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Communaute juive marocaine du Quebec: Un attachement a l’abri des turbulences

Communauté juive marocaine du Québec: Un attachement à l’abri des turbulences

 

Après l’Inquisition espagnole qui a sévi dans le sillage de la Reconquête, de nombreux juifs expulsés de la péninsule ibérique se sont établis au Maroc, précédant en cela les Maures qui allaient connaitre le même sort à la même période et un peu plus tard. Le Maroc est apparu d’emblée comme une terre d’asile du fait de la proximité géographique, notamment. Depuis, l’apport des Maures et des juifs d’Espagne a été d’une richesse incommensurable pour ce pays, se traduisant par un raffinement intellectuel, artistique, architectural… sans précédent. Et au fil des siècles, cette présence a marqué l’identité du Maroc de son empreinte, au même titre que les autres composantes.

La présence juive au Maroc a connu des hauts et des bas, des moments de fortes tensions, de rancœurs et d’incompréhension, mais aussi des phases de coexistence pacifique, de convivialité et de liens cordiaux entre musulmans et juifs. Comme le remarque l’historien Haïm Zafrani « les juifs sont le premier peuple non berbère qui vint au Maghreb et qui ait continué à y vivre jusqu’à maintenant ».
En effet, le Maroc a toujours mis en avant l’apport hébraïque à l’identité marocaine, comme en témoigne d’ailleurs la Constitution adoptée en 2011.  Une communauté juive, réduite certes – près de 3000 membres environ -continue à vivre au Maroc et la mémoire nationale célèbre encore le souvenir de grands personnages juifs comme Maïmonide, et plus tard Abraham Serfaty ou Edmond Amran El Maleh.

La représentation du départ massif des Juifs du Maroc comme un départ volontaire a constitué une vision optimiste, qui consiste à dire que la coexistence entre  juifs et musulmans au Maroc, au long de ces nombreux siècles, a été marquée par une cohabitation en bonne intelligence. Dans cette perspective, la longue période de cohabitation a pris fin à la suite d’événements externes qui ont précipité le dépeuplement de la communauté juive. Bien entendu, le rôle joué par le mouvement sioniste international a été décisif dans ce départ massif vers Israël, présenté comme la Alya ( immigration vers la Terre Sainte) et le véritable retour aux sources pour la diaspora juive à travers le monde. Les guerres israélo-arabes ont, à ce titre fourni un argument providentiel à la propagande sioniste.

De 1956 à 1973, c’est à dire, entre la deuxième et quatrième guerre israélo-arabe, s’est accéléré le grand départ de la quasi-totalité des les Juifs marocains. Une partie appréciable de cette communauté a opté pour le Québec. Ainsi, il y a eu 7 995 arrivées entre 1960 et 1991 (selon le recensement de 1991) et ces néo-québecois  s’installèrent à Trois-Rivières, à Québec et au port de Montréal (actuellement le Vieux-Montréal) ainsi que dans d’autres régions du Québec.

La communauté marocaine juive du Québec s’épanouit dans un contexte socio-politique où elle jouit de droits et de chances égales. Son travail et son esprit d’entreprise contribuent à faire de Montréal un centre manufacturier de premier ordre.  La communauté juive marocaine n’hésite pas à prendre position sur les projets qui intéressent l’ensemble de la société québécoise et canadienne. Elle a également œuvré  à la richesse économique, culturelle et universitaire de Montréal, que ce soit grâce par le biais d’entreprises-symboles telles que Seagram’s, Brown’s ou Aldo, à de grands promoteurs comme Izraeli et Marcel Adams ou grâce au soutien qu’elle apporte à l’Orchestre symphonique de Montréal, au Musée des beaux-arts de Montréal, à l’Université McGill et à l’Université de Montréal, entre autres. Sans oublier, sa participation aux congrès et conférences publics et ses présentations devant les commissions de l’Assemblée nationale et d’autres instances gouvernementales.

En juin 2015 , M. André Azoulay, Conseiller du Roi Mohammed VI, a souligné, lors d’une visite à Montréal la particularité de l’identité plurielle marocaine, produite par la convergence de ses différents affluents et composantes. Mme Nezha Chekrouni, ambassadrice du Maroc à Ottawa a aussi  précisé que la communauté marocaine juive au Canada constitue « un trait d’union solide » entre son pays d’origine et son pays d’adoption, soulignant que le Maroc est  »fier de cette diversité » qui a historiquement fait du Royaume une exception dans une région du monde marquée par des périodes de tension.

Mais la relation viscérale entre les Juifs de la diaspora et le Maroc est toujours soudée. Une relation qui se traduit par des visites au pays, notamment pour effectuer des pèlerinages. La Hiloula est ainsi une tradition chère à la communauté juive, qui accomplit son pèlerinage auprès des tombaux de saints disséminés à travers les quatre coins du Maroc. On appelle ça le tourisme des saints ou le tourisme des Moussems. Chaque année, des milliers de juifs du monde entier viennent au Maroc pour accomplir leur pèlerinage sur les tombes de leurs saints enterrés au Maroc. Un pèlerinage qui témoigne de l’attachement de la diaspora juive au Maroc, la terre de leurs ancêtres. Mais au-delà du côté spirituel la Hiloula est également une période qui encourage les juifs à faire du tourisme au Maroc et à dépenser sans compter. M. Cohen investisseur, immigré à Montréal plus de 30 ans, estime que : « Chaque juif qui visite le Maroc est prêt à dépenser au moins 3000 dollars. On dévalise les magasins en achetant des tapis, des caftans ou des théières. Après le pèlerinage, certains juifs restent 10 à 15 jours et sillonnent tout le Maroc du nord au sud, d’ouest en est pour découvrir le pays. Ils ne lésinent pas sur les kilomètres. »

Pour sa part, Maguy femme d’affaire sur Chabanel  considère que « c’est tout le Maroc que nous portons en nous parce que nous l’avons inscrit et signifié dans notre tradition juive ».

Un lien filial donc qui su résister aux soubresauts de la donne géopolitique et qui ne s’est jamais démenti. Aujourd’hui encore, la marocanité de la communauté juive se traduit par un mode de vie qui se transmet de génération en génération et qui en dit long sur le sentiment d’appartenance.

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