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Erdogan annonce que la guerre avec les Kurdes de Syrie est imminente

Erdogan annonce que la guerre avec les Kurdes de Syrie est imminente (013010/18) [Analyse]

Par Perwer Emmal dans le Rojava

 

Dimanche dernier, avant-hier, l’Armée turque a bombardé à l’artillerie lourde une colline située à l’est de l’Euphrate, dans le village de Zur Maghar (Zormixar en kurde), dans le territoire du Rojava kurde, à 2km de la ville de Jarabulus tenue par l’Armée d’occupation ottomane en Syrie [carte]. Un combattant des YPG, les Forces de Protection du Peuple [kurde], blessé lors de ces tirs de barrage, a succombé à l’hôpital.

 

Il s’agit d’une agression spontanée de la part des militaires d’Erdogan et de ses mercenaires islamistes de l’ex-al Qaëda, aucune activité offensive des YPG n’ayant été observée, ni à proximité de Jarabulus, ni ailleurs, sur les quelques 500km de frontière entre le Rojava et la Turquie ainsi que de la ligne de front à l’ouest de l’Euphrate.

 

Cette attaque survient exactement un jour après le sommet qui réunissait Madame Merkel, Messieurs Erdogan, Macron et Poutine à Istanbul, consacré à… la pacification de la Syrie. La veille du sommet, le Président-dictateur-sultan Erdogan avait encore adressé un "dernier avertissement" aux YPG avant une offensive majeure contre leur territoire.

 

Cet environnement belliciste rend la participation d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron à la rencontre d’Istanbul difficilement compréhensible. Non seulement leur hôte multiplie les arrestations arbitraires de ses administrés – notamment de journalistes et de tout ce qui ressemble à un opposant politique -, pratiquant la torture sur ces personnes qu’il emprisonne par milliers [50 000 personnes étaient incarcérées en Turquie en juin dernier dans le cadre de l’état d’urgence. Source Fr.Euronews] ; non seulement Erdogan a copieusement insulté l’Allemagne et la France à l’occasion de dizaines de discours, allant jusqu’à les menacer de guerre ouverte et de conflit de religions [ce que les media tricolores ont soigneusement censuré], comme pour Chypre, la Grèce et Israël, ce qui aurait, selon notre perception des relations internationale, dû suffire pour éviter de venir lui cirer les bottes en Turquie et poser avec lui main dans la main. Mais il y existe une réalité encore plus inopportune allant à l’encontre de ces touchantes photos de famille aux côtés d’un assassin.

 

Celle-ci consiste en la présence de forces militaires actives allemandes et françaises dans la région que le Sultan promet d’envahir incessamment. A ce sujet, les menaces du dirigeant psychopathe ne laissent pas la place au moindre doute. Devant les parlementaires de son parti, il a déclaré depuis : "Nous allons détruire la structure terroriste à l’est de l’Euphrate. Nous avons terminé nos préparatifs, nos plans et nos programmes à ce sujet.

 

Nous avons commencé il y a quelques jours notre intervention contre cette organisation terroriste, bientôt, il y aura des opérations plus efficaces et de plus grande ampleur".

 

Ceci se déroule au moment où, pour être prêt si le Sultan décidait de mettre une nouvelle fois ses menaces à exécution, les Américains et les Européens renforcent considérablement leur dispositif militaire. Washington a envoyé des troupes, du matériel et livré des armes lourdes aux YPG, incluant des chars, des canons, des mitrailleuses et des missiles.

 

La vision stratégique de la situation des Américains consiste en cela que leurs alliés kurdes, meilleurs soldats et plus motivés, sont capables, s’ils sont correctement équipés et encadrés, de tenir tête aux Turcs et à leurs mercenaires islamistes lors de combats au sol. Et s’ils font appel à leur aviation, l’Air Force s’occupera de la tenir à distance.

 

L’engament U.S. n’est pas uniquement tactique, il est aussi politique. On se souvient qu’Erdogan avait envoyé des ultimatums à Washington lui demandant de débarrasser ses troupes et déclarant qu’il n’hésiterait pas à entrevoir une confrontation avec les boys s’ils ne se retiraient pas du Rojava. Or la position de Donald Trump est inchangée : l’Armée américaine ne se retirera pas et elle se battra si elle est attaquée. Cette position est officielle.

 

Le 10 octobre dernier, s’exprimant devant l’Institut Juif pour la Sécurité Nationale de l’Amérique, le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo a souligné que les Kurdes avaient été des "partenaires exceptionnels", et que, "désormais, nous conduisons les choses afin de nous assurer qu’ils aient un siège à la table [de négociations]". Le secrétaire d’Etat avait également expliqué qu’ "il existait une nouvelle situation en Syrie qui réclame une nouvelle réponse américaine".

 

A tel titre que l’on a vu les militaires américains doubler récemment le nombre de leurs bases autour de Manbij (carte) et s’y déployer. Ils pratiquent aussi des patrouilles conjointes avec des Peshmerga des YPG le long des lignes turques, tant à l’ouest qu’à l’est de l’Euphrate.

 

Les Français, à leur échelle beaucoup plus modeste, ne sont pas en reste. Je les ai rencontrés pas plus tard qu’hier au centre de Manbij et sur les routes menant de cette cité aux avant-postes ennemis en direction de Jarabulus. Ils patrouillent quotidiennement sur la rive méridionale de la rivière Sajour, en première ligne du dispositif kurdo-occidental, drapeaux tricolores flottant au-dessus de leurs véhicules et ils se mêlent aux reconnaissances américaines. Il se dit aussi qu’ils construisent un camp fortifié dans cette zone, mais je ne l’ai pas vu.

 

Le ministre français des Affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian, a fait part dimanche de sa "préoccupation" au sujet de ces frappes, appelant "toutes les parties impliquées à la plus grande retenue".

 

Cela aussi c’est étrange à plusieurs titres : le Président Macron était à Istanbul vendredi, alors que le sultan psychopathe ne faisait aucun mystère de son intention d’envahir le Rojava ; Macron n’aurait-il pas pu faire part lui-même des "préoccupations de la France" ? Et puis, comment les Kurdes pourraient-ils faire preuve de plus de retenue, ils n’ont pas même répondu à l’agression de dimanche ?

 

A moins que M. Le Drian ne s’adresse aux soldats français déployés à 17km de Jarabulus, mais dans ce cas, il peut sans doute leur parler directement, sans avoir à passer par un communiqué.

 

On croit également déceler un changement tactique chez le sultan assoiffé de sang. Il est perceptible dans le choix de l’objectif de dimanche : pas à l’ouest de l’Euphrate, dans la province de Manbij, mais à l’est du grand fleuve. Et dans ses discours les plus récents, il parle aussi de "détruire la structure terroriste à l’est de l’Euphrate".

 

Il est vrai que la province de Manbij est archi-défendue, non seulement par les Américains, les Peshmerga et les Français, mais aussi par des forces spéciales allemandes et britanniques. Sans compter les volontaires issus d’autres nations, y compris plusieurs Israéliens, des combattants d’Extrême-Orient et des Sud-américains. Erdogan peut certes porter le premier coup n’importe où sur les 400km de frontière entre Jarabulus et l’Irak, mais cela comporte pour lui un risque important : il y a beaucoup de militaires occidentaux et de moyens terrestres et aériens dans cette autre partie du Rojava, de même que des YPG-FDS. Je les ai vus se battre ensemble en mouvement face à DAESH, aux gouvernementaux syriens et même aux Russes sur des étendues interminables, et je doute qu’elles constituent un terrain de manœuvre plus favorable pour les séides du Sultan maboule. Demandez aux Russes, qui après une seule confrontation sérieuse se sont définitivement retirés de la zone de Deïr Ez-Zor en laissant des centaines d’officiers et de soldats morts sur le terrain. Et je doute pour ma part que les sectateurs d’Erdogan puissent faire mieux en la matière que ceux de Poutine. Mais c’est une opinion basée sur des observations vécues, pas une certitude scientifique.

 

Enfin et en attendant les développements à venir, je constate, au niveau politique, l’émergence d’une mini-guerre froide opposant les Européens de l’Ouest à l’Amérique de Trump. Les premiers n’hésitant pas à faire cause commune avec le grand adversaire de l’Occident qu’est Vladimir Poutine. Mais surtout, à embrasser les alliés de Poutine et ennemis jurés de Donald Trump, que sont les dictateurs fous et islamistes de Téhéran et de Constantinople. Ces régimes objectivement infernaux, qui pendent à tour de bras les poètes innocents ou qui les jettent indéfiniment dans l’oubli après les avoir longuement torturés.

 

Le lendemain du raid sur Zormixar, le Sultan a inauguré un nouvel aéroport à Istanbul, qui est pourtant loin d’être terminé. Le dernier aéroport international de Turquie s’appelait Atatürk, du nom du père de la Turquie moderne, laïque et démocratique. Parions que le nouveau aura un nom tiré du Coran ou celui d’un effendi des conquêtes de l’empire ottoman. Histoire de faire savoir au monde précisément ce que l’on pense de la Turquie moderne et des valeurs de son fondateur.

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