Carte blanche à la Maison-Blanche, par David Bensoussan
Les politiciens font généralement des promesses en campagne électorale, promesses qui s'estompent avec le temps, renforçant l'adage: plus cela change et plus c'est la même chose. Ce qui est anormal dans la dernière campagne américaine est le fait que Donald Trump n'a fait que des promesses extravagantes: ériger un mur à la frontière mexicaine et renvoyer 11 millions de Mexicains, interdire l'entrée aux musulmans, bombarder à outrance l'État islamique, punir les femmes qui décident d'avorter, faire payer les pays de l'OTAN, la Corée et le Japon pour la protection américaine. Il a par la suite modulé ses déclarations: il expulserait de façon très humaine les membres de gangs et les trafiquants de drogue; il bloquerait l'immigration de certaines régions du monde; il prendrait conseil avec ses généraux pour élaborer un plan visant à défaire l'État islamique tenant compte de la cyberguerre, du financement du terrorisme et de la guerre psychologique; que sa déclaration sur la protection américaine était un premier round d'ouverture de négociations.
Autrement, il n'a pas répondu aux questions sinon en invectivant Hilary Clinton durant les débats préélectoraux ou en se contentant de dire qu'il restaurerait la grandeur de l'Amérique. Autant dire qu'il compte faire table rase des pris pour acquis et du langage politiquement correct. L'Amérique ne fait plus cas de la vie privée de ses dirigeants comme cela était le cas par le passé. Trump a réussi à toucher la corde sensible de l'Amérique ouvrière délaissée. Durant les dernières décennies, des milliers d'usines ont déménagé en Extrême-Orient. Chaque jour, des milliers de conteneurs arrivent pleins de l'Extrême-Orient pour y repartir vides. L'industrie des services ne peut remplacer les emplois perdus sur le plan des compétences ou de la rémunération. Même les concepteurs de produits qui ont vécu le démantèlement de leurs machines se retrouvent devant un écran d'ordinateur et perdent leur expertise pratique. L'Amérique rurale et ouvrière s'est sentie délaissée par l'establishment, qu'il soit démocrate ou républicain, au profit des élites citadines. Un vote pour Trump a été un pari sur lequel ont misé ceux qui n'ont plus rien à espérer de Clinton, qui représentait la continuation du marasme dans lequel ils sont actuellement plongés.
Si l'on doit se fier au passé d'homme d'affaires fonceur de Trump, il est fort probable qu'il soit motivé par la devise «What's in it for me?», mais qu'il doive aussi tenir compte des réalités de terrain: il ne pourra rayer d'un trait l'Obamacare, qui offre une couverture médicale à 22 millions de citoyens. L'emprise étatique sur l'économie sera bien moins grande et il reviendra au secteur privé de fournir des services et de vitaliser l'économie en se préoccupant moins de considérations environnementales. Le libre-échange sera à revoir si l'Amérique y perd au change, afin de récupérer certains emplois perdus. L'économie canadienne en sera affectée. Les rapports avec la Chine s'en sentiront, car la Chine manipule sa devise pour juguler les importations et il n'est pas exclu que dans le futur des tarifs douaniers importants soient imposés sur les produits chinois. Les pays de l'OTAN devront participer militairement ou financièrement à sa défense. Il en ira de même avec la Corée du Sud et le Japon.
Un nouveau Yalta devrait aussi se dessiner avec la Russie pour contrebalancer la puissance chinoise: limiter l'influence russe à la Syrie et peut-être le nord de l'Irak comme ce fut le cas au temps de la guerre froide et renforcer Israël pour contrecarrer son expansion vers les pays pétroliers qui constituent un marché extrêmement lucratif. Être plus exigeant vis-à-vis de ces pays dont certains renforcent le terrorisme par la porte arrière. Limiter l'influence de l'Iran qui continue à déstabiliser le Proche-Orient et à saturer les ondes de harangues anti-américaines; repousser la perspective d'un armement nucléaire iranien en moins de dix ans, ce qui aurait pour effet de déclencher une course au nucléaire dangereuse dans l'ensemble de la région.
L'Amérique va repenser son rôle dans le monde. Trump va tenter de faire table rase des politiques traditionnelles pour rentabiliser l'implication américaine à tous les niveaux.
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