Juif français, je n'irai pas vivre en Israël. De quoi se mêle Netanyahu ? Il est indécent
Par Alain Bentolila
Linguiste
LE PLUS. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, invite les juifs de France à émigrer en Israël pour fuir le climat antisémite actuel. De son côté, François Hollande affirme que "la place des juifs de France, c'est d'être en France". Un avis que partage le linguiste Alain Bentolila. Français et juif, il invite à la résistance nationale et non pas à la fuite communautaire.
Édité par Barbara Krief
Dans un temps ou les Français de confession juive, parce que juifs, sont invités par le Premier ministre israélien à trouver refuge en Terre promise, il est urgent d’imposer dans le débat public une distinction fondamentale entre "appartenance" et "identité".
On n’est pas un juif, un musulman ou un catholique
A la question "qui suis-je ?", je réponds dans un ordre que je veux pertinent : je suis un homme conscient de lui-même et amoureux de l’autre ; je suis un Français nourri à des principes singuliers de vérité et de beauté ; je suis un juif sépharade porteur d’une histoire, et d’une mémoire singulières forgées en Espagne et surtout au Maghreb.
On n’est pas un juif, un musulman ou un catholique, on appartient seulement, par un hasard heureux ou non, à un groupe qui partage certaines croyances, certaines habitudes culturelles, certains rituels.
Cette appartenance religieuse ne doit en aucune façon pervertir la liberté intellectuelle de chacun de nous. Elle ne définit pas notre identité.
La distinction entre appartenance et identité m’apparaît ainsi aujourd’hui absolument essentielle. C’est elle en effet qui permet de mener nos analyses avec rigueur, d’affirmer nos convictions avec fermeté, et donc d’exercer notre libre jugement sans pour autant trahir notre communauté ou avoir honte de nos racines. Une appartenance ne se nie pas mais elle ne nous définit pas.
Un citoyen français juif, musulman, catholique ou athée doit analyser avec objectivité, profondeur historique et humanisme quelque situation sociale ou politique que ce soit dans toute sa complexité. Il doit refuser que quiconque, au nom d’une appartenance religieuse commune, vienne lui imposer une vision tronquée et stéréotypée.
Être français n’interdit pas une appartenance culturelle ou religieuse à la condition non négociable qu’elle n’entrave pas notre liberté de penser avec objectivité et rigueur, d’apprendre avec curiosité et vigilance, de questionner avec audace et respect.
De quoi se mêle Netanyahu ?
J’appartiens donc à la communauté juive sépharade et j’ai encore le souvenir de mon grand père concluant sa prière de Pessah par ces mots : "L’année prochaine à Jérusalem !".
Faut-il voir dans cette promesse chaque année renouvelée et jamais tenue, un engagement à quitter un pays qui a fait ce que je suis, pour émigrer dans un pays qui n’est pas le mien? Un pays et dont je n’approuve d’ailleurs pas certaines décisions politiques tout en défendant sans réserve son droit d’exister dans la paix et la cohabitation régionale.
Mon appartenance communautaire devrait-elle décider de mon lieu vie et de mon engagement idéologique ou politique ? Non mille fois non !
C’est pourquoi l’invitation du Premier ministre israélien m’a profondément choqué. Car, franchement, de quoi donc se mêle ce monsieur ? Comment ose-t-il nous inciter à émigrer en Israël en prenant prétexte que des salopards menacent la vie de citoyens français, juifs et non juifs. Cette proposition est indécente !
Le temps est à la résistance nationale
Bien sûr, il n’est pas question de nier le caractère antisémite de certaines incivilités, de certaines agressions et de certains meurtres perpétrés en France et ailleurs. Bien sûr ces attentats ont une résonnance particulière dans une communauté qui a subi un holocauste dont la froide organisation, le systématisme, l’ampleur est encore aujourd’hui dans les mémoires des juifs et j’espère aussi des non juifs.
Mais y a-t-il dans notre pays promulgation de lois excluant les juifs de certaines professions ? En dehors de certains membres du Front National a-t-on entendus en France insultes ou menaces du monde politique? En dehors de quelques négationnistes et humoristes égarés, les intellectuels français se sont-ils laissé embarquer dans une croisade anti juive ? La population française toutes confessions et toutes origines confondues est-elle devenue dans sa majorité antisémite ? A toutes ces questions la réponse est NON, NON et NON !
Loin de moi l’idée d’édulcorer l’horreur de la tuerie des juifs du supermarché cascher ; mais vaut-elle plus sur l’échelle de l’indignation que celle des caricaturistes ? Non bien sûr !
La communauté française, juive et non juive pleure avec les mêmes sanglots les caricaturistes de "Charlie Hebdo" et les clients de l'Hyper Cascher car nous reconnaissons qu’ils sont victimes pour les mêmes raisons de la barbarie terroriste. Dans ces conditions, le temps est à la résistance nationale et non pas à la fuite et à la désertion communautaire.
Commentaires
Monsieur Bentolila
Votre opinion ne regarde que vous.Conservez-la et souvenez vous qu'il y a 66 ans, vous ne disposiez pas de cette possibilité d'appel et après tout,compte tenu de
vos idées étriquées cet appel ne vous concerne surement pas.
Je remercie de tout cœur M Netanyahou de son appel génèreux et plein de chaleur.
Ohayon
Les juifs polonais étaient d'abord polonais. Les juifs allemands, des allemands d'abord. Les juifs italiens, des italiens, etc... Ils sont morts dans la Shoah. Natanyahu a OFFERT aux juifs français une alternative à la peur et au mépris. Certains le comprennent. D'autres pas. M. Bentolila semble etre de ceux-là.
Tu es bien naïf mon ami, ta réplique agressive est exactement celle de certains juifs en Allemagne au début de l`antisémitisme. Mais non, nous sommes allemands avant tout, mon œil,tiens toi sur tes gardes mon beau français,j’espère que tu as raison.
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