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Danièle Henkel : le charme de la dragonne

Danièle Henkel : le charme de la dragonne

 

 

 

Depuis que l'émission Dans l'oeil du dragon est en ondes et depuis son passage à Tout le monde en parle, Danièle Henkel est inondée de courriels admiratifs et de tweets flatteurs.

 

Nathalie Petrowski
La Presse

Il a fallu à peine deux semaines pour qu'une inconnue du nom de Danièle Henkel devienne la coqueluche du public et leur dragonne préférée. Recrutée par l'émission Dans l'oeil du dragon, la femme d'affaires de 56 ans vit en ce moment, grâce à la télé, une sorte de renaissance, l'énième d'une vie mouvementée.

La carte professionnelle est noire et incrustée de lettrage rouge et argenté. Mais ce qui déroute, c'est qu'au toucher, cette carte est douce comme de la soie. «Je suis dans le métier du toucher. Je voulais une carte d'affaires qui soit comme une caresse», me dit Danièle Henkel au milieu d'un petit café rue de la Montagne, au centre-ville de Montréal.

Depuis qu'elle s'est assise en face de moi, avec ses lunettes carrées Greiche & Scaff, ses nombreux bijoux en argent et sa robe moulante à motif de léopard (qui pourrait faire grrr si on la regardait trop longtemps), Danièle Henkel n'a cessé de toucher la table, ma main et mon avant-bras. Le toucher n'est pas seulement son métier, c'est une manière d'être et d'entrer en rapport avec le monde. Comme toutes ces femmes nées dans les pays de la Méditerranée, Danièle Henkel a besoin de toucher pour voir, sentir, vérifier et mieux comprendre.

Elle a été recrutée pour L'oeil du dragon, un peu par hasard, parce qu'elle connaissait une dame qui connaissait une dame qui travaillait pour le producteur. Elle a passé des auditions. D'abord avec une centaine de candidats, puis vingt, puis dix. Elle n'était pas le premier choix des producteurs, sans doute parce qu'elle était inconnue du grand public, et aussi parce son entreprise, qui porte fièrement son nom, n'est pas exactement une multinationale.

Installée à Pierrefonds, l'entreprise qui s'occupe surtout de la distribution de machines médico-esthétiques, en plus de manufacturer le fameux gant exfoliant Renaissance, ne compte que 27 employés, dont 4 sont les enfants de la présidente. Il n'en demeure pas moins que l'émission vouée à la mise en valeur de l'entrepreunariat québécois ne pouvait pas trouver meilleure dragonne que Danièle Henkel. Seule femme parmi les dragons, elle scintille et éclipse ses camarades par sa chaleur, son naturel et son aisance devant les caméras. Probablement que s'il n'y avait qu'un dragon parmi quatre dragonnes, ce serait le phénomène inverse.

Reste que depuis que l'émission est en ondes et que la femme d'affaires de 56 ans est passée à Tout le monde en parle, elle est inondée de courriels admiratifs et de tweets flatteurs. «J'ai reçu 1400 tweets et je peux vous assurer que j'ai répondu à tous sans exception», me lance-t-elle fièrement.

Vie rocambolesque

D'entrée de jeu, et parce que j'étais restée un peu sur ma faim lors de son passage chez Guy A. Lepage, je lui demande de me raconter sa vie. Une heure et quart plus tard, non seulement elle n'a pas fini le récit, mais nous n'avons pas encore franchi la douane à Mirabel où elle a atterri en janvier 1990. Danièle Henkel est une conteuse-née, capable de rendre l'anecdote la plus banale parfaitement fascinante.

N'empêche qu'en l'écoutant raconter sa naissance au Maroc et son départ à 6 ans pour l'Algérie, je n'ai pas cessé de penser au film Monsieur Lazhar. À cause de l'Algérie, évidemment, mais aussi parce que la vie de Danièle Henkel est à ce point rocambolesque que je me suis demandé si elle n'inventait pas certaines histoires comme ce cher Monsieur Lazhar.

Voyez vous-mêmes. Enfant unique, issue de l'union improbable d'une juive marocaine et d'un soldat allemand, porté disparu à la naissance de sa fille, Danièle Henkel a été élevée avec chauffeur et collèges privés. Sa mère, Eliane Zenati, était une femme d'affaires illettrée qui travaillait comme femme de ménage pour la propriétaire d'une boulangerie au Maroc, laquelle propriétaire lui a légué son commerce à sa mort.

Eliane et Danièle ont déménagé à Oran en Algérie à la fin des années 50, l'argent de la vente de la boulangerie servant à acheter un grand garage qui, à la faveur de l'économie algérienne, n'a cessé de prospérer. Après ses études collégiales, la future dragonne a travaillé brièvement pour une des nombreuses sociétés de forage qui poussaient dans l'Algérie de l'époque. Elle a épousé un haut fonctionnaire responsable de la Société nationale du traitement des eaux qui lui a donné quatre enfants.

Par un de ces concours de circonstances dont sa vie est jalonnée, elle a été embauchée par le consulat des États-Unis à Oran, avant de devenir une employée à temps plein du département d'État américain, ce qui n'était pas nécessairement bien vu dans l'Algérie nationaliste des années 80. Son téléphone a été mis sur écoute et, un jour, elle a été ramassée par la police secrète algérienne pour un interrogatoire serré au sujet de son employeur.

La suite est nébuleuse, si ce n'est qu'au tournant des années 90, la montée de l'intégrisme aidant, elle décide de quitter l'Algérie et de s'établir à Montréal. Elle y débarque en janvier 1990 avec son mari et sa fille aînée. Les trois autres enfants sont restés en Algérie et n'arriveront avec leur grand-mère que six mois plus tard.

Ses valises ont été perdues, il fait un froid de loup, le ciel est gris. Qu'à cela ne tienne, Danièle retrousse ses manches et cherche du boulot. Claude Lapierre, le PDG de Claudel Lingerie, un important fabricant de lingerie féminine, lui donne sa première chance en l'engageant comme assistante. Elle travaillera rue Faillon pendant deux ans, y fera ses classes, apprendra les rudiments de la fabrication et de la distribution manufacturières avant de décider de se lancer en affaires.

«Je vivais avec ma mère, mon mari, mes quatre enfants, mon demi-frère et sa famille que j'avais fait venir. J'ai suivi des cours d'agent immobilier, participé à un concours d'agent de commerce lancé par le gouvernement, organisé une mission en Chine. Moi, la petite, je voyais grand. Je me disais: tout est possible, continue ton chemin, ne lâche pas. Et si je n'avais qu'un seul message à transmettre aux femmes qui veulent se lancer en affaires, ce serait: avance, n'aie pas peur. T'es bonne, t'es forte, t'es capable. C'est ce que ma maman m'a toujours dit et j'ai bien fait de l'écouter.»

Main de fer dans un gant exfoliant!

C'est en 1996 que Henkel met au point son fameux gant exfoliant Renaissance, un gant en cellulose végétal inspiré des gants dans les hammams au Maroc et en Algérie. Le gant n'est pas qu'un produit. C'est le pilier d'un concept qui part du derme, passe par l'épiderme, avec les produits cosmétiques, et finit dans l'hypoderme, avec les machines médico-esthétiques LPG (Louis Paul Guité), dont elle a obtenu la licence de distribution pour le Canada. Aujourd'hui, ses clients sont les spas médicaux, les cliniques d'esthétique, les massothérapeutes et même le Centre des grands brûlés, ce dont elle est particulièrement fière.

Depuis qu'elle est devenue une femme d'affaires prospère, Danièle Henkel a quitté Repentigny pour Pierrefonds. Elle a aussi quitté son premier mari et a épousé l'homme d'affaires Mark Teitelbaum, son partenaire financier dans le Laboratoire d'intolérance alimentaire.

Même si elle n'avait aucune expérience en télé, elle s'est lancée tête la première dans le ventre du dragon. Elle n'avait qu'une condition: «J'ai dit aux producteurs de l'émission: ne me demandez pas d'être quelqu'un d'autre que moi. Si j'ai quelque chose à dire, je vais le dire. Grâce à cette émission, j'ai retrouvé des gens que j'avais perdus de vue depuis des années et ce qui m'a le plus fait plaisir, c'est qu'ils m'ont tous dit que je n'avais pas changé d'un iota.»

Seule femme parmi les dragons, Danièle Henkel aurait pu facilement être éclipsée par ses camarades masculins. Le contraire s'est produit, preuve qu'il n'est pas toujours nécessaire de combattre le dragon par le feu pour devenir dragonne. Parfois, la chaleur et le charme suffisent.

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