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L’écrivain Marek Halter : « Nous devons réconcilier les religions »

L’écrivain Marek Halter : « Nous devons réconcilier les religions »

L’écrivain juif, artisan du dialogue interreligieux, est invité aux Rencontres méditerranéennes, à Marseille. Où sont évoqués les grands défis de la Méditerranée et que va conclure le pape François ce samedi 23 septembre.

Ouest-France Recueilli par Carine JANIN et Alan LE BLOA.

L’écrivain Marek Halter est invité des Rencontres méditerranéennes à Marseille. Auteur des trilogies « La Bible au féminin », « Les femmes de l’islam » et « Marie », et d’un récent livre « La femme de Shanghai », cet ardent défenseur du dialogue interreligieux est intervenu sur le thème : « Juifs, chrétiens et musulmans : vivre ensemble en Méditerranée ».

Que représente pour vous Marseille où vous intervenez cette semaine dans le cadre des Rencontres méditerranéennes ?

À Marseille, le monde est ouvert, on sent l’odeur de la mer. On marche différemment quand on est dans un port. On s’enflamme plus rapidement. Mais curieusement, on est moins raciste, on est moins étonné de voir quelqu’un, des réfugiés arriver, pourchassés ou pas. C’est une bonne chose que le pape François vienne dans cette ville cosmopolite.

Quelles relations entretenez-vous aujourd’hui avec le pape François qui est accueilli à Marseille ?

Je l’ai connu en Argentine, où j’ai vécu. Puis je l’ai rencontré au Vatican, lorsqu’il est devenu pape, en 2013. J’en garde un mauvais souvenir. Je lui avais écrit pour lui proposer d’accueillir une délégation de douze représentants de l’islam en France, dont l’imam Hassen Chalghoumi, de Drancy (Seine-Saint-Denis). Au pied de la basilique, on est venu m’annoncer qu’il me recevrait seul. Cela m’a vraiment énervé.

Ce n’est pas très joli de s’énerver au pied de la basique Saint-Pierre ! Je lui ai dit : « Votre sainteté, maintenant que l’Église s’est réconciliée avec le judaïsme, ne croyez-vous pas urgent qu’elle le fasse avec l’Islam, qui est la deuxième religion du monde ? » Il m’a répondu : « Oui je vous en donne ma parole, je rencontrerai les musulmans. »
« Aujourd’hui, il n’y a plus de rêve collectif, de grands intellectuels capables de mobiliser la jeunesse »

Ce qu’il a fait… Il s’est engagé auprès des plus hautes autorités religieuses à Abu Dhabi et en Irak…

Il est courageux. C’est une bonne chose qu’il ait signé le document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune avec le grand imam d’Al-Azhar, à Abu Dhabi.

Vous avez été, en revanche, très proche du pape Jean-Paul II…

Je l’aimais beaucoup. C’était un vrai homme sain. Quand, depuis le balcon, place Saint-Pierre, à Rome, devant un million de jeunes catholiques, il a crié : « N’ayez pas peur » il a tout dit. Le racisme, le rejet de l’autre, c’est la peur qui en est responsable !

Le dialogue interreligieux est l’un des principaux thèmes des Rencontres méditerranéennes, à Marseille. Diriez-vous que c’est fondamental ?

J’ai toujours plaidé pour. On est au bord d’une rivière. Quelqu’un se noie. Il crie au secours. On va lui demander : « Tu es catholique ? Musulman ? Juif ? » Le temps qu’on lui pose la question, il est déjà mort. Il faut apprendre aux gens à plonger. Aujourd’hui, il n’y a plus de rêve collectif, de grands intellectuels capables de mobiliser la jeunesse. Ce qui reste, ce sont les religions et nous devons les réconcilier, sinon, il y aura toujours quelqu’un pour lever son couteau…

Je le vois à Drançy, dans la mosquée de mon ami, l’imam Hassen Chalghoumi. Le vendredi, les gens arrivent de partout, avec leur tapis. Ils s’installent et font ensemble la même prière. Ils arrivent seuls, mais d’un coup, ils ne le sont plus. Ils communient. Ils appartiennent à un groupe. Nous, les laïcs, nous n’avons pas su reproduire ça. On est dans un creux et je pense qu’on va s’en sortir grâce aux femmes.
« Le pape pourrait rendre possible le mariage des prêtres »

Il y a des femmes imams, des rabbines, des pasteures. Pas de femmes prêtres.

Le pape n’ira pas jusqu’à autoriser l’ordination de femmes. Mais avant sa mort, il pourrait rendre possible le mariage des prêtres. Permettre à un prêtre qui confesse d’avoir une femme à ses côtés, qui l’écoute, avec qui il parle des problèmes des hommes et des femmes. Cette révolution, qui serait extraordinaire, est la seule qui soit à sa portée.

Vous avez créé des collèges universitaires français à Moscou, Saint-Pétersbourg, Almaty. Vous entreteniez des relations très bonnes avec Vladimir Poutine. Qu’en est-il depuis que la Russie a envahi l’Ukraine ?

Je n’interviens pas dans le débat car je ne suis pas objectif. Je le reconnais. Ma famille a fui le ghetto de Varsovie et traversé le pays, vers l’Ouzbékistan, pour fuir les nazis. Les Russes nous ont sauvé la vie. Le 27 janvier 2022, j’ai fêté mon 86e anniversaire à Moscou. Vladimir Poutine m’a transmis ses félicitations en indiquant que celui qui ne regrette pas la disparition de l’Union soviétique, qui a su réunir 73 ethnies autour d’un même rêve, n’a pas de cœur. Mais celui qui voudrait la reconquérir n’a pas de tête. J’ai donc annoncé que la guerre entre la Russie et l’Ukraine n’aurait pas lieu. Je me suis trompé.

Où en est votre projet d’emmener une caravane pour la paix à Moscou et à Kiev ?

Je projette désormais, avec des représentants des différents cultes, catholiques, orthodoxes, protestants, musulmans, juifs et bouddhistes d’acheminer trois bateaux vers la mer noire, depuis la Turquie, via la Roumanie et Odessa, pour réclamer la paix. Je ne me fais pas d’illusion. On ne nous laissera pas passer. On va nous arrêter.

« La juive de Shanghai », Marek Halter, XO Éditions.

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