Lectures de Jean-Pierre Allali - Réflexions talmudiques sur les rêves par Ariel Toledano
Lors d’une conférence qu’il donna à Montpellier en 1980, Emmanuel Levinas intitula son intervention : « La psychanalyse est-elle une histoire juive ? ». À la lecture du nouveau livre d’Ariel Toledano, on est en droit de se poser la question : « L’interprétation des rêves est-elle une histoire juive ? ». La réponse semble évidente et positive quand on découvre le nombre de sages et de maîtres du Talmud qui se sont penchés sur le sujet : Rava, Abbayé, Bar Hedya, Maïmonide, Rachi, le Malbim, Bounam, Yehouda, Rav, Samuel Bar Nahmani, Yonathan, Hisda, Ichmaël, Banaa, Ben Sira, Yehoshua fils de Hanania, Shimon Bar Yohaï, Honi et bien d’autres encore.
Halamti halom, dit-on en hébreu, littéralement « J’ai rêvé un rêve ». Si l’on se réfère à la banque de données de 20 000 rêves enregistrés par les chercheurs du département de psychologie de l’université de Santa Cruz, la majorité des rêves sont des répliques fidèles de la vie réelle. Dans le traité Berakhot il est écrit : « Cinq réalités représentent 1/60ème d’autres réalités ; le feu, le miel, le shabbat, le sommeil et le rêve. Le feu est 1/60ème de la géhenne, le miel est 1/60ème de la manne, le shabbat est 1/60ème du monde à venir, le sommeil est 1/60ème de la mort et le rêve est 1/60ème de la prophétie ».
Rabbi Banaa avait, en son temps, consulté à Jérusalem, 24 spécialistes. Il obtint 24 interprétations différentes. 24 comme les 24 livres de la Bible hébraïque. 24 pour montrer la richesse et la diversité des débats au sein du judaïsme. De nos jours, Henri Atlan n’hésite pas à affirmer : « Le rêve n’est pas illusion, car l’illusion est erreur ».
Ariel Toledano, qui n’est pas avare en chiffres, nous signale que nous passons en moyenne six ans à rêver. Dès lors, selon le Rav Hisda, « Un rêve non interprété est comme une lettre qui n’a pas été lue ».
Sans oublier que le chiffre 1 marque le processus initial, la cause première. Le chiffre 2, lui, renvoie au processus secondaire. Quant au chiffre 3, ah le 3, c’est celui de la synthèse. « Le chiffre 3 est symbole de vie dans la tradition talmudique ». Et, de plus, il y a 3 catégories de rêves ! Sans oublier que la Torah compte six cent mille lettres, un multiple de 3. Et encore : le chiffre 3 renvoie au peuple d’Israël, un peuple triple ; Cohen, Levi, Israël, un peuple fondé par 3 patriarches : Abraham, Isaac et Jacob et aussi par Aaron, Moïse et Myriam. Il y a aussi le 7 avec le rêve de Pharaon et les 7 vaches grasses suivies des 7 vaches maigres. Dans les rêves de Daniel, quatre bêtes renvoient à quatre royaumes.
Un petit dictionnaire alphabétique des rêves, qui aurait mérité d’être élargi, nous est proposé. De B avec Blé à V avec Vigne en passant par C comme Coq et R comme Raisin. Voir du blé en rêve est généralement considéré comme un présage de paix. Une personne qui rêve d’un coq, cela annonce la naissance d’un garçon. Pour les raisins, tout dépende de la couleur. Si, au cours du rêve, apparaissent des raisins blancs et ce, pendant la saison des vendanges ou même en dehors, c’est de bon augure. Mais si le raisin est de couleur noire, alors le présage n’est bon que lors de la saison des vendanges. Et, pour ce qui est de la vigne, c’est un signe de fertilité.
Des chiffres et des lettres, encore et toujours, avec l’analyse, par Bar Hedya des 13 rêves communs de Rava et d’Abbayé. L’interprétation sera positive ou négative selon que le « professionnel » sera ou non rétribué. Vénalité ou symbolique rattachée à la monnaie de l’époque, les zouzim ? Allez savoir !
Les rêves de plusieurs personnalités sont examinés à la loupe. Le rêve d’Avimelech, celui de Jacob, celui de Joseph. Sans oublier Pharaon, Salomon, Nabuchodonosor et Daniel. Et, en guise de conclusion, cette question : « Les rêves ont-ils une fonction ? ». Passionnant et époustouflant !
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions In Press, août 2023, 144 pages, 12 €.
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