Un Moyen Orient Difficile à Comprendre - Albert Soued
Le président français vient de passer 3 jours à Ryad, en Arabie. La France et l’Arabie vont présider en juin 2025 une commission de l’Onu visant à créer un état palestinien.
Qu’est ce qui relie le prince héritier Mohammed ben Salmane (dit MBS) au président Emmanuel Macron, ou l’Arabie saoudite à la France ?
On peut longtemps épiloguer sur ces sujets, mais il y a des faits.
A l’origine, le « palestinisme » était le nouveau visage du terrorisme, après l’attentat à Paris contre la synagogue de la rue Copernic, au début des années 1980 (1). Sa doctrine a commencé avec le nazisme et a évolué vers l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie et le déni des droits de l’homme.
L’attitude politique du palestinisme est favorable à la création d’un état palestinien, « de la rivière à la mer », en remplacement de l’état d’Israël. Pour beaucoup d’acteurs du Moyen Orient cette création d’un état utopique est devenue un prétexte pour orienter les foules vers un autre objectif géopolitique, tout en sabotant la Palestine en coulisse.
Emmanuel Macron cherche à se rallier la minorité musulmane du pays, ce qui explique de temps à autre son palestinisme et ses critiques incessantes d’Israël.
En affichant un sporadique palestinisme et en condamnant le « génocide » d’Israël à Gaza, MBS cherche à éviter de s’aliéner sa majorité fondamentaliste et religieuse.
Mais le palestinisme n’a rien de nouveau comme moyen de rameuter les masses. Il suffit d’écouter Eric Danon, ancien ambassadeur de France en Israël, pour le comprendre :
Sur le plan des faits, la réunion de la Commission de l’Onu pour créer « la Falastine » est un acte de simple propagande favorable à l’Onu, à la France et à l’Arabie, et qui ne se traduira par aucune réalisation. Car l’Onu ne peut pas créer un état déjà refusé par les pays arabes, suite à la résolution 181 du 29/11/1947 qui partage l'ancien mandat palestinien de la Grande-Bretagne en 2 états « juif et arabe » le 15/5/1948, date à laquelle le mandat britannique a pris fin. Seul Israël a revu le jour à cette date.
Par ailleurs MBS, futur roi d’Arabie, a des projets grandioses, voire pharaoniques, pour son pays, une ville nouvelle dans le désert, à la lisière de la Jordanie et sur la mer Rouge, appelée « Nyome » ou « New York on the Middle East », mais 20 fois plus grande que New York (2). Cette cité technologique, écologique et toute en longueur est peuplée de robots armés.
C’est un territoire autonome qui bénéficiera d’un régime de « démocratie » à l’image de l’Occident. Cette vision pour 2030, qui est proche, a besoin des compétences de la France tant en art qu’en technologie et énergie ou en économie. Depuis sa création en 1932 l’Arabie a toujours fait appel aux spécialistes français pour ses barrages, autoroutes ou gratte-ciel.
Aujourd’hui les exemples de réussite des Jeux Olympiques et de la Cathédrale Notre Dame de Paris expliquent encore plus la présence à Ryad du président français avec une suite de chefs d’entreprises et d’ingénieurs.
Dans son désir de moderniser son pays et résorber un énorme chômage, MBS a également besoin d’Israël, malgré son attitude extérieurement hostile à son égard. Les avions israéliens volent au dessus du territoire d’Arabie qui poursuit des contacts discrets avec Israël dans divers domaines sensibles, renseignement, crypto, IA, nucléaire….
Et ceci malgré les récents accords avec l’Iran. Il faut savoir que malgré un armement fort coûteux, et un très grand nombre de militaires bien formés, l’armée saoudite a vécu un énorme fiasco au Yémen contre les houthis (3). Ce qui explique son approche de l’Iran, malgré l’antagonisme séculaire sunnisme/shiisme, tout en cherchant une aide du côté israélien (4). Et dans ce but, il permet à des personnalités, des journalistes et des écrivains de s’exprimer librement, une liberté fort éloignée du politiquement correct européen (5)
Le double jeu de MBS n’est pas très éloigné du « en même temps » de Macron (6). L’arrivée au pouvoir des Etats-Unis de Donald Trump le 20/01/2025 pourra changer le jeu et clarifier la situation.
Notes
(1) Les trois sources de l’islamo-palestinisme jihadiste sont le nazi Haj Amin al-Husseini, le frère musulman Hassan al-Banna, et le doctrinaire Sayyed al Qoutb.
(2) Une longueur de 170 km, une superficie de 26 500 km2, un coût de plus de 500 milliards $.
(3) - Driss Ghali, journaliste arabe : «Une bande de maquisards en guenilles (les Houthis) arrivent à tenir tête à l’Arabie Saoudite, voire à la bombarder au cœur de son hinterland sans que l’armée saoudienne ne réagisse ou que les pays musulmans ne se mobilisent. A quoi sert d’empiler l’armement le plus sophistiqué si la vulnérabilité est totale ? Le budget de la défense saoudien a beau être le 3ème au monde (67 milliards $ en 2018), il ne modifie pas d’un iota l’équilibre des forces ». En fait, la défense de l’Arabie Saoudite incombe aux Américains qui disposent d’un chapelet de bases du Golfe persique à Djibouti.
(4) Le fondamentalisme religieux et le profond malaise social sont à l’origine de l’adhésion du peuple arabe au terrorisme d’al Qaeda et de l’Etat Islamique, avec l’espoir qu’il aboutirait à la renaissance du Califat sunnite tant désiré. N’ayant pas les moyens militaires ni nucléaires de s’opposer à l’Iran, MBS a préféré l’approche avec l’Iran plutôt que l’affrontement, ce qui le libère pour ses projets « Nyome » et pour asseoir la modernité en Arabie.
MBS sait que l'Arabie saoudite ne peut pas compter éternellement sur le pétrole et qu'il doit trouver d'autres sources de revenus, s'il veut que la Maison al Saou’d survive. Il a besoin d'investissements étrangers pour développer l'industrie et les hautes technologies.
(5) L'ancien directeur du Middle East Center for Strategic and Legal Studies à Djeddah, Abd Al-Hamid Al-Hakim, a écrit après un attentat à la roquette de Gaza: "Nos cœurs sont avec vous. Qu'Allah protège Israël et son peuple... Nous ne laisserons pas la main traître de l'Iran et de ses agents à Gaza atteindre le peuple israélien….Il est temps de le dire haut et fort : la lutte contre la terreur du Hamas est la responsabilité de tous les pays de la région et de la communauté internationale, pas seulement d'Israël.... Je dis aux Arabes : Voulez-vous que ces assassins et agents de l'Iran gouvernent Jérusalem ?"
Le journaliste et homme d'affaires saoudien Hussein Shobakshi a utilisé sa chronique dans le quotidien saoudien Asharq al-Awsat de Londres pour condamner l'antisémitisme dans la culture islamique. Selon MEMRI, Shobakshi a écrit : « L'intensité de la haine des Juifs, diffusée par les médias et par l'art, la littérature et les caricatures politiques dans le monde arabe, a atteint un degré qui ne peut être ignoré… L'antisémitisme arabe est le produit d'une éducation répugnante et raciste, enracinée dans la mentalité arabe... Nous ignorons toutes ces références très positives aux Juifs dans la littérature musulmane et présentons des théories, interprétations et motifs inventés qui justifient la haine des Juifs ».
La journaliste saoudienne Sukina al-Hasayhas à la chaîne Mako : « Il n’y a pas d’inimitié entre Israël et l’Arabie saoudite … Nous n’avons pas de problème politique avec Israël, Israël ne nous a même pas tiré une balle dans la tête. Il existe une communication très claire entre les positions d’Israël et des Etats du Golfe concernant la menace iranienne et les armes iraniennes du Hezbollah et des Houthis qui menacent complètement le Moyen-Orient »
Un journaliste saoudien Fahd Al-Shammari a déclaré : « les Palestiniens sont de vrais mendiants et des gens sans honneur,… Le problème palestinien est un faux problème, et il ne sera pas résolu ; et il n’est dans l’intérêt de personne de résoudre les problèmes entre mendiants »
Un écrivain saoudien de renom, Rawff Bin-a-Sa’in, a sévèrement condamné ces « palestiniens » : « Palestiniens, vous n’êtes pas des Arabes ! Vous n’avez pas de terre, et la «question palestinienne» n’existe pas. Cette terre appartient à Israël ! Yitzhak Shamir, Rabin et Golda Meïr étaient des héros. Netanyahu est faible. Netanyahu, brûle ces gangsters ! Libère-nous, nous et le monde, de la présence de ces Palestiniens ! Pourquoi les laissez-vous ? Je suis prêt à accueillir un Juif dans ma maison, mais je ne suis pas disposé à accueillir un palestinien ! »
L'écrivain saoudien Abdulhamed al-Ghobain : « Il est dans notre intérêt stratégique et économique de garder le canal ouvert avec Israël. Israël est un pays avancé et nous pouvons en bénéficier. Lorsque la Turquie a établi des relations avec Israël, elle a connu de grands progrès …. Il ne s'agit plus seulement du soutien public à la normalisation et à l'établissement de liens avec Israël… La population saoudienne n'est plus intéressée par la cause palestinienne et ne se soucie plus des Arabes dans leur ensemble. Je parle de l'opinion publique, même au niveau des lycéens. Il y a un déluge d'opinions contre la cause palestinienne. Les Palestiniens n'ont rien apporté… »
(6) Les Saoudiens jouent un double jeu. Dans les coulisses, ils envoient aux Israéliens le message que Téhéran est un ennemi commun et l’incitent à combattre l’Iran et le Hezbollah. À l’intérieur, cependant, ils disent que l’ennemi est avant tout l’État d’Israël, suivi par l’Iran. Leur formule est claire : des liens clandestins avec Israël couplés à une hostilité manifeste envers l’Etat juif peuvent satisfaire le peuple, dont la majorité déteste Israël.
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