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Etats-Unis : George Santos, l’élu mythomane qui n’en finit plus d’embarrasser les républicains

Etats-Unis : George Santos, l’élu mythomane qui n’en finit plus d’embarrasser les républicains

Elu dans l’Etat de New York, le député George Santos est un affabulateur hors norme… dont les conservateurs auront cependant du mal à se débarrasser.

A Washington, on a l’habitude des hommes politiques qui enjolivent leur biographie et jonglent avec les demi-vérités. Mais le républicain George Santos bat tous les records. Ce représentant de l’Etat de New York au Congrès, élu en novembre, est un mythomane invétéré. Fin décembre, avant que le nouveau Congrès n’entre en session parlementaire, le New York Times révèle que le nouvel élu républicain a menti sur des pans entiers de son existence. Tous les jours, une nouvelle affabulation est révélée. Contrairement à ses affirmations, George Santos n’a pas fait ses études à l’Horace Mann School, un lycée chic de New York, ni à l’université de New York. Il n’a jamais été une star du volley-ball au Baruch College, pour la simple raison qu’il n’a jamais mis les pieds dans cette faculté. Il n’a jamais travaillé non plus chez Goldman Sachs ou Citigroup. Il n’est pas juif, et ses grands-parents n’ont pas fui l’Ukraine pendant la Seconde Guerre mondiale, mais sont nés sous le soleil du Brésil. Sa mère n’est pas morte dans l’attentat du World Trade Center. Et il ne gère pas un gros patrimoine immobilier, qu’il affirme détenir. Au contraire, il a été expulsé plusieurs fois, faute de payer son loyer.

Ce n’est pas tout. Son organisation de protection des animaux, Friends of Pets United (Union des amis des animaux) est accusée d’avoir volé 3 000 dollars collectés en ligne et censés financer l’opération du chien d’un ancien combattant handicapé. Par ailleurs, Santos se déclare gay, mais il a été marié et soutient des politiques anti-LGBTQ. Enfin, il aurait participé à des shows de drag-queens au Brésil sous le nom de Kitara Ravache. Et une question se pose : comment être certain qu’il s’appelle réellement George Santos, car l’élu affectionne les pseudonymes… "Cela va nettement plus loin que ce que l’on voit normalement au Congrès, s’étonne Craig Volden, professeur de sciences politiques à l’université de Virginie. Cette combinaison de personnalité, de problèmes éthiques et de possibles manquements à la loi est tout à fait unique."

Sous la pression, le républicain de 34 ans, connu pour ses vestes de sport et ses pulls à col rond – et pour son culot ! – reconnaît avoir "embelli" son CV. Ce qui ne constitue pas un délit aux Etats-Unis. Le premier amendement de la Constitution protège la liberté d’expression, y compris les affabulations. Et même s’il fait l’objet de poursuites pénales, rien ne dit qu’il perdra son mandat. L’expulsion d’un membre de la Chambre des représentants se fait à la majorité des deux tiers.

"Le financement de sa campagne envoie de nombreux signaux d’alarme, note Brendan Quinn, au Campaign Legal Center, un groupe non partisan qui a demandé une enquête auprès de la Federal Election Commission. Il semble avoir violé les lois sur le financement des campagnes de plusieurs façons." Il a notamment versé, sur ses propres deniers, 705 000 dollars à sa propre campagne, une somme inexpliquée et assez curieuse pour quelqu’un qui, jusque-là, ne roulait pas sur l’or. Il aurait aussi utilisé des fonds pour ses dépenses personnelles. Des actions potentiellement illégales. Un de ses donateurs est le cousin de l’oligarque russe Viktor Vekselberg, sanctionné par le gouvernement américain. Résultat, le représentant fait l’objet de plusieurs enquêtes. Les autorités brésiliennes, de leur côté, ont rouvert le dossier d’une affaire de fraude concernant un carnet de chèques volé en 2008.

Les républicains contraints de garder Santos

Initialement, les républicains se sont réjouis de sa victoire dans un fief démocrate new-yorkais. Mais la saga Santos fait mauvais effet et a tendance à reléguer au second plan leurs priorités, parmi lesquelles une offensive anti-Biden. L’élu de New York est devenu la risée des humoristes, qui célèbrent ses exploits sur la Lune, son prix Nobel… "Rien que cette année, il a trouvé un traitement pour le cancer et a piloté une mission sur Mars", s’amuse l’un d’eux.

Joseph Cairo, le patron d’une branche locale du parti dans l’Etat de New York, a appelé à sa démission. "Il a discrédité la Chambre des représentants, et nous ne le considérons pas comme l’un de nos congressmen." Mais il prêche dans le désert. Car les républicains sont piégés. "Compte tenu de leur très faible majorité à la Chambre, ils sont obligés de garder Santos, à contrecœur", poursuit le Pr Volden. Une nouvelle élection risquerait en effet d’entraîner la victoire d’un démocrate. Le leader des républicains à la Chambre, Kevin McCarthy, continue donc à le soutenir. Il lui a même accordé de siéger dans deux commissions, l’une sur les PME, l’autre sur la science. "Les électeurs de sa circonscription l’ont élu", plaide-t-il. Ces derniers jours, il a cependant annoncé que si George Santos avait violé la loi, "il serait démis de ses fonctions".

Les démocrates voient dans l’affaire Santos un signe supplémentaire de la "trumpification" des républicains, qui ne jouent plus le jeu démocratique et sont prêts à tout pour garder le pouvoir. Le parti "a été pris en otage par des pyromanes déterminés à tout brûler autour d’eux, affirme Ritchie Torres, représentant démocrate de New York. La présence de Santos au Congrès est un danger pour notre démocratie et notre sécurité nationale, un déshonneur pour cette institution."

À Washington, la plupart de ses collègues le battent froid. Qu’importe, il s’est allié aux représentants les plus extrémistes du Parti républicain, avec qui il partage la conviction que Donald Trump a gagné la présidentielle de 2020. Depuis son élection, il a participé au podcast de Steve Bannon, l’ex-stratège de Trump, et à un gala conservateur en décembre où se trouvaient des suprémacistes blancs et des adeptes des théories complotistes. "Je ne démissionnerai PAS !" a-t-il tweeté récemment. Compte tenu de la lenteur des enquêtes, l’affabulateur du congrès devrait conserver son siège jusqu’aux prochaines élections de 2024.

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