Antisémitisme : les juifs de France de plus en plus nombreux à quitter le pays
- Selon les chiffres officiels du gouvernement français, 1 659 actes antireligieux ont été recensés sur l’année 2021. Parmi eux, 589 ont visé des juifs, 857 contre des chrétiens et 213 contre des musulmans.
Feiza Ben Mohamed
La question de l’antisémitisme revient régulièrement au cœur des débats, dans un contexte politique français particulièrement marqué par une percée de l’extrême-droite et des discours négationnistes.
Depuis presque dix ans, les chiffres de l’antisémitisme, tant du côté des associations que du ministère de l’Intérieur, font état d’une quasi-constante augmentation et permettent de faire un lien entre la recrudescence des actes anti-juifs et le nombre de départs des juifs de France.
- Un antisémitisme ancré dans la société
Dans un rapport publié début 2022, la « fondation pour l’innovation politique » a dressé une « radiographie de l’antisémitisme en France » visant à établir un état des lieux de la situation.
« Depuis les étoiles jaunes portées par des manifestants opposés au passe sanitaire jusqu’à l’usage par certains du pronom « qui » utilisé pour dénoncer la supposée mainmise des Juifs sur les principaux médias, sans oublier la notion de complot juif remis au goût du jour pour expliquer la pandémie du coronavirus, l’année 2021 a été marquée par la multiplication d’incidents antisémites » déplore la fondation en introduction de son rapport annuel.
Cette dernière considère, par ailleurs, que « de tels faits sont venus rappeler la persistance des préjugés sur les Juifs au sein de la société française, l’histoire enseigne que l’antisémitisme prospère dans les périodes de crise ».
Le rapport établit néanmoins que l’antisémitisme « est un phénomène dont les Français ont conscience » puisque 64% d’entre eux « estiment qu’il est répandu ».
- 1/3 des actes antireligieux en France sont antisémites
Selon les chiffres officiels du gouvernement français, 1 659 actes antireligieux ont été recensés sur l’année 2021.
Parmi eux, 589 ont visé des juifs, 857 contre des chrétiens et 213 contre des musulmans.
Au terme d’une mission confiée par le Premier ministre à Isabelle Florennes, députée des Hauts-de-Seine, et Ludovic Mendès, député de Moselle, le gouvernement a publié une synthèse qui permet de mieux cerner la situation dans le pays.
Les conclusions de cette mission établissent que « les régions les plus touchées sont l’Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et le Grand-Est ».
« La communauté juive est particulièrement touchée par des atteintes visant les personnes, qui concernent 52 % des faits recensés, avec une part notable de violences physiques (10 %, soit 60 faits recensés) – ce pourcentage devant être rapporté à la faible proportion que représente la communauté juive dans la population totale » indiquent les auteurs du rapport.
- Le départ des juifs de France, un phénomène d’ampleur
Pour l’année 2021, la ministre de l’immigration israélienne Pnina Tamano Shata, l’Agence juive et l’organisation Nefesh Be Nefesh, annonçaient en conférence de presse que 3 500 français avaient fait leur Alyah (immigration en Israël).
Ce chiffre accuse donc une nette augmentation avec environ 2 220 départs en 2019 comme en 2020.
Mais des données plus anciennes traduisent une véritable fuite opérée entre 2013 et 2017, dans le sillage de la vague d’attentats qui a touché la France dès 2012, même si le pays recense à ce jour quelques 467 500 juifs toujours présents sur le territoire.
Ils sont par exemple 1 919 à être partis vers Israël en 2012, 3 120 en 2013, 7 238 en 2014, 7 469 en 2015.
Les massacres perpétrés par Mohamed Merah en mars 2012 dans une école juive de Toulouse (quatre morts dont trois enfants), et celui contre l’Hypercasher en janvier 2015 (quatre morts), ne sont évidemment pas étrangers à la multiplication de ces départs.
« À partir de 2012, avec ce qui s'est passé à l'école Ohr Torah et ailleurs en France, les départs se sont accélérés. Il s'agit souvent de familles qui ont eu peur de la tournure des événements. On pourrait presque dire qu'il s'agit d'une génération de sacrifiés : ils sont partis pour leurs enfants», expliquait alors Yves Bounan, président du Consistoire de Haute-Garonne dans les colonnes du journal La Dépêche.
Dans un entretien accordé à l’Agence Anadolu, Michel, 49 ans, cardiologue dans le sud de la France, reconnaît lui aussi, envisager l’option d’un départ vers Israël.
S’il affirme son attachement et son amour de la France, ce père de quatre enfants « pense de plus en plus à partir ».
En cause, « les discours politiques négationnistes qui se banalisent », « un antisémitisme rampant » et « une incapacité des pouvoirs publics à protéger ses citoyens de confession juive ».
S’il admet que l’Etat tente d’enrayer le phénomène, Michel s’inquiète de ne pas voir de résultats concrets.
Dès 2015, l’avocat Gilles-William Goldnadel assurait à ce propos, à travers une tribune dans Le Figaro, qu’il n’y a « plus de doute, les juifs quittent la France. Non de manière massive, mais désormais régulière et significative ».
« Les juifs qui quittent la France ne le font pas dans l'allégresse, ni dans le désarroi. Ils le font dans la résignation. Ils ne voient pas, au regard de la politique actuelle menée par les gouvernants, ou dans le regard de certains médias dont ils connaissent l'aveuglement, ce qui pourrait inverser la courbe du renoncement français » écrivait-il.
Et de trancher « on est libre de quitter la France quand elle vous abandonne ».
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