ANALYSE: COMMENT ARRÊTER LE DJIHADISME JUIF
PAR RON BEN-YISHAI
Quelque terroristes juifs suffisent à diviser la société israélienne et mener un conflit avec les Palestiniens
Il y a un point commun entre les coups de couteau qui ont frappé des participants de la Gay Pride jeudi, l'incendie criminel qui a causé la mort d'un bébé palestinien brûlé vif vendredi à l'aube, et l'incendie volontaire de l'Eglise de la Multiplication il y a quelques semaines. Ce ne sont pas des crimes haineux, mais plutôt les actes d'un terrorisme religieux messianique, commis par des gens qui considèrent qu'ils agissent selon la volonté de Dieu.
Cela s'appelle tout simplement du djihadisme juif, identique dans ses moindres détails au djihadisme islamique, excepté que, heureusement, ce n'est pas un phénomène de masse comme celui que l'on peut observer dans la région et en Europe.
Cela ne concerne qu'une poignée de Juifs, peut-être même seulement 200, mais dans un petit pays comme Israël, qui vit au bord du cratère d'un volcan, une telle poignée est suffisante pour déchirer la société israélienne en lambeaux et la conduire à la guerre avec ses voisins palestiniens ainsi qu'avec le monde musulman en général. Les Sicaires, ces assassins fanatiques de la période du second Temple, avaient déjà conduit à la destruction de l'entité juive politique et religieuse et nous avaient envoyés en exil. Cela pourrait se reproduire.
Il est important de comprendre que ces gens-là ne représentent qu'une poignée de fous. La plupart de ces terroristes sont sains d'esprit, il est donc difficile de les juger car ils savent comment couvrir leurs arrières. C'est ce qu'ont fait les membres de l'organisation clandestine "résistance juive" ont fait dans les années 80, ou encore Yishai Schlissel il y a dix ans. Le problème est qu'ils sont sains d'esprit et intelligents. On ne trouvera donc jamais assez de preuves pour les mettre derrière les barreaux, et les empêcher de commettre des actes de terrorisme.
Voilà aussi pourquoi les autorités judiciaires en Israël, la Knesset, et les tribunaux ne peuvent pas s'en débarrasser. S'ils avaient traité les terroristes juifs comme ils traitent les terroristes arabes, ils auraient pu empêcher la plupart de ces assassinats, incendies criminels et actes de vandalisme qui ont lieu de plus en plus souvent ces derniers temps.
S'ils avaient gardé les criminels "prix à payer" plusieurs années en détention administrative, comme ils le font avec les terroristes arabes lorsqu'il n'y a pas assez de preuves pour les condamner, ils auraient empêché les terroristes juifs de mettre leur plan à exécution.
S'ils avaient puni les rabbins qui accordent une légitimation halakhique (loi religieuse juive, ndlr) à la ferveur messianico-djihadiste, leur nombre aurait été moindre.
Si le système éducatif incluait l'enseignement de la tolérance dans ses programmes basiques, et exigeait des écoles religieuses qu'elles intègrent cette valeur dans leurs programmes sous peine de ne pas recevoir les subventions de l'Etat, la ferveur judéo-djihadiste se serait désagrégée au fil du temps.
Il est également possible de changer les règles qui s'appliquent aux preuves et de promulguer des lois d'urgence, car le djihad juif est, à l'image du djihad de l'État islamique, une idée messianique, alimentée par les passions et qui se répand comme une traînée de poudre.
L'assassinat du bébé palestinien et les graves blessures des membres de sa famille pourraient déclencher un embrasement dangereux dans les territoires palestiniens susceptibles de se propager au-delà de nos frontières. Voilà pourquoi l'armée israélienne a pris, à juste titre, des mesures de grande envergure avec un seul objectif en tête : inonder la région de militaires et de policiers afin de parvenir à contenir d'importantes émeutes, sans avoir à faire usage du feu et prendre le risque de tuer des Palestiniens.
Chaque Palestinien tué rajoute de l'huile sur un feu qui brûle déjà sous la surface. Nous devons tout faire pour empêcher qu'il y ait d'autres victimes. Le ramadan est derrière nous, mais les prédicateurs dans les mosquées du Mont du Temple et d'ailleurs en Cisjordanie pourraient porter à ébullition la rue palestinienne.
L'Autorité palestinienne a compris cela, et c'est pourquoi il y a une coopération efficace entre les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne et l'armée israélienne. Mais de sérieux avertissements doivent être lancés aux imams des mosquées sur d'éventuelles incitations à la haine, et rapidement. Ceci relève de la responsabilité de l'Autorité palestinienne, mais aussi de l'armée israélienne et du Shin Bet.
Voilà comment nous pourrions contenir le feu qui couve et empêcher qu'il soit alimenté davantage. À long terme, les politiciens israéliens de toutes les tendances doivent condamner le messianisme violent de tout genre, qu'il soit nationaliste ou halakhique.
Nous devons réaliser que ceux qui ont mis le feu à l'église de la Multiplication de Tibériade sont les mêmes qui ont brûlé vif un bébé palestinien et poignardé des jeunes à la Gay Pride de Jérusalem. Le relâchement de la direction politique et de l'application de la loi en Israël jouent en leur faveur. Le gouvernement et le cabinet de la sécurité doivent se réunir pour décider enfin des mesures sérieuses et efficaces à prendre pour arrêter le djihadisme juif.
Et n'oublions pas ce vers du poème de Haïm Nahman Bialik "L'abattoir": "la vengeance pour le sang d'un petit enfant, a encore été mise au point par Satan".
Ron Ben-Yishai est un correspondant de guerre et analyste en matière de défense. Cet article est publié avec l'autorisation de Ynet.
L'article original consultable dans son intégralité (en anglais) ICI.
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