Détroits névralgiques - David Bensoussan
À l’heure où les zones de conflit qui risquent de s’amplifier impliquent Taiwan, l’Ukraine et le Moyen-Orient, des voies maritimes névralgiques jouent un rôle primordial en regard de la sécurité du commerce maritime mondial.
De nombreux historiens s’accordent à dire que le traité de Versailles, qui a marqué la fin de la Première Guerre mondiale, fut une erreur. Les sanctions imposées à l’Allemagne l’ont laissée exsangue, nourrissant un désir de revanche qui culmina avec la Seconde Guerre mondiale. Fort de sa puissance après le conflit, les États-Unis se sont efforcés d’établir un nouvel ordre mondial.
Le plan Marshall joua un rôle clé pour réintégrer économiquement l’Allemagne et le Japon dans cet ordre. Les États-Unis ont également soutenu la création d’instances internationales comme l’ONU, pour promouvoir la paix et les droits de l’homme, et l’Organisation mondiale du commerce, pour encourager le libre-échange.
Grâce à leur puissance militaire, notamment leur flotte de porte-avions, les États-Unis ont assuré la sécurité des voies maritimes, favorisant une prospérité économique qui profita à de nombreux pays. Cette position de force fut cruciale pour rivaliser avec le bloc soviétique pendant la guerre froide.
Après l’effondrement de ce dernier en 1990, les États-Unis, alors à leur apogée, se sont aventurés en Irak et en Afghanistan, avec des résultats contrastés. Toutefois, plusieurs pays d’Europe de l’Est ont rejoint l’OTAN, attirés par la protection offerte par la puissance américaine.
L’ère de la mondialisation
Sur le plan économique, la mondialisation a amélioré les conditions de vie dans de nombreux pays en développement et a considérablement profité aux économies manufacturières de la Chine et de l’Inde. Le président chinois Xi Jinping a loué les vertus du libre-échange.
Cependant, il est devenu clair que la Chine cherchait à devenir plus qu’un simple partenaire des États-Unis. Son initiative des Nouvelles Routes de la Soie a engendré des investissements massifs dans les pays en développement, tout en lui assurant un contrôle stratégique sur plusieurs ports.
La Chine revendique également la souveraineté sur la totalité de la mer de Chine méridionale, bien que six autres pays soient riverains. En outre, les médias chinois rappellent fréquemment l’exploitation occidentale de la Chine lors des guerres de l’opium.
De son côté, la Russie a envahi l’Ukraine, en dépit de l’accord de Minsk qui reconnaissait les frontières de ce pays. Cette invasion a surpris l’Europe, qui pensait que les grandes guerres appartenaient au passé. En réponse, les sanctions économiques contre la Russie ont privé l’Europe de ses ressources énergétiques, désormais remplacées par celles du Moyen-Orient et des États-Unis.
L’Allemagne, ayant réduit son armée, a lancé un ambitieux programme de réarmement, tandis que des pays historiquement neutres comme la Suède et la Finlande ont demandé à rejoindre l’OTAN. Sous la pression du président Trump, les pays européens augmentent leurs dépenses militaires pour atteindre 2 % de leur PIB.
Nouvelles alliances
Aujourd’hui, un nouveau bras de fer géopolitique oppose d’un côté l’Europe et l’Amérique du Nord, et de l’autre une alliance regroupant la Chine, la Russie, l’Iran et la Corée du Nord. Pour contrer ce bloc, les États-Unis s’appuient sur l’OTAN, le Quad (qui réunit les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie), et le forum I2U2 (Inde, Israël, États-Unis, Émirats arabes unis).
Les Accords d’Abraham visent également à limiter l’influence chinoise. L’Inde, quant à elle, adopte une stratégie équilibrée en jouant sur plusieurs tableaux tout en cherchant à nouer des alliances avec les pays du tiers-monde.
Les vulnérabilités des routes maritimes
Environ 95 % du commerce mondial transite par la mer, mais ces routes sont exposées à des points d’étranglement stratégiques. Le détroit de Malacca voit passer un tiers des échanges entre l’Asie du Sud-Est et l’Occident, ainsi que deux tiers du commerce chinois et un tiers de celui du Japon. 80 % des besoins en pétrole de la Chine et du Japon y transitent, ce qui rend la Chine vulnérable à un blocus naval.
Le détroit d’Ormuz est également critique, avec 30 % du pétrole mondial passant par ses 39 kilomètres de large, tout comme le détroit de Bab el-Mandeb en Mer Rouge, par lequel transite 10 % du commerce maritime mondial.
Le contrôle de la voie maritime du Bosphore reste un enjeu géopolitique majeur en raison de sa position stratégique, reliant la mer Noire à la Méditerranée. Conformément à la Convention de Montreux de 1936, la Turquie a le pouvoir de restreindre ou bloquer l’accès en temps de guerre comme cela a été observé dans le contexte du conflit en Ukraine.
Ces zones maritimes constituent des faiblesses majeures pour le commerce international en cas de tensions géopolitiques. La Chine a établi sept bases militaires sur des îles artificielles en mer de Chine.
L’Iran menace de bloquer le détroit d’Ormuz en cas de conflit, tandis que les Houthis du Yémen imposent des rançons aux navires transitant par Bab el-Mandeb. Le canal de Panama, bien qu’il ne soit pas un point d’étranglement aussi vital que les autres, reste crucial pour les échanges entre l’Atlantique et le Pacifique.
La Chine prévoit d’ouvrir un canal au Nicaragua, plus large que celui de Panama, et d’acquérir l’île Blanquilla au Venezuela. Ce pays s’est découvert des ambitions territoriales en Guyane depuis que des réserves de pétrole importantes y ont été découvertes.
Par ailleurs, plusieurs incidents suspects se sont produits en mer Baltique : l’explosion du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Allemagne en septembre 2022, des dommages sur des câbles de télécommunications entre la Finlande et l’Allemagne, ainsi qu’entre la Suède et la Lituanie en novembre 2024, et enfin une perturbation de l’interconnexion électrique entre l’Estonie et la Finlande en décembre 2024.
La concurrence pour le contrôle des voies maritimes et des points d’étranglement demeure un enjeu majeur du commerce mondial et de la stabilité internationale.
L’importance stratégique des détroits est cruciale, compte tenu des déclarations du président chinois Xi Jinping promettant d’intégrer Taiwan avant 2030 et celle de l’amiral Lisa Franchetti, cheffe de la US Navy, se préparant à un conflit avec la Chine dès 2027.
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