Aux origines de l'État d'Israël
Jeanne d'Anglejan - RCF,
Depuis quelques mois, Israël est au cœur de l'actualité en raison de la crise politique et sociale inédite qu’elle traverse. Pourtant, le pays est en guerre contre la Palestine depuis sa création, le 14 mai 1948. Un moment historique dont les fondements sont à chercher à la fin du XIXe siècle et dont les conséquences pèsent sur tout le Proche-Orient aujourd'hui.
De la diaspora juive au retour à Sion
Si la dispersion de la communauté juive est antérieure au XIXe siècle, c’est dans les années 1880 que l’idée d’un retour à Sion se concrétise. Comprendre le conflit israélo-palestinien, c'est décrypter les fondements de cette histoire. "Sion, c’est une petite colline de Jérusalem, devenue métaphorique pour la communauté juive", explique Alain Dieckhoff, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l'histoire et de la politique d'Israël. Il est l'auteur de "Israël-Palestine : une guerre sans fin ?" (éd. Armand Colin). Cette colline rencontre un écho particulier auprès des Juifs de l’Est. Le sionisme est l’idéologie politique qui veut acter le retour des Juifs au pays et qui prend appui sur une nostalgie très ancienne.
En 1880, on compte 7,5 millions de Juifs dans le monde. La communauté juive passe à 13 millions en 1914. Elle est en majorité basée dans l’empire russe. Au début du XXe siècle, 90% des Juifs sont européens. Un double mouvement traverse alors le judaïsme européen : d'un côté, les idées des Lumières insufflent un mouvement de modernisation des rites et une remise en question de la tradition religieuse classique. Parallèlement, l'antisémitisme se développe dans l’Europe de l’Est dès 1860. Basé sur la réactivation de préjugés, il est à l’origine des pogroms, violents massacres envers les juifs.
Dès lors, différents nationalismes juifs voient le jour. La plupart sont favorables à la création d’un État juif. Les regards se tournent vers la Palestine. Theodor Herzl (1860-1904) en est l’instigateur. Ce journaliste austro-hongrois, témoin de la dégradation de Dreyfus à Paris en 1905, constate que les juifs peinent à "se couler dans les sociétés où ils se trouvent". Son idée de projet national trouve un écho auprès des masses qui soutiennent son idée, idéologiquement et financièrement. En 1917, la déclaration Balfour marque l’engagement politique des Britanniques à appuyer le sionisme. Les Anglais y voient un pacte stratégique, pensant que les Juifs peuvent soutenir leur politique impériale au Proche-Orient.
La période noire de l'entre-deux-guerres
Poussés hors d’Europe par la montée de l’antisémitisme, les Juifs arrivent en Palestine avec un certain capital intellectuel et financier. Ils valorisent l’économie locale et jettent les bases d’une industrie locale. La vie politique est principalement structurée par un sionisme de gauche, et la masse de nouveaux arrivants juifs est prise en main par des organisations telles que la Histadrout, créée en 1920. Un mode de vie communautaire et collectiviste est prôné. Ben Gourion s’affirme vite comme un leader.
Trois communautés se partagent alors le terrain. Les Anglais, peu nombreux, pèsent politiquement grâce au contrôle des administrations. Les Arabes sont présents historiquement. Dans les années 1940, ils sont 1,2 million. Les quelque 500.000 Juifs, enfin, occupent une place de plus en plus importante. Ils militent pour la mise en œuvre de la déclaration Balfour. Les Britanniques, eux, "tentent de concilier l’inconciliable" face aux différentes aspirations des communautés sur place.
En 1936, c’est le début de la grande révolte arabe, qui dure jusqu’en 1939. Si les arabes luttent d’abord contre la présence coloniale britannique, ils ne sont pas pour autant favorables à la communauté sioniste. Pour se défendre, les Juifs mettent en place des moyens militaires. En 1939, les Britanniques publient un Livre blanc qui limite de façon drastique l’immigration juive. Les portes du pays se ferment pour les sionistes qui fuient l’Europe.
L'ONU et la création de l'État d'Israël
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le projet de création d’un État juif est appuyé par les grandes puissances. Le génocide et la situation des Juifs déplacés ou rescapés poussent les États occidentaux à prendre des mesures. La Palestine s'impose comme une option, notamment grâce au travail antérieur des Juifs eux-mêmes, "qui ont pris en main leur destin". "Israël a existé avant le 14 mai 1948. Seulement, il n’était pas reconnu par la communauté internationale", précise Alain Dieckhoff.
Après 1945, les Britanniques sont victimes d’attentats et finissent par remettre le mandat aux mains de l’ONU. Le 29 novembre 1947 est voté le partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe. Des heurts de plus en plus violents commencent entre Juifs et Palestiniens. Les Arabes, majoritaires, ne veulent pas céder une partie de leur territoire. Beaucoup doivent émigrent au Liban, en Syrie ou en Jordanie. Le 15 mai 1948, les Britanniques quittent définitivement le pays, au lendemain de la signature de la création de l’État d’Israël. Ils laissent derrière eux un territoire belliqueux et peu stable.
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