Journée de la femme au Maroc : Le chemin est encore long
par Meriem Najeb
Il est de coutume de s’arrêter sur la situation de la femme marocaine, tous les 8 mars pour jauger l’évolution de sa condition en tant que citoyenne. Les acquis, n’en déplaise, à certains sont énormes, bien que le combat ne soit pas à sa fin. La lutte de la Femme marocaine et son engagement inconditionnel depuis de longues décennies a fini par payer. S’il est vrai que les Marocaines n’étaient pas les moins bien loties du monde musulman, si on se réfère aux textes, loin derrière les Tunisiennes certes, mais bien devant les Algériennes, les Syriennes ou les Égyptiennes, leurs ambitions pour améliorer leur statut n’a jamais cessé.
S’il a fallu attendre 1994 pour voir l’autorisation maritale pour l’obtention du passeport et 1995 pour l’exercice du commerce et la passation du contrat du travail supprimée, les choses se sont relativement accéléré depuis l’avènement du Roi Mohammed VI. La révision du code du travail en 2003 avec la consécration du principe de la non-discrimination, la reconnaissance du harcèlement sexuel sur les lieux de travail et enfin le prolongement du congé de maternité, au même titre que les nouveaux Codes de la famille, en 2004 et de la nationalité en 2007, et enfin la levée par le Maroc de toutes les réserves sur la CEDAW, ont incontestablement permis d’améliorer la condition de la femme.
Pas assez pour nous
Sur le plan politique, l’adoption du système de la discrimination positive dès 2003, est également une des grandes avancées dont on peut se réjouir. Ce mécanisme avait permis de passer de 127 femmes élues en 2003, à 3.622 femmes élues en 2009. Mais, force est de constater que s’il a fallu beaucoup, voire énormément de temps, pour aboutir à des législations relativement en phase avec l’esprit des lois universelles, il faut reconnaitre que la femme marocaine n’a pas tardé à prendre son envol que ce soit sur le plan intellectuel, économique (*) et politique, même si sur ce plan, elle a encore du mal à accéder aux postes de responsabilité, malgré sa forte présence et son implication dans diverses instances. Le nombre de femmes occupant des postes de responsabilité dans les différentes administrations ne dépasse guère 10 %.
En revanche, un autre constat s’impose à nous. C’est que malgré ces avancées au niveau de la législation, sur le terrain, dans les tribunaux, voire dans la sphère privée, on s’aperçoit qu’il y a une sorte de contradiction entre des textes ultra modernes et des situations ultra rétrogrades de certaines femmes. Problèmes de mentalités, d’application des lois, d’accès à l’information, de précarité économique et intellectuelles ? Peut-être tout cela à la fois.
En atteste la hausse des mariages entre mineurs. Ces mariages, en hausse constante depuis 2006, représentent officiellement près de 12 % des mariages au Maroc.
Des textes, sans concrétisation
Avec la nouvelle Constitution, le statut de la femme est renforcé. Le texte énonce dans son chapitre II, réservé aux libertés et droits fondamentaux, des mesures, des mécanismes concrets de lutte contre toutes formes de discrimination. « L’égalité entre l’homme et la femme dans les droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental », stipule l’article 19.
Hélas, deux années après la promulgation du nouveau texte qui est en soi une belle avancée, car il accorde une prééminence des droits universels sur les droits internes, les choses n’ont pas beaucoup bougé. En effet, le ton fut donné seulement quelques semaines après son entrée en vigueur, au moment de la mise en place de la loi organique sur les partis politiques. La liste mixte des femmes et des jeunes était pour de nombreuses militantes une violation des dispositions de la Constitution.
Certes, la Création d’une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination (APALD), reflète une réelle volonté de mettre fin à l’injustice à l’égard des femmes. L’objectif étant la possibilité d’entreprendre, par la loi, des mesures de discrimination positive au profit des femmes en matière d’accès aux fonctions électives est envisagée par le législateur. L’annonce de la création d’un comité scientifique pour la mise en place de l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discriminations par la ministre de la famille, de la Solidarité et du Développement social, Bassima Hakkaoui, augure de nouveaux espoirs. Dans ce même sens, l’élaboration du projet de loi organique relative au Conseil consultatif de l’Enfance et de la Famille a été confiée à une commission scientifique -qui un véritable tremplin pour la société- présidée par Zhor El Hor, avocate et ex-présidente du tribunal de la famille de Casablanca.
Par ailleurs, loin de la littérature juridique et des chiffres, sur le plan social, la situation de la femme marocaineest trop peu réjouissante. Dès qu’on s’éloigne de la CSP A et B, on constate une très forte précarité dans le rang des femmes. Avec un niveau d’études très faible, ou non alphabétisées, de nombreuses femmes sont exploitées de diverses manières. Contraintes à subvenir à leur besoin et/ou ceux de leur famille, elles font des petits métiers, travaillent souvent dans l’informel,…. Ce qui veut dire aucune sécurité sociale, aucune retraite,… Dès que leur santé ne leur permet plus de travailler pour gagner de quoi vivre au jour le jour, elles sont contraintes à la mendicité.
La femme rurale lésée
Des petites filles sont encore exploitées comme domestiques de maisons, au moment où d’autres sont exploitées par des commerçants de chair. La situation de la femme rurale n’est pas non plus réjouissante. En plus du travail domestique, les femmes en milieu rural sont obligées de travailler, au même titre que leur conjoint aux champs, de nombreuses petites filles continuent à aider dans les tâches ménagères au lieu d’être à l’école. Et même si les chiffres des décès des nouveaux-nés et des femmes en couche est en baisse, nous sommes encore loin des OMD (objectifs de développement du millénaire). Hélas, la pauvreté, l’analphabétisme, les problèmes de santé, la malnutrition demeurent le lot quotidien d’une grande partie desMarocaines.
Leila Ouazry . La Nouvelle Tribune
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