Fameux Souccot à Meknès
Cette histoire s'est passée au Maroc, Meknès, un jour de Kippour. Les magasins tenus par des Juifs étaient fermés et toute la communauté était rassemblée dans les différentes synagogues de la ville. En plein milieu de la prière du matin, l'un des gardes du gouverneur entra dans une synagogue, afin de chercher une personne.
Après quelques instants, ayant apparemment trouvé ce qu'il cherchait, il se fraya un chemin parmi les fidèles... jusqu'au médecin juif de la ville. Il lui murmura rapidement à l'oreille que le gouverneur était malade, et qu'il lui demandait de venir immédiatement. Surpris, le médecin lui demanda pourquoi le gouverneur faisait appel à lui, alors qu'il avait certainement à sa disposition des médecins de sa communauté...
Mais le garde lui expliqua que les médecins s'étaient déjà rendus au chevet du gouverneur sans trouver de remède à sa subite maladie.
"Dis au gouverneur qu'aujourd'hui est un jour particulièrement saint pour nous et que je suis dans l'impossibilité de venir tout de suite. S'il le veut, je viendrai au plus vite, dès que la nuit sera tombée", répondit le médecin. Pendant ce temps Ià, l'état du gouverneur empira. Le garde qui était allé chercher le médecin juif, trouva à son retour le gouverneur qui se tordait de douleur.
D'une voix remplie de haine, le garde fit son rapport au gouverneur: "Le juif ne désire pas venir maintenant. Il ne pourra se libérer que ce soir", omettant sciemment de préciser la vraie raison de son refus.
Le gouverneur s'emporta bien évidemment: "Je me vengerai de ce Juif et de son peuple. Ils apprendront qui dirige ici, à Meknès... "
Le gouverneur savait que quelques jours plus tard aurait lieu la fête de Souccot chez les Juifs. Il savait aussi qu'à cette occasion les Juifs construisaient des cabanes et qu'ils en formeraient le toit avec des joncs. Il eut alors une idée de vengeance un peu particulière: il empêcherait les Juifs de se procurer ces joncs!
Le gouverneur était très fier de son idée.
Quand les pauvres Juifs arrivèrent au marché pour acheter ce qui leur servirait à confectionner leur Souccah, les vendeurs déclarèrent : "Désolés, cette année, le gouverneur a tout acheté! "
Les Juifs ne savaient que faire. Ils décidèrent de se rendre chez Rav Yaacov Berdugo, le Rav de la ville.
Le Rav et les dirigeants de la communauté firent leur enquête et découvrirent rapidement que cet acte du gouverneur était une vengeance au refus du médecin de venir le soigner le jour de Kippour. Ils décidèrent de solliciter une entrevue chez le gouverneur pour lui expliquer que le médecin n'avait pas le droit travailler le jour de Kippour, à moins qu'il ne s'agisse d'une question de vie ou de mort. Le gouverneur accepta de les recevoir, mais au moment où la délégation entrait chez lui, il fixa le Rav du regard, se frotta les yeux, le regarda à nouveau, et se mit à crier: " C'est lui! Oui, c'est bien lui! "
Un peu gênés, les Juifs se demandèrent quelles étaient les raisons des cris et de l'émoi du gouverneur.
Après quelques instants, le gouverneur se calma, et leur dit :
"Ecoutez donc mon histoire: la nuit dernière, j'ai fait un terrible cauchemar. Mes caves avaient pris feu, et l'incendie se propageait rapidement. Tout fut brûlé: mes meubles, mon argent, tous mes biens. Et alors que je me trouvais assis à mon bureau, les flammes étaient sur le point de m'atteindre. J'essayai de m'enfuir mais c'était trop tard. J'étais encerclé. De part et d'autre les flammes s'élevaient et formaient une muraille de feu. Je me mis à appeler au secours. La fumée commençait à m'étouffer et je sentais que ma dernière heure était arrivée. Et soudain, un homme vêtu de blanc apparut. Il avait exactement le visage de votre Rav. Il me dit: "J'ai la possibilité de vous sauver de ce feu... "
Je me mis à crier "Alors faites-le! Je ferai tout ce que vous voudrez, pourvu que vous me fassiez sortir d'ici". Et l'homme en blanc me répondit: "Je ne vous aiderai qu'à une seule condition: que vous donniez à chaque Juif de quoi faire le toit de sa Souccah". Je m'y engageai... et le feu cessa.
A présent que vous êtes venus, je comprends mon rêve... et je me vois dans l'obligation d'accomplir ma promesse: j'offre à la communauté juive tous les joncs que j'ai achetés! "
Et la fête de Souccot, qui s'était annoncée plutôt triste, fut l'une des plus joyeuses pour les Juifs de Meknès, cette année-là.
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