Autorité Palestinienne : l’état des lieux (010904/18) [Analyse]
Par Sami el Soudi © Metula News Agency
Est-ce que j’ai honte ? Oui, j’ai honte, et ce sentiment me hante de jour comme de nuit depuis des semaines maintenant. Pour ceux qui s’interrogent sur mes activités, je travaille quotidiennement, je rencontre aussi bien des responsables politiques palestiniens que des gens de la rue. Je passe au moins une journée par semaine sur le pourtour de la bande de Gaza, côté israélien, si bien que les militaires de Tsahal commencent à me connaître et me laissent aller pratiquement où je veux.
Pourquoi est-ce que je n’adresse pas plus d’articles à ma rédaction ? Parce qu’il n’y a pratiquement rien à dire, et que je n’ai aucune intention de vous infliger les déclarations incendiaires et contradictoires des responsables de l’Autorité Palestinienne, ou des barons de l’OLP, car celles-ci n’ont strictement aucune importance et personne ne les écoute.
En Cisjordanie, on vit la fin de règne de Mahmoud Abbas dans une atmosphère d’anarchie consommée, dans laquelle chacun veille à servir ses propres intérêts et à se placer politiquement pour la suite.
Abbas est très malade, à 82 ans, le président de l’AP, qui a déjà vaincu une fois le cancer il y a quelques années, a été hospitalisé à trois reprises durant le dernier mois de mai. Il a subi une importante intervention chirurgicale dans la tête et on a craint pour sa vie. Il se déplace avec grande difficulté, le souffle court, et il est pris de violentes et subites crises d’autorité, durant lesquelles il raconte quasiment n’importe quoi.
A témoin, sa déclaration fracassante selon laquelle les Juifs étaient responsables de la tentative d’éradication que leur ont fait subir les nazis. En raison de son état de santé, les réactions internationales, quoiqu’unanimes dans leur condamnation, ont été remarquablement modérées et surtout, elles n’ont pas été suivies de sanctions.
Abbas, lorsqu’il n’est pas en crise, consulte ses hommes de confiance, au nombre desquels Saëb Erekat, qui n’est pas beaucoup mieux logé que lui au chapitre de la santé. Erekat a été récemment traité dans des hôpitaux israéliens et dans un établissement de Virginie du Nord, où il a bénéficié d’une greffe de poumon dans ce qui ressemblait à une intervention de la dernière chance.
Pendant que les prétendants de toutes sortes se font les griffes, le plus dangereux d’entre eux est sans doute Mohammed Dahlan, un comploteur patenté, ancien chef des forces spéciales de l’AP, qui, en juillet 2007, est surtout connu pour avoir abandonné ses hommes à la mort lors du putsch du Hamas à Gaza. A la tête des soldats du Fatah, il avait fui en Egypte, prétextant des douleurs lancinantes au dos. En dépit du fait que le Fatah disposait de trois fois plus de combattants que le Hamas, et d’un armement autrement plus complet, les islamistes prirent le pouvoir après quelques jours d’affrontements et précipitèrent les officiers du Fatah du haut des plus grands immeubles de Gaza.
Depuis, il magouille avec tout le monde, que ce soit le Hamas, les Etats du Golfe, les autres pays arabes et les Israéliens. Il entretient des relations à caractère économique avec plusieurs dirigeants hébreux, dont il reçoit des cadeaux. Mohammed Dahlan est la personnification de la corruption qui ruine, de manière endémique, la société palestinienne. S’il parvenait à s’emparer du pouvoir, de nombreuses personnes auraient à craindre pour leur vie, car les lâches sont les plus dangereux lorsqu’ils disposent de la force.
Le territoire géré par l’Autorité Palestinienne n’est pratiquement pas gouverné. Aucun projet politique ou économique d’envergure n’y est visible. La population est occupée à trouver des moyens de subsistance, et elle est rongée par l’amertume et la déception. De plus en plus de gens, y compris des cheikhs et des imams, expriment publiquement qu’ils regrettent le temps de l’occupation israélienne, et que ce serait un bienfait si les "Juifs revenaient".
Mais cela ne s’inscrit pas dans les projets du gouvernement de M. Netanyahu, qui n’a aucune intention de se réapproprier les villes de Cisjordanie, principalement parce qu’en cas d’annexion, il faudrait donner à la population arabe des droits équivalents à ceux des Israéliens, ce qui mettrait en péril la majorité juive dans la démographie israélienne. Quant à l’option d’un régime d’apartheid, il s’agit d’un délire de la propagande antisémite, et nos voisins n’ont aucunement l’intention d’instaurer un pays comprenant des citoyens jouissant de droits politiques et juridiques différents.
La seule chose qui fonctionne dans les territoires gérés par l’AP est la police. La police secrète, qui s’emploie à juguler l’influence du Hamas et des autres mouvements islamistes, et la police en uniforme, qui s’occupe du maintien de l’ordre, de la coordination et de l’échange d’informations avec le Shin-Bet israélien, soit le contre-espionnage de l’Etat hébreu.
Sans le concours du Shin-Bet, le désordre s’installerait dans les villes palestiniennes en moins d’une semaine, ce qui n’est ni dans l’intérêt de Jérusalem, ni dans celui de Ramallah.
Peu de Cisjordaniens s’identifient aux émeutiers de la "Marche du retour" du Hamas à Gaza. Pour preuve, lors des massacres sacrificiels organisés par la Résistance Islamique Palestinienne [Hamas], prenant la Nakba et le transfert de l’ambassade américaine pour prétextes, il n’y eut que quatre mille personnes pour manifester ou se heurter à la police israélienne. Encore, la plupart étaient des "Arabes-israéliens" ; ce fut la commémoration la plus calme de la Nakba depuis au moins vingt ans, bien loin des 80 ou 100 000 personnes qui descendaient dans la rue, certaines années, à cette occasion.
Que ce soit à la Moukata [le siège du gouvernement de l’AP] de Ramallah ou au sein de la population, on sait pertinemment que le Hamas, au bord de l’effondrement, à court d’argent et de soutiens dans le monde arabe, lance des attaques de miliciens contre l’Armée israélienne, en les dissimulant parmi des milliers de civils. Des civils, que la junte démente qui contrôle la bande côtière rémunère afin qu’ils se sacrifient en buttant sur les défenses israéliennes.
Si cela fait les choux gras des nombreux journalistes antijuifs européens qui couvrent ces évènements, et si cela a pu momentanément abuser la compréhension de leurs dirigeants politiques, les résultats de ces orgies sacrificielles sont nuls. Le Hamas a perdu environ 80 combattants et 30 civils sans égratigner le moindre militaire adverse, ni "libérer" un centimètre carré de Palestine. Or cette nouvelle tentative, à caractère exclusivement militaire, va, à l’instar des roquettes et des tunnels "stratégiques", s’épuiser ; dans une semaine, dans un mois ou dans six. [Vidéo : une "manifestation pacifique" selon l’AFP].
Israël restera à sa place, les morts seront morts strictement pour rien, et l’argent, dilapidé en vain, au lieu de servir à atténuer la misère des Gazaouis, aura été englouti sans le moindre bénéfice. Vous parlez d’une victoire !
A court d’idées, les jeunes de la Bande sont désormais poussés à incendier les cultures de leurs voisins et les forêts qu’ils ont gagnées sur le désert. C’est un déshonneur qui maculera à jamais l’image de la cause palestinienne. Mais pas uniquement : en brûlant des récoltes et en assassinant la faune sauvage, les voyous de Gaza établissent un contre-jugement de Salomon qui marquera les esprits. Lors du jugement biblique, la mère accepta d’abandonner son enfant plutôt que de le voir couper en deux. Quant aux Gazaouis, qui prétendent que la terre située de l’autre côté de la barrière leur appartient, ils y mettent le feu. Quel peuple qui aime sincèrement sa terre la ramènerait à l’état de désert ?
Mais qu’attendre d’une organisation d’illuminés religieux qui sont dénués de toute éthique ? J’ai vu des émeutiers, dans la liesse générale, brûler vif un âne affublé d’un drapeau israélien. J’ai vu des cadavres d’accidentés de la route, des gens morts dans les hôpitaux, dont des nourrissons, amenés vers la frontière afin de faire croire que c’étaient les Israéliens qui les avaient tués. J’ai vu des infirmières, dont la tâche consiste à protéger la vie, lancer des bombes incendiaires que leur tendaient des miliciens sur des champs cultivés. J’ai vu, aujourd’hui [vendredi], des émeutiers s’approcher de la frontière vêtus des pyjamas rayés des suppliciés des camps de concentration hitlériens. [Une vidéo montrant l’infirmière martyr Razan al Najjar en train d’incendier un champ cultivé].
Et je le dis bien fort : ces gens n’appartiennent pas à ma cause ! L’antijuivisme n’appartient ni à ma cause ni à mes rêves. Ils me font honte en tant que Palestinien, qu’Arabe et qu’être humain, et je ne vivrai jamais avec eux. Ni dans leur foi de dégénérés, ni dans leur haine. Ce n’est pas sur ces bases que l’on construit un pays. Et je l’affirme aussi, ils n’ont aucune intention de construire un pays, mais uniquement celle d’islamiser le monde et de massacrer les autres êtres humains qui ne partagent pas exactement leur démence.
Une question subsiste, qui pousse les journalistes dhimmis à excuser toutes les exactions des islamistes : si les Juifs ont volé la Palestine, tous les moyens sont bons pour la récupérer. Si les Juifs ont volé les maisons des Gazaouis, ces derniers ont le droit d’utiliser tous les recours pour les récupérer.
Mais c’est naturellement un autre mythe, instrumentalisé par le Hamas et les autres djihadistes afin de justifier leurs crimes auprès des incultes et des antijuifs : en 1948, il y avait certes une majorité d’Arabes – musulmans et chrétiens confondus – sur le territoire qui s’étend de la rivière à la mer. Mais il y avait aussi des Juifs, qui y vivaient depuis des siècles, et qui ne sont pas arrivés des entrailles de la Terre pour nous voler la Palestine.
La Palestine leur appartient tout autant qu’à nous, et eux avaient accepté le Plan de Partage de novembre 1947, proposé par l’ONU, sur la base des zones de présence majoritaire de Juifs et d’Arabes. C’est nous qui l’avons refusé, et qui avons tenté d’exterminer les Israélites en envahissant le territoire qui leur était dévolu. Au début de la Guerre de 1948, il y a exactement 70 ans de cela en ce mois de juin, les armées régulières d’Egypte, de Jordanie, d’Irak, de Syrie, du Liban, d’Arabie Saoudite, du Yémen, du Pakistan et du Soudan, soutenues par des officiers nazis exfiltrés d’Europe, envahirent l’Etat d’Israël proclamé depuis à peine quinze jours, et défendu par 30 000 soldats, peu armés et soutenus par personne.
Nous avons été défaits, de même que lors des guerres successives, mais par des gens qui vivent chez eux et qui ont défendu leur terre et leur vie. Ce ne sont pas les Juifs qui ont attaqué les Arabes de Palestine, mais les pays suscités qui ont attaqué les Juifs. C’est cela la Nakba. Le désastre provient de ce que les armées arabes ont perdu la guerre.
Mais la plus grande faille de notre propagande reste la période s’étendant de 1948 à 1967, durant laquelle la Ligue Arabe existait – elle a été créée en mars 1945 – ainsi que pratiquement tous les principaux pays arabes actuels. Et en 29 ans, alors que toute la Cisjordanie, que toute la vieille ville de Jérusalem, que Gaza, que le Golan étaient exclusivement en mains arabes, et qu’aucune menace provenant des Israéliens ne revendiquait ces territoires, il ne fut jamais question de créer un Etat de Palestine.
Et s’il n’en fut jamais question, c’est que le concept d’un Etat palestinien n’avait pas encore été inventé, que personne n’avait encore décrété que nous formions un peuple. C’est là la stricte vérité. Je suis Palestinien, je veux vivre comme un citoyen libre dans un Etat libre et démocratique, je revendique mes droits, mais je ne suis pas un menteur. Et je ne crois pas qu’une cause juste doive recourir au mensonge pour faire prévaloir ses droits. Et je pense qu’un peuple qui recourt sans cesse au mensonge préjudicie son émancipation et ses droits légitimes à celle-ci.
Les Arabes auraient évidemment dû accepter le Plan de Partage de 1947, ils auraient dû accepter le retrait par les Israéliens des territoires occupés en 1967 en échange de la paix, en juillet 2000, à Camp David, Yasser Arafat aurait dû accepter la proposition de paix qui lui était proposée par Bill Clinton et Ehud Barak au lieu de déclencher la Seconde Intifada, et à la fin 2008, Mahmoud Abbas aurait dû accepter les conditions de paix qu’il venait de négocier depuis un an avec Tzipi Livni.
Je connais assez bien Mahmoud Abbas ; c’est un personnage confus, sans réelle stature d’homme d’Etat. Il n’a jamais eu les épaules assez larges pour faire la paix, pas plus que pour diriger un Etat. Il convient cependant de lui reconnaître trois réalisations importantes : avoir succédé à Yasser Arafat, démontrant ainsi que la cause palestinienne pouvait exister sans son fondateur historique et également évoluer dans sa forme. Avoir définitivement renoncé à la lutte armée avec Israël et dissous les Tanzim [bras armé du Fatah créé par Yasser Arafat], et avoir résisté, certes avec l’aide des Israéliens – mais il fallait avoir l’intelligence d’accepter leur aide – à la tentative incessante des islamistes de prendre le pouvoir en Cisjordanie et à la tête de l’Autorité Palestinienne.
Abbas a aussi eu raison de ne pas discuter avec Binyamin Netanyahu, qui, à la tête de la coalition dont il dépend, n’a jamais eu l’intention ni la capacité de faire la paix avec nous. S’il en avait été autrement, il aurait accepté de prendre pour base d’une entente le travail réalisé par les équipes de négociateurs palestiniens et israéliens en 2008. Même au prix de changements substantiels.
Aujourd’hui, si l’on veut bien regarder la situation en face, il n’y a qu’une puissance capable d’imposer un accord de fin de belligérance à notre différend, et c’est l’Amérique de Donald Trump. Qui plus est, il a l’intention de faire une proposition dans ce sens, juste après le Ramadan qui se termine jeudi prochain. Une proposition à laquelle Binyamin Netanyahu ne peut guère s’opposer.
Nous obtiendrons moins de substance que lors des occasions précédentes, mais ce sera sans doute notre dernière chance. Les Etats arabes, qui vont feindre d’accueillir fraichement la proposition américaine, ont en fait participé à son élaboration. Ils ont aujourd’hui d’autres priorités que la cause palestinienne et ont stratégiquement besoin de coopérer avec Jérusalem. Si nous ne saisissons pas cette opportunité, le rêve d’un Etat palestinien sous quelque forme que ce soit aura vécu.
Je sais que Ramallah boycotte Washington en tant que médiateur avec les Israéliens depuis la décision de Trump de transférer son ambassade à Jérusalem. Mais Jérusalem n’a jamais été une ville arabe, à part quelques brèves périodes d’occupation dans l’histoire. Le Roi Hussein qui avait le choix entre Amman et Jérusalem comme capitale de son royaume a choisi Amman. Jérusalem, malgré des pirouettes d’imams, n’existe pas dans le Coran. De tout cela, Abbas est parfaitement conscient.
En dépit de l’annonce du boycott, le chef du renseignement de l’Autorité Palestinienne, Majid Faraj, s’est rendu à Washington pour y rencontrer Mike Pompeo et discuter de l’offre américaine. Les deux hommes entretiennent une relation de confiance et Faraj, que je connais également, est un homme intelligent et pragmatique. Il connaît aussi bien que moi les données de l’équation qui va prochainement être posée sur le tableau noir par l’administration américaine. Puissions-nous ne pas faire l’erreur de trop.
Commentaires
Publier un nouveau commentaire