Français juifs et musulmans : sommes-nous irréductiblement voués à nous détester?
Alors que l'affaire Nemmouche attise les tensions intercommunautaires, il est urgent de proposer une vision plurielle et pacifiée de notre nation et des relations entre les individus.
Qu’est ce qu’on a fait au bon dieu? C’est la question que je me suis posée dans un premier temps en apprenant sur les réseaux sociaux l’attentat de Bruxelles et dans un second temps en entendant le nom du suspect. Mehdi.
J’avais l’impression de vivre un nouveau cauchemar. À peine réveillée du traumatisme des élections européennes avec pour la première fois le FN en tête d’une élection nationale, n’en déplaise à Malek Boutih, ce n’était pas un «match amical», voilà qu’un jeune Français connu pour des faits de délinquance, passé par la case prison et la Syrie, aurait tiré à la kalachnikov au Musée juif de Bruxelles ôtant la vie à quatre personnes et replongeant d’abord les communautés juives européennes dans la peur et par ricochet les communautés musulmanes dans l’angoisse d’être de nouveau l’objet des accusations et vexations. Schéma qui s’est reproduit à la perfection quand on lit les premières injonctions des politiques et personnalités faites aux musulmans sommés de s’expliquer, de se prononcer et de se désolidariser d’un acte qu’ils avaient unanimement tous condamné.
Alors dans mon for intérieur, je me suis dit que dans les prochains jours une fois de plus on entendrait beaucoup parler d’antisémitisme, d’islam radical, du djihad (dans sa conception la plus galvaudée, la guerre sainte) et pendant ce temps chacun de son côté Français juifs et musulmans, nous ferions le dos rond…
Les uns auront peur de se rendre à leur boucherie casher, éviteront de porter leur kippa dans la rue, auront peur en croisant un visage jeune et basané. Quant aux autres, de nouveau ils se sentiront pointés du doigt, stigmatisés par les discours dans les médias, dans la rue. Inlassablement on leur demanderait si eux sont pour un islam éclairé, moderne contrairement à ces Merah et Nemmouche.
Chacun de son côté remettra en question son avenir et celui de ses enfants dans le pays qui l’a vu naître et grandir. Chacun de son côté envisagera le départ. Vers un ailleurs moins morose et terrorisant.
Alors dans mon for intérieur, je me suis demandée ce que nous Français, membres d’une communauté de destin faisions pour atténuer, apaiser ces tensions. Règne dans notre pays un préjugé, une idée communément admise que Français juifs et musulmans seraient irréductiblement ennemis. Opinion historiquement fausse, elle gêne et entrave toute volonté des uns et des autres de s’engager dans un travail de fond et d’envergure de médiation, et d’apaisement. La nation ne reconnaît pas les religions, certes mais cela doit-il nous empêcher de prendre en compte l’émergence d’une appartenance religieuse de plus en plus affirmée chez nos concitoyens? La laïcité cadre certes contraignant doit-elle nous interdire de constater l’affirmation identitaire et religieuse des Français? Devons-nous être aveugles et sourds face aux tensions intercommunautaires qui peuvent s’exercer dans nos villes et quartiers?
La question ne concerne pas uniquement les musulmans et juifs eux-mêmes mais l’ensemble de notre communauté nationale. En dehors du fait que ces deux composantes de notre société représentent les deux plus importantes numériquement minorités religieuses, il est impératif pour les autorités publiques de prendre en compte la réalité dans laquelle nous vivons aujourd’hui dans cette France du XXIe siècle avec toutes les complexités identitaires de ces citoyens.
Ce n’est nullement l’heure des discours creux et sans action, c’est celle de repenser et refonder le vivre-ensemble dont notre pays a tant besoin non seulement en luttant contre toutes les formes de racisme mais aussi et surtout en proposant une vision plurielle et pacifiée de notre nation et des relations entre les individus. Nous ne n’avons plus le luxe de voir émerger d’autres Merah ou Nemmouche.
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