux ce judaïsme pluriel conciliant les traditions séfarade et ashkénaze, riche héritage qui va le porter à défendre la religion juive et à préparer l’intégration des Juifs dans le monde moderne.
Enfant, en même temps qu’il reçoit une éducation laïque, il porte un grand intérêt aux textes scripturaires auxquels on l’initie. Son aptitude à l’étude incite ses parents à l’envoyer au lycée Impérial de Paris en 1808 (Lycée Louis le grand). Il y restera jusqu’en 1815. Là, on lui inculque le culte de Napoléon – dont il sera toujours un défenseur –, alors que ses dispositions pour défendre ses camarades lui valent d’être déjà surnommé « l’avocat ». Sa vocation est née. Après un séjour pénible à Nîmes lors de la Terreur blanche, au tout début de la Restauration, il va suivre à Aix-en-Provence en automne 1815 les cours de la faculté de Droit. Sorti major de sa promotion en 1817, il s’inscrit à vingt et un ans au barreau de la ville. Crémieux veut être un acteur de son temps et se dresse, lui le Juif, comme « modèle » de son époque. Lui qui, enfant, entendait dire : « les Juifs ne comptaient pour rien », il a une revanche à prendre : réhabiliter le Juif dans la société. Doté de multiples talents, animé d’esprit de liberté et de justice, attaché à la loi mosaïque et à sa patrie, il veut participer à tous les débats de société et occuper les fonctions et les postes les plus prestigieux, encore fermés aux Juifs.
Il est attiré par la franc-maçonnerie à laquelle certains Juifs de Carpentras étaient affiliés dès le XVIIIe siècle. En 1818, à vingt-deux ans, il est initié dans une loge nîmoise du Grand Orient de France au sein de laquelle il reçoit les trente premiers degrés du Rite écossais ancien et accepté (REAA). Par la suite, il intègre une loge du Suprême Conseil de France du REAA dont il devient le Très Puissant Souverain Grand Commandeur élu en 1869. Il ne voit pas de contradiction entre son attachement à la fois au judaïsme et au « Grand Architecte de l’Univers » ; pour lui, le monde est régi par une force suprême et les disparités religieuses n’ont pas lieu d’être.
Son père meurt le 12 janvier 1819, ruiné. Adolphe Crémieux subvient alors aux besoins de sa famille et s’attache à réhabiliter la mémoire paternelle entachée par la faillite. Il parviendra à s’acquitter de toutes les dettes en 1837.
Au début de sa carrière, Crémieux défend en particulier les victimes de la Terreur blanche, ce qui lui vaut d’être appelé l’« avocat des protestants ». En 1824, à vingt-huit ans, il occupe la première place au barreau de Nîmes et compte au nombre des avocats les plus renommés de la Restauration. Sa passion du théâtre aidant, il joue de la mise en scène dans les plaidoiries et de son éloquence pour retenir l’attention et faire oublier son physique ingrat. Dans le même temps, il fait entendre sa voix dans les journaux républicains tels que Le Courrier français, le Mouvement et la Nouvelle Minerve dont il est le fondateur.
S’illustrant dans nombre de domaines, Crémieux décide de mettre sa notoriété au service de la communauté juive dont les membres restent l’objet d’injustices et de préjugés vivaces que lui-même, enfant, avait dû combattre « à coup de poings ». Prenant une part active à la vie communautaire locale – il est nommé, en 1828, membre laïque du Collège des notables israélites de la circonscription de Marseille –, Crémieux dénonce les inégalités au nom de la devise révolutionnaire d’inspiration, dit-on, franc-maçonne : « Liberté-Égalité- Fraternité ». Il mène ainsi le combat contre le serment more judaïco, obligation discriminatoire et avilissante faite aux Juifs en justice de prêter serment sur la Bible, tête couverte et en présence d’un rabbin. L’abolition de cette procédure qu’il obtient à la cour de Nîmes en 1827 ne s’appliqua d’abord qu’aux israélites du Midi. Sans relâche, Crémieux en réclame l’abolition totale, exhortant les rabbins à refuser leur concours. Il obtint gain de cause en 1846 : les Juifs de France obtenaient alors leur émancipation complète.
La révolution de 1830 décide Adolphe à se fixer à Paris où il acquiert le cabinet d’Odillon Barrot, avocat à la Cour de cassation. Il y défend des politiciens, des saint-simoniens, des opprimés fussent-ils de l’opposition ou antisémites. En 1836, il vend son cabinet sans pour autant abandonner le barreau. Il s’oriente vers l’administration communautaire et devient le défenseur en titre des intérêts juifs à la Chambre des députés, ce qui lui vaut le sobriquet de « père des Juifs ». C’est tout naturellement qu’il assume des responsabilités au sein de la première instance israélite de France – le Consistoire central. Membre en décembre 1830, vice-président en 1834, il en devient le président en 1843. Il s’occupe des problèmes juridiques et financiers, prend part à la réorganisation du système consistorial comme à la réforme du culte. Adolphe éveille la conscience des élèves de l’École rabbinique de Metz, devenu le Séminaire Israélite de France, sur des sujets qui lui sont chers : « Dieu, la patrie, la famille », et les incite à s’adonner aux études profanes. Il défend les intérêts des ministres du culte israélite auprès de l’État en réclamant une augmentation de leurs émoluments.
Préoccupé par l’oppression des Juifs dans le monde, il s’impose comme mission de les défendre où qu’ils soient et rivalise à cet égard avec son confrère anglais, sir Moses Montefiore. L’affaire de Damas, survenue en 1840, les décide tous deux à se rendre auprès du vice-roi d’Égypte – Muhammad Ali, nouveau conquérant de la Syrie – pour y obtenir la libération des Juifs damascènes accusés d’avoir assassiné le père Thomas et pétri avec son sang le pain azyme de la Pâque. Crémieux profite de son séjour en Égypte pour éveiller la population juive locale à la modernité en y créant deux établissements scolaires.
On entrevoit déjà là les idées motrices qu’insufflera Crémieux à l’Alliance israélite universelle – « une société mondiale pour la défense des droits des juifs » ou un « comité pour l’émancipation des Israélites » dont l’idée, présente chez les esprits éclairés dès cette époque, mettra quinze ans à se concrétiser. On l’aura compris, Crémieux est le symbole vivant du Juif moderne pour les nouvelles générations, une figure qui dérange ses détracteurs car elle bouscule les stéréotypes antisémites. Crémieux demeure, dans le paysage judéo-chrétien du XIXe siècle, celui qui associe les valeurs mosaïques aux grands principes de la Révolution française et qui crie son attachement à ces valeurs en France comme à l’étranger. Alors qu’il défend les intérêts des ouvriers juifs français expulsés de Suisse (1845), il clame : « Nous qui avons l’honneur d’appartenir au culte israélite, ne sommes pas de simples citoyens français, nous sommes des juifs citoyens français… Quand on a le bonheur d’être français et quand on invoque ce titre dans un autre pays, je dis qu’il ne doit pas être méconnu ».
Crémieux revendique la liberté religieuse et n’hésite pas à s’opposer à l’État pour la défendre. Sans être un pratiquant fervent, Crémieux est croyant. Il déclare : « Dieu et l’immortalité de l’âme, voilà ma religion ». Fier d’être juif, il aime rappeler dans ses plaidoiries la primauté du judaïsme en tant que porteur de valeurs humanistes et universalistes, religion « qui la première comprit et proclama l’unité de Dieu, celle qui écrivit sur le mont Sinaï la plus pure morale dans cet immortel Décalogue, fondement de toutes vos lois ! ». En 1845, la conversion de ses enfants et de sa femme Amélie Silny (22 avril 1800 - 1er février 1880), une israélite messine « cultivée, très spirituelle et de grand cœur » épousée le 2 décembre 1824, le surprend alors qu’il préside depuis deux ans le Consistoire central. Cette conversion le met dans une situation délicate alors que, conjuguant judaïsme avec patriotisme, il réclamait réparation des préjudices causés par la conversion forcée sur son lit de mort du Dr Terquem de Metz par l’abbé Ratisbonne. Mais chez Crémieux la liberté et la famille prévalent. Il estime que l’attachement à « la religion est entre l’homme et Dieu ». Sa femme continue donc de prendre une part active à ses réflexions et l’on s’accorde à penser qu’elle influença ses décisions, notamment celle relative au divorce.
Cette conversion le contraint néanmoins à démissionner de la présidence du Consistoire comme l’avait fait son prédécesseur, Worms de Romilly, après la conversion de sa petite-fille au christianisme. Bien que nommé délégué du Haut-Rhin en 1850 au sein de cette institution, il reste à l’écart des affaires juives. L’affaire Mortara survenue à Bologne en 1858 le sort de sa réserve. Crémieux se démène sans succès pour faire libérer le jeune Juif Edgar Lévi Mortara, qui, baptisé en secret par une domestique, avait été arraché à ses parents par la police ecclésiastique du pape Pie IX.
Les nombreuses interventions de Crémieux à l’étranger et l’incapacité du Consistoire à agir dans les affaires juives dans le monde concourent à la création tant attendue d’une institution juive internationale : L’Alliance israélite universelle – calquée sur sa sœur anglaise l’Alliance évangélique universelle – est fondée en 1860 sous l’impulsion de six jeunes libéraux, héritiers des idéaux des droits de l’homme, qui marchent sur les traces de Crémieux. Parmi eux Narcisse Leven, son assistant puis son ami fidèle, un homme brillant et déterminé que Crémieux initie aux affaires juives.
Ce dernier, qui fut ministre de la justice en 1848 et qui le redeviendra en 1870, offre son concours à cette institution tout en restant à l’arrière-plan. Il n’en prend la présidence qu’en 1863 pour y œuvrer jusqu’à sa mort, avec une seule brève interruption en 1867. Sa première intervention est le lancement d’un appel aux Israélites du monde entier à venir en aide aux « frères » chrétiens maronites du Liban, persécutés par les musulmans. Il est entendu. Fort de ce succès, Crémieux est mieux armé pour défendre les siens. D’autant qu’avec ses fonctions d’homme d’État, il dispose d’un levier pour défendre et promouvoir la cause des Juifs, s’imposant comme le porte-parole du judaïsme international. Il met au service de l’Alliance sa personne et son prestige et œuvre pour faire de cette institution l’emblème du judaïsme émancipé, menant une mission internationale sur les plans intellectuel et politique : sous son égide, elle secourt les minorités juives opprimées, notamment en Afrique du Nord et en Orient, défend leurs droits et les aide, en leur inculquant la culture française, à s’insérer dans la société par l’instruction et la formation professionnelle. Elle œuvre aussi pour l’émancipation des Juifs d’Europe occidentale. Les archives de l’AIU conservent une riche correspondance témoignant de ses différents combats au service de ses semblables dans le monde. Pour mémoire, signalons ses actions en faveur des Juifs de Roumanie, de Serbie, de Perse, des Balkans, de Russie, du Maroc, de Tunisie.
Parallèlement à son activité d’avocat, Crémieux mène une longue et brillante carrière politique qu’il débute en 1842 comme député de Chinon, dans l’Indre-et-Loire. Son rôle parlementaire, d’abord très discret, ne s’affirme qu’en 1844, alors qu’il légifère sur la chasse. Il s’occupe initialement du milieu carcéral, de la loi relative à la construction des grandes lignes ferroviaires et propose, pour lutter contre la corruption, un amendement interdisant aux personnalités officielles d’être adjudicatrices ou administratrices de compagnies de chemins de fer. Il s’oppose à la Monarchie de Juillet et à François Guizot. En 1846, réélu au second tour à Chinon, il est l’un des chefs de la gauche. Il se distingue par la défense des opprimés portugais (1848), des chrétiens et des Druzes du Liban. Il se bat contre l’agiotage et la corruption. Il prend part à la campagne des Banquets et préside avec succès celui de Saintes. Lors des journées de juillet 1848, Crémieux incite le roi à partir, s’oppose à la régence de la duchesse d’Orléans et se prononce pour l’établissement d’un gouvernement provisoire dont il fait partie comme ministre de la Justice avec Ledru-Rollin, Lamartine, Dupont de l’Eure, Arago. Il suggère l’idée d’une République. Monarchiste le matin, il devint donc républicain l’après-midi. Le ministère de la Justice à peine réorganisé, il libère les prisonniers et ordonne de surseoir aux exécutions capitales. Par la suite, il réclame des poursuites contre les anciens ministres, l’abolition du crime de lèse-majesté, du serment politique, la proclamation de la liberté des cultes, l’abrogation de la contrainte par corps ; il abroge l’impôt du timbre sur les journaux et supprime la peine de l’exposition publique.
Réélu à Chinon le 23 avril 1848, Crémieux conserve le portefeuille de la Justice (11 mai) mais ne fait pas partie de la commission exécutive. Il propose sans succès le remaniement de la Cour de cassation, du Conseil d’État, des tribunaux de commerce, de l’organisation judiciaire, la réorganisation du jury et le rétablissement du divorce. Acculé par ses adversaires et désapprouvant la mise en accusation de Louis Blanc, il démissionne. Il conserve néanmoins son banc à la Chambre et propose de valider l’élection de Louis-Napoléon (9 octobre 1848). Mais celui-ci, parvenu au pouvoir, devient son adversaire. Crémieux, désormais l’un des chefs de l’opposition, se prononce contre l’interdiction des clubs. Surpris par le coup d’État du 2 décembre 1851, il est arrêté et incarcéré à la prison de Mazas d’où il est libéré le 15. Crémieux refuse de prêter serment à la nouvelle constitution et s’impose une retraite politique volontaire qui dure jusqu’en 1868. Dans cette période, il se consacre à sa famille, retourne au Palais et s’occupe des affaires internationales.
En 1869, après avoir échoué aux élections dans la Drôme, il est élu le 22 novembre dans la 3e circonscription de Paris et devient l’un des chefs de l’opposition au Corps législatif. Hostile à la guerre contre la Prusse, il est partisan, dès le 2 septembre 1870, d’un coup de force contre l’Empire. Le 4, il signe la motion de Jules Favre sur la déchéance de Napoléon III et devient, pour la seconde fois, membre du gouvernement et ministre de la Justice dans le Gouvernement provisoire. Il s’empresse de dissoudre la Chambre, de supprimer le serment pour les fonctionnaires et de faire libérer les prisonniers politiques. « Délégué pour représenter le gouvernement et en exercer le pouvoir », Crémieux se rend à Tours (13 septembre) où il assume différents ministères, et notamment la rude tâche d’organiser la défense. Faisant acheminer des troupes d’Algérie, il réussit à réunir une armée de 110 000 hommes. Mais lorsque Gambetta arrive le 10 octobre à Tours, Crémieux s’efface pour le seconder et approuve la proposition d’armistice (20 octobre). La principale réforme accomplie par Crémieux en tant que chef de la Délégation de gouvernement en province concerne l’organisation administrative de l’Algérie et l’octroi de la citoyenneté française aux Israélites indigènes des départements de l’Algérie (24 octobre 1870). Le « décret Crémieux » provoque un soulèvement sanglant des populations musulmanes, exclues de cette mesure. Sa connaissance de l’Afrique vaut à Crémieux dans les milieux parlementaires le surnom de « l’Africain ». Il transfère la Délégation à Bordeaux (8 décembre 1870) où il continue de lutter contre les arrestations illégales. Crémieux signe les décrets sur la déchéance des magistrats et sur le retrait du droit d’éligibilité aux hommes d’État qui ont collaboré à l’Empire. Il donne sa démission le 20 février 1871.
Crémieux pose, en vain, sa candidature à Chinon puis aux élections complémentaires du 9 juillet 1871, à Alger. Mais, en octobre 1872, il remporte des élections partielles à Alger et siège à gauche sur les bancs de l’Union républicaine. Cette même année, il perd son fils unique Gustave. Le 15 décembre 1875, Crémieux est élu sénateur inamovible par l’Assemblée nationale. Siégeant à l’extrême gauche, il ne prend que rarement part aux discussions publiques.
Juriste, homme d’État, Crémieux s’impose comme la figure de proue d’un judaïsme émancipé international. Homme de combat au service des causes généreuses, Crémieux est un homme cultivé, amateur d’art, de musique et de littérature. Il s’entoure d’artistes, de musiciens et d’écrivains. Scribe, Alexandre Dumas, Victor Hugo comptent au nombre de ses amis. Dans ses salons de la rue Bonaparte, Crémieux se plaît à recevoir, mêlant les notables maçonniques et les futurs hommes d’État de la Troisième République aux écrivains, aux artistes et aux peintres. Il fut d’un grand soutien à la grande tragédienne juive Rachel et porta une affection particulière à son ami l’abbé Grégoire dont il fit l’éloge funèbre (1831).
Sa disparition survenue dans sa 84e année fut saluée dans le monde entier par un grand nombre de personnalités qui lui rendirent hommage. La France lui fit des funérailles nationales.
Le nom d’Adolphe Crémieux accolé au seul « décret Crémieux » est injustement réducteur. Cette grande figure du monde politique et du monde juif du XIXesiècle, haute en couleurs, « oublié de la gloire » selon l’expression de D. Amson, mériterait d’être réévaluée dans l’histoire moderne de la France et du judaïsme.
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Mrejen-O’Hana Simone, « Isaac-Jacob Adolphe Crémieux, Avocat, homme politique, président du Consistoire central et de l'Alliance israélite universelle. (Nîmes, 30 avril 1796 – Paris, 10 février 1880) », Archives Juives, 2/2003 (Vol. 36), p. 139-146.
URL : http://www.cairn.info/revue-archives-juives-2003-2-page-139.htm
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