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Israël revoit les devoirs des ultraorthodoxes

Israël revoit les devoirs des ultraorthodoxes

 

Par Marc Henry

 

La loi les encourageant à effectuer un service militaire ou civil est abandonnée. Mais les laïques ne veulent pas en rester là.

Une «révolution juridique»: les médias israéliens n'ont pas lésiné mercredi sur les expressions chocs pour qualifier un jugement de la Cour suprême. Les juges ont brisé un tabou. Ils ont déclaré «nonconstitutionnelle» une loi censée encourager les jeunes ultraorthodoxes juifs à faire un service militaire raccourci ou à défaut un service civil. Or cette loi n'a jamais rien encouragé. L'immense majorité des «hommes en noir» continuent à ne pas porter l'uniforme. Leurs rabbins estiment que l'étude de la Torah, la loi religieuse juive, prime tout et constitue une «arme de défense du peuple juif» au moins aussi efficace que l'armée israélienne. Une situation que les laïques, astreints à trois ans de service militaire (deux ans pour les filles), sans compter des périodes de réserves jusqu'à la quarantaine, considèrent comme de plus en plus intolérable.

Les mauvaises «influences» du monde laïque

Au fil des ans, le nombre des exemptés a en effet explosé en raison d'une démographie galopante. Au moment de la création de l'État d'Israël en 1948, les ultraorthodoxes n'étaient que 400 à ne pas servir sous les drapeaux. L'an dernier ils étaient près de 70.000 à avoir échappé à l'armée. Une loi votée à titre provisoire en 2002 a tenté de freiner cette évolution. Les ultraorthodoxes se sont vu proposer un service militaire dans des unités conçues spécialement pour eux ou dans un service civil pour une période de 16 à 24 mois. L'hostilité des rabbins, qui contrôlent les yechivot, les séminaires talmudiques, ont fait capoter le projet de crainte de voir leurs étudiants sous l'uniforme subir les mauvaises «influences» du monde laïque.

Seule une petite minorité d'ultraorthodoxes a accepté de jouer le jeu. Les autres ont préféré continuer de vivre selon la tradition, dans des conditions souvent très précaires. Au sein de nombreuses familles ultraorthodoxes, les hommes se consacrent à l'étude de la Torah, vivant chichement grâce à des maigres aides sociales et familiales, au travail des femmes et parfois aux dons octroyés par la diaspora. Résultat: l'indigence bat de records dans les quartiers religieux.

Partager «le fardeau»

Dans l'esprit des juristes la loi sur le service militaire devait permettre aux ultraorthodoxes de quitter leur séminaire aux alentours de 22 ans et de briser le cycle de la pauvreté en favorisant leur entrée dans le monde du travail. Ce scénario ne s'est pas produit. Les juges en ont tiré les conséquences. «Cette loi n'est pas constitutionnelle et le Parlement ne pourra pas prolonger son application dans sa forme présente lorsqu'elle expirera le 1er août 2012», a statué la Cour suprême. Une décision qui a provoqué une extrême nervosité dans la classe politique. Tous les partis laïques ont applaudi les juges et commencé à plancher sur des projets destinés à combler le vide juridique. Benyamin Nétanyahou, le premier ministre, a lui même promis le vote dans les prochains mois d'une loi assurant un partage «plus équitable du fardeau» militaire.

Ehoud Barak, le ministre de la Défense, a proposé d'établir un quota de 2000 à 3000 étudiants «prodiges» de la Torah qui pourraient continuer à étudier, tandis que les autres effectueraient un service civil censé favoriser une insertion professionnelle. Seule certitude en tout cas: les partis religieux savent qu'ils vont devoir lâcher un peu de lest face à la pression de l'opinion publique. Mais il n'est pas sûr que les laïques s'en accommodent comme jusqu'à présent.

Des autobus pendant le shabbat

Symbole de la ville laïque et «libérée», Tel-Aviv veut se démarquer de l'austère Jérusalem. Son conseil municipal a voté pour l'ouverture de lignes de bus durant le shabbat. Aussitôt, les religieux ont dénoncé cette «désacralisation» et cette atteinte au «caractère juif» du pays. Actuellement, tous les transports publics, y compris les trains, s'arrêtent du vendredi en fin d'après-midi au samedi soir. Seuls des taxis collectifs fonctionnent à Tel-Aviv. Selon un sondage, 52,4 % des Israéliens sont favorables à la circulation d'autobus pendant le shabbat (contre: 31 %). Il y a toutefois peu de chances que cette «révolution» dans les transports se produise. Le gouvernement doit donner son feu vert et les partis religieux, très influents au sein de la majorité, sont bien décidés à faire barrage.

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