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Emmanuel Levinas, le judaïsme et la philosophie

Emmanuel Levinas, le judaïsme et la philosophie

 

Retour sur la pensée du philosophe Emmanuel Levinas (1906-1995) et de son projet philosophique.
Avec

    Dan Arbib Agrégé et docteur en philosophie.
    David Haziza Docteur en littérature française et comparée à l'Université Columbia (New York), chercheur, essayiste et éditorialiste

Par Difficile liberté et les lectures talmudiques, mais aussi par ses ouvrages philosophiques majeurs, Totalité et Infini, Autrement qu'être ou au-delà de l'essence, Emmanuel Levinas a fait entrer les traités vermoulus du judaïsme dans la pensée contemporaine, le judaïsme et pas seulement la question juive. Nous nous interrogerons sur la signification de cet apport avec nos invités.
Alain Finkielkraut reçoit le philosophe Dan Arbib, en charge avec Danielle Cohen-Levinas de l’édition des Oeuvres complètes, Tome 4 d'Emmanuel Levinas, et David Haziza, chercheur, essayiste, auteur de Mythes juifs : le retour du sacré, autour de la pensée du philosophe. Emmanuel Levinas (1906-1995), né en Lituanie dans une famille juive, connut les persécutions antisémites, l’exil en Ukraine, l’émigration à Strasbourg, puis à Paris, l'horreur dans l'enfermement des camps de prisonniers allemands et fut marqué à vie par la Shoah.

Le mythe du peuple élu

Selon David Haziza, on ne saurait trop insister sur la centralité du mythe de l'élection. "Il y a des gens, y compris des Juifs, que ce mythe fâche ou qui auraient voulu historiquement s'en débarrasser. C'est l'un des axes d'ailleurs de la réforme juive allemande au 19e siècle. Je pense qu'on ne saurait trop insister sur la centralité du mythe de l'élection". Force est de reconnaître, précise-t-il, que les Juifs croient à l'élection. Ce motif est au centre de la vie liturgique juive. Il est répété sans cesse dans la prière, la sanctification du vin.

Un cas paroxystique, pour David Haziza de la persistance de cette croyance, c'est '"la surreprésentation des juifs dans le mouvement propalestinien de boycott d'Israël, aux Etats-Unis". "Et cette surreprésentation atteste à mes yeux, chez des gens qui sont souvent relativement désaffiliés d'un point de vue juif, la persistance de l'idée que le peuple juif a un devoir d'exemplarité. Parce que c'est un peuple de prêtres. Et j'irais presque jusqu'à dire que l'obsession anti-israélienne, chez les non-juifs, témoigne quelque part de la même chose et de la centralité de l'idée d'élection du peuple juif, d'élection d'Israël, même chez les non-juifs, en tout cas en Occident."

"Ce que Lévinas met en œuvre, c'est une description de la manière dont autrui apparaît" (D. Arbib)

Pour comprendre Emmanuel Levinas et son idée d'élection, il faut partir, nous dit Dan Arbib, du projet philosophique de Levinas, "c'est-à-dire de ce que l'on appelle la phénoménologie". La phénoménologie est le nom d'une discipline en philosophie qui vise d'abord à décrire la manière dont les choses nous apparaissent. Les choses, mais aussi, pour Levinas, les êtres. Et ce que Levinas met en œuvre, c'est une description de la manière dont autrui apparaît. Et quand autrui apparaît, il se produit que je suis immédiatement sommé par une responsabilité infinie que j'ai à son égard. Pourquoi ? Parce qu'autrui n'est pas une chose".

Autrui ne fait pas nombre avec le décor dans lequel il s'insère, autrement dit, en vérité, il ne s'y insère pas. J'ai donc à la fois le sentiment de ne pas avoir de prise sur lui, parce qu'il m'échappe toujours, et en même temps le sentiment que la seule prise que je pourrais éventuellement avoir, c'est la destruction. Et c'est pourquoi il m'intime paradoxalement l'ordre de ne pas le tuer. Et ce soin infini que m'intime le visage de l'autre, c'est précisément ce à quoi je ne peux pas me dérober.
"L'élection, c'est ce qui me requiert sans que je l'aie demandé, et ce qui m'intime une tâche qui est plus grande que moi, plus importante que moi"

Alors comment, nous explique Dan Arbib, peut-on appeler le fait de ne pas pouvoir se dérober à une tâche que l'on n'a pas choisie soi-même, mais qui nous a choisi ? A proprement parler, l'élection :
"L'élection, c'est ce qui me requiert sans que je l'aie demandé, et ce qui m'intime une tâche qui est plus grande que moi, plus importante que moi, et à la mesure de laquelle, en un sens, je ne serai jamais… "Je ne me présente pas à l'élection, c'est l'élection qui me requiert". Et donc, cela induit cette proposition de Levinas, qui est une proposition exorbitante, et dont on n'a pas fini de mesurer l'ampleur, à savoir que l'essence de la subjectivité est élection". Dan Arbib

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