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Biden au Moyen-Orient, par David Bensoussan

Biden au Moyen-Orient, par David Bensoussan
 

Le fait que l’Iran se rapproche dangereusement de la fabrication de l’arme nucléaire plane dans l’esprit d’Israël et des états sunnites de la région, d’autant plus que les États-Unis (ÉU) cherchent à y réduire leur présence militaire. Aussi a-t-on parlé de plus en plus d’une OTAN moyen-orientale intégrant les pays du Golfe et Israël.

Du temps de la signature de l’accord des 5+1 sur le nucléaire iranien, quatre dirigeants des pays du Golfe avaient exprimé leur désaccord en refusant de rencontrer le président Obama. Sous la présidence de Trump, la création d’une OTAN moyen-orientale s’affirma. Elle revient à l’ordre du jour avec Biden.

Le fait que les ÉU ont cessé de reconnaître les Houtis du Yémen comme entité terroriste et que le président Biden ait déclaré qu’il ferait de l’Arabie un état paria à la suite de l’assassinat du journaliste Khasoggi a jeté un froid entre les ÉU et le prince héritier d’Arabie saoudite Mohamed Ben Salman. Ce dernier a refusé de prendre les appels de la Maison-Blanche et d’augmenter la production de pétrole. Le président Biden tente de renouer avec l’Arabie, car les intérêts de l’Amérique l’exigent.

Face à la menace iranienne

La menace iranienne unit les pays du Moyen-Orient. En Iran même, les manifestations populaires sont durement réprimées par le régime pour qui l’expansion de l’influence hégémonique de l’Iran chiite et la lutte mortelle contre le grand Satan américain (et le petit israélien) constituent un impératif quasi théologique.

Le problème majeur est celui des missiles balistiques, des missiles de croisière et des drones de combat iraniens. Des attaques de missiles contre les installations pétrolières et des grandes villes d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis (ÉAU) ont été perpétrées. Plus de 120 000 missiles ont été livrés au Hezbollah libanais et constituent une menace majeure. Par ailleurs, des drones iraniens lancés contre les installations pétrolières israéliennes en Méditerranée ont été abattus.

Cependant, il y a des disparités dans les approches des pays sunnites face à l’Iran.

Le Qatar a des relations diplomatiques avec l’Iran et n’a pas participé à l’exercice militaire tenu par les pays du Golfe en Égypte.

L’Irak maintient des relations étroites avec les ÉU et l’Iran.

Le Maroc, le Bahreïn et les Émirats arabes unis (ÉAU) maintiennent des relations étroites avec Israël sur le plan militaire et économique. Par ailleurs, le Maroc reproche au régime iranien de soutenir le Prolisario au Sahara occidental.

Un système de défense aérienne intégré

Le centre de commande des forces américaines au Moyen-Orient CENTCOM (US Central Command) se trouve au Qatar et coordonne les opérations américaines dans 21 pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale, dont Israël.

La défense aérienne repose sur les moyens de détection et de défense de ces pays, sur les systèmes de décision et de commande de combat Aegis installés sur les navires de guerre américains ainsi que sur un radar géant dans le Negev occidental.

Les ÉAU disposent du système Aegis, du système antibalistique THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), d’intercepteurs antimissiles israéliens Barak destinés à la défense des navires ainsi que des systèmes de défense antiaérienne rapprochée russe Pantsir et israélien Spyder.

L’Arabie saoudite dispose de systèmes antimissiles américains Patriot, des intercepteurs Barak et du dôme de fer israélien. L’Arabie aimerait également négocier l’achat de systèmes Aegis et THAAD.

La collaboration des services de renseignement marocain et israélien fonctionne depuis plusieurs décennies et a été étendue à l’aviation et la cybersécurité. Le Maroc est équipé d’avions sans pilote Heron et Harop, du système anti-drone Skylock et de radars Barak israéliens.

Israël a une gamme assez complète de défense antiaérienne pour des menaces de portée différentes : proches (fronde de David), moyennes (Patriot, Dôme de fer), balistiques (Hets), maritimes (Barak) et s’oriente vers une défense antiaérienne par laser (Magen Or). Des radars installés dans des ballons (Tal shamayim) sont également intégrés au système de défense. Il a été récemment dévoilé que les avions furtifs F35 ont déjà été employés pour défendre les pays de la région contre les drones iraniens.

Les enjeux

Il est clair que la question palestinienne n’est pas la plus urgente dans le contexte actuel. Le but du président Biden est d’empêcher l’Iran d’accéder à l’arme nucléaire, de maintenir les pays de la région dans la sphère d’influence (et de protection) américaine, d’assurer un prix du pétrole suffisamment bas et d’éviter ainsi un affaiblissement du dollar.

Bien que l’Iran et la Russie soient alliés en Syrie et que l’Iran a pris position pour la Russie dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine, le désaccord persiste entre eux en regard du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, du partage des eaux de la mer Caspienne et des intérêts contradictoires dans les pays d’Asie centrale.

La Chine et la Russie aimeraient bien que les pays de la région s’intègrent à leur zone d’influence. L’Iran constitue leur principal levier d’intervention.

Or, l’Iran est problématique du fait que la Chine et la Russie ne sont vraiment pas intéressées d’avoir un voisin théocratique en possession de l’arme atomique, pas plus qu’ils ne souhaitent se mettre à dos les pays du Golfe. Ces derniers sont en mesure de créer un fonds d’investissement qui fasse concurrence à la nouvelle route de la soie chinoise (Belt and Road Initiative).

Résultats pondérés

La visite du président Biden a permis de confirmer la solidité des liens entre les États-Unis et Israël, de renforcer la coopération scientifique et stratégique et de souligner l’identité de vues face au péril atomique iranien. Biden a été explicite tant en Israël qu’en Arabie : il ne laissera pas le régime iranien se doter de l’arme atomique. Dans un autre ordre d’idées, l’Arabie permet le survol de son territoire par des avions de ligne israéliens.

La visite a permis de fermer la parenthèse sur les réserves exprimées par le président Obama et par Biden lui-même en regard de l’insuffisance des libertés démocratiques dans les pays du Golfe au nom des intérêts majeurs des ÉU, à commencer par celui qui consiste à ne pas laisser le champ libre à la Russie, à la Chine et à l’Iran dans cette région du monde. L’année passée, la construction d’un port chinois aux ÉAU a été interrompue sous la pression des ÉU.

Il est bien possible – bien que cela n’ait pas été annoncé – que les ÉU aient répondu à la demande d’aide logistique de l’Arabie dans la guerre qu’elle mène contre les Houtis du Yémen.

Le voyage du président Biden devait officialiser l’intégration des systèmes de défense antiaérienne de la région. La discrétion a prévalu, ce qui laisse penser qu’il y a eu des réticences, et pour cause : en cas de conflit entre Israël et l’Iran, les puits du pétrole des pays du Golfe seraient immédiatement détruits par des missiles lancés à partir de la rive orientale du Golfe. Par contre, des accords de défense avec les États-Unis ont été entérinés.

Il semble bien que la volonté de ramener les liens d’attache entre l’Arabie et les ÉU à leur état antérieur ait prévalu. Il sera possible de vérifier les prochaines semaines quel aura été le pourcentage d’augmentation de la production de pétrole d’Arabie pour satisfaire la demande exprimée par Biden. De plus, les pays du Conseil de coopération du Golfe se préparent à voter un budget de plusieurs milliards pour des projets d’infrastructure pilotés par Washington. L’Arabie s’est engagée à adopter les technologies 5G américaines.

En parallèle, une conférence vidéo à Jérusalem a réuni les leaders d’Israël, de l’Inde, des ÉAU et des ÉU pour former le groupe I2U2 qui se veut coopérer dans les domaines suivants : eau, énergie, transport, espace, santé et sécurité alimentaire. C’est un second forum de dialogue quadrilatéral (Quad) qui vient s’ajouter à celui qui unit les ÉU, le Japon, l’Australie et l’Inde.

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