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L’effeuillage final de l’épouvantail iranien

L’effeuillage final de l’épouvantail iranien (info # 012505/19) [Analyse]

Par Michaël Béhé à Beyrouth © Metula News Agency

 

Ceux qui avaient des doutes quant à l’efficacité des sanctions américaines contre l’Iran, appuyées par le déploiement de moyens militaires importants à proximité du territoire gouverné par la théocratie de Téhéran devraient venir faire un tour au Liban. Ils se persuaderaient ainsi de leur productivité. C’est la milice chiite du Hezbollah, supplétive des ayatollahs, qui subit ici de plein fouet la diminution des moyens financiers de leur mentor perse.

 

Des centaines de combattants ont dû être démobilisés, les autres ont vu leur solde réduite considérablement et les nombreux media de la milice, à l’instar de sa chaîne de télévision al Manar [le phare], licencient à tout va.

 

C’est la conséquence directe de la diminution drastique des exportations de pétrole iraniennes, passées récemment de 2.5 millions de barils par jour à cinq cent mille avec la fin des exemptions temporaires d’importation accordées initialement par l’administration Trump à quelques pays, qui ont été résiliées il y a un mois environ.

 

La vente de brut constituait pour la dictature des mollahs la principale source de revenus et de très loin. Lorsque l’on sait que l’Iran possède la capacité théorique d’exploiter 6 millions de barils/jour, on peut se faire une idée précise de l’efficience des mesures décrétées par Washington, et il en va exactement de même avec le gaz naturel, dont l’Iran est théoriquement le quatrième exportateur mondial avec une capacité de production de 180 milliards de mètres cubes par an.

 

Certains pensaient que des pays braveraient la décision d’embargo prise par le gouvernement U.S. Ils méconnaissaient la puissance financière des Etats-Unis dont tout le monde est dépendant, qu’il s’agisse des adversaires ou des partenaires de l’Oncle Sam.

 

D’autres imaginaient que l’Europe, qui avait instauré une structure soi-disant destinée à poursuivre ses activités commerciales avec l’Iran en contournant les sanctions de l’Amérique, profiterait de l’absence des USA sur ce marché pour augmenter ses échanges avec la théocratie chiite.  

 

Mais le chiffre d’affaire de cette structure en trompe-l’œil est à ce point dérisoire qu’elle ne joue strictement aucun rôle pour contrer les décisions de Donald Trump. A cela trois raisons principales :

 

1. L’importance économique de l’Iran dans les échanges planétaires est minime, pour les entretenir elle ne vaut assurément pas de risquer de se couper des relations commerciales avec les USA et de s’exposer aux mesures de rétorsion annoncées par leur administration aux dépens des contrevenants.  

 

2. En Europe, les gouvernements décident et les grandes sociétés disposent. Or aucun consortium européen ne peut se couper de ses débouchés – et des fournitures – américains en risquant de se retrouver sur les listes noires de Washington, qui ne badine pas en la matière. Ainsi l’écrasante majorité des commandes d’Airbus annoncées à grands renforts de publicité par le gouvernement français, par exemple, resteront lettre morte. Faute de certains composants made in USA aucun avion commercial ne peut voler, non plus qu’en se coupant de la clientèle des compagnies aériennes de cet empire. A l’instar de l’avionneur européen, toutes les entreprises importantes du vieux continent, j’écris bien "toutes", ont décidé de cesser leur commerce avec l’Iran. En plus du manque à gagner, de la perte des frais de marketing, ces sociétés auront aussi à éponger les investissements massifs qu’elles avaient hystériquement effectués en Iran immédiatement après l’annonce de la conclusion de l’accord sur le nucléaire en 2015. Il est vrai qu’elles ne pouvaient pas prévoir l’élection de Donald Trump.

 

Pour PSA, qui tire un trait sur environ 444 600 voitures immatriculées en Perse en 2017, soit quasiment 15% de ses volumes mondiaux, et pour Renault, cette précipitation coûtera très cher. De même que pour le "supermajor" tricolore Total, qui avait entamé en juillet 2017 un colossal projet gazier au pays des ayatollahs et qui l’a évidemment interrompu.

 

3. Même le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a dû se résoudre à concéder que "les entreprises françaises ne pourront pas rester car elles ont besoin d'être payées pour les produits qu'elles livrent et fabriquent en Iran et elles ne peuvent pas être payées car il n'y a pas d'institution européenne financière souveraine et autonome".

 

En d’autres termes plus simples, le dollar et les outils bancaires américains sont toujours incontournables dans le commerce international.

 

Ces quelques informations font la lumière sur la situation du régime des ayatollahs et pas uniquement sur le plan financier mais également sur tout ce qui en découle. Or si l’Iran est à genoux, le Hezbollah est à plat ventre, et cela ne peut qu’empirer pour eux et remplir d’aise ceux qu’ils oppriment et menacent.    

 

En cette période, il ne faut pas avoir la mémoire courte, et cela pour affirmer le plus clairement possible qu’Obama et les 5+1 avaient tort sur toute la ligne et que leur équation simpliste "soit un accord minimaliste, soit la guerre" n’était rien d’autre qu’un subterfuge mensonger destiné à camoufler une option politique aussi inepte qu’injustifiable.

 

Donald Trump est en train de démontrer ce qu’à la Ména nous étions les seuls à crier sur les toits pendant quinze ans comme les chiens crient dans le désert : sans la guerre mais avec des sanctions économiques adaptées et une menace militaire implacable, il est possible d’obtenir ce que l’on veut de ce régime moyenâgeux, et même de s’en débarrasser en libérant du même coup le peuple persan qu’il opprime dans la plus extrême inhumanité.

 

Parce que l’Iran est comme un boxeur parvenu à l’ultime reprise en étant largement mené aux points : il doit absolument gagner le dernier round par K.O sinon il aura tout perdu. Et la "République" Islamique n’a absolument pas les moyens de remporter l’ultime reprise par K.O face à la détermination et la puissance de l’Amérique. Elle peut au maximum lancer des terroristes-suicides se tuer contre des pétroliers, faire envoyer par Houthis interposés quelques missiles balistiques antédiluviens sur des villes saoudiennes, cela n’aura aucune influence sur l’avenir du régime des cadets de Khomeiny. Le mieux qui peut encore leur arriver est qu’aucune de ces opérations ne se solde, par hasard, par un carnage, car la réplique de l’Amérique serait terrible, et toujours sans qu’elle n’ait à prendre le risque superflu dans sa position de suprématie absolue d’une guerre totale.

 

Tel le boxeur que j’ai évoqué, l’Iran multiplie les insultes, les gageures et les menaces, mais ses capacités réelles, déjà très réduites au début de la confrontation il y a très longtemps, s’amenuisent désormais rapidement, au rythme où ses dernières réserves pécuniaires s’épuisent. Bientôt, ce ne sera plus qu’un pantin désarticulé qui prend des coups décisifs et ne peut pas les rendre. Ce, jusqu’à ce qu’une banderille plus appuyée qu’une autre ne le mette au tapis pour le compte. A voir les uppercuts que les Israéliens lui infligent en Syrie chaque fois qu’ils en ont envie, on en est déjà là. En Syrie, le "score" entre les Hébreux et les Perses est de 7 000 morts à 0. C’est même plus affligeant que cela, malgré toutes leurs tentatives et leurs énormes sacrifices, aucun des projectiles de la dictature chiite n’a atteint le territoire israélien, pas même une balle de fusil…

 

Même la menace nucléaire qui terrifiait les 5+1 au point de se sentir obligés de conférer à Téhéran le statut de puissance régionale n’a plus lieu d’être et n’effraie plus personne. Les ayatollahs, en signe de rebuffade face à la dénonciation par Trump de l’accord et à celle, de facto mais pas moins intégrale de l’Europe, ont annoncé qu’ils allaient multiplier par quatre le taux d’enrichissement de leur uranium. Et alors ? Pour aller d’où ils se trouvent jusqu’à la bombe atomique, il leur faut des milliards de dollars qu’ils n’ont pas. Et quand bien même, par on ne sait quel miracle, ils se remettraient à faire tourner leurs centrifugeuses plus vite qu’avant, ils s’exposeraient à une frappe immédiate des Américains et des Israéliens sur leur usine enterrée de Fodow et sur le site de Natanz. Toujours pas à une guerre, à quelques raids bien sentis auxquels ils n’ont aucun moyen de s’opposer.

 

Ils n’ont pas d’avions, pas de missiles à même d’intercepter les bombardiers et les Tomahawk de leurs ennemis, pas de blindés et pas de marine. Et si d’aventure ils s’attaquaient aux porte-avions de la Navy dans le Golfe arabo-persique avec leurs bateaux de plaisance surmontés de mitrailleuses et leur paquebots antiques déguisés en destroyers, la confrontation ne durerait que quelques minutes.

 

Si, de plus, dans un geste suicidaire, ils lançaient sur les Américains et leurs alliés des missiles balistiques – les plus imprécis et peu fiables de la Planète -, ils s’exposeraient à leur dernier déluge. Car cela également constitue une règle stratégique élémentaire qu’il vaut mieux pour eux ne pas oublier : toute escalade militaire profite toujours au plus fort.   

 

Mon pays, le Liban, est toujours occupé par les supplétifs de Khamenei. Or nous sommes presque aussi pauvres que l’Iran et ne pouvons engager notre armée contre le Hezbollah au risque de déclencher une nouvelle guerre civile. Nous en sommes en fait à ne plus pouvoir payer les retraites de nos militaires.

 

Il est donc nécessaire d’attendre encore un peu, mais pour une fois le temps joue en faveur du Liban et du recouvrement de son autorité sur son territoire et de ses privilèges étatiques. Le gouvernement ne craint même plus de discuter frontalement avec les Israéliens afin de solutionner le problème des zones d’influence maritimes dans la Méditerranée où se trouvent d’importantes réserves de pétrole et de gaz naturel. De telles négociations directes, sous l’égide des Etats-Unis qui plus est, auraient été impensables il y a un an à peine et auraient déclenché la colère d’Hassan Nasrallah.

 

Le sous-secrétaire d’Etat américain pour le Proche-Orient, David Satterfield, qui mène la médiation pour régler le litige frontalier effectue des navettes entre Beyrouth et Jérusalem, et l’on fait état d’avancées spectaculaires pavant la voie à des rencontres directes.

 

Un général libanais a fait discrètement la proposition au Hezbollah de transférer toutes ses armes, toutes ses positions fortifiées, tous ses entrepôts de roquettes à l’Etat et de lui rendre tous ses privilèges souverains, comme celui de redevenir la seule force armée du pays et celui de décider de la paix ou de la guerre avec nos voisins. Il n’y a pas eu de réponse audible de la part de la milice chiite, mais on peut raisonnablement envisager que, dans quelques mois, elle n’aura plus les moyens financiers de rester un Etat dans l’Etat et de dicter sa conduite au gouvernement.

 

Pour rappel, un bombardement israélien des ateliers souterrains dans lesquels le Hezbollah tente de transformer ses roquettes en missiles demeure imminent. Des milliers d’habitants de la banlieue sud chiite de la capitale risquent leur vie à cause des explosions secondaires – pas celles provoquées par les missiles des avions, celles des munitions du Hezbollah. Israël a envoyé des SMS aux étudiants de l’Université Libanaise, aux patients de l’hôpital Saint George et au personnel diplomatique de l’ambassade d’Espagne, situés trente mètres au-dessus des entrepôts de bombes de la milice, pour les informer du risque qu’ils encourent.

 

Attention tout de même à ne pas brûler les étapes, les Iraniens en sont à sauver les apparences et à affirmer qu’ils n’envisagent pas d’abandon de leurs objectifs déclarés. A savoir l’annexion de fait du Liban, leur présence en Syrie, en Irak et au Yémen, et l’envoi d’armes et de personnels aux Hezbollah et à leurs autres alliés nécessaires à la conduite de cette politique.

 

Depuis trois mois l’Iran construit même un terminal militaire sous son contrôle et celui de ses supplétifs chiites irakiens à Abou Kamal en Syrie, sur la frontière avec l’Irak. Les images satellitaires d’ImageSat International (ISI) montrent l’avancement des travaux d’un "pont terrestre" faisant partie de l’ "Autoroute iranienne" conduisant d’Iran à la Méditerranée.

 

Il semble toutefois que les Israéliens attendent simplement que la structure soit achevée pour la détruire, les Gardiens de la Révolution ne possédant pas les moyens de la défendre contre l’Aviation des Hébreux. Il est plus plausible de penser que cette réalisation somme toutes modeste soit destinée à donner le change aux Américains et surtout à la population, à l’Armée, aux Basij (les SA, la Sturmabteilung de la théocratie), aux opposants iraniens, aux peuples soumis et aux Israéliens. Afin de tenter de leur faire croire bien naïvement que la "République" Islamique demeure une puissance régionale et qu’elle n’a rien perdu de sa capacité de nuisance. En fait d’autoroute iranienne, les pilotes israéliens auraient 900km et trois jours pour anéantir les convois routiers transportant des Pasdaran et des armes de contrebande au lieu de trois heures par avion. Voilà qui va leur rendre la tâche "difficile", y a-t-il des volontaires pour conduire ces camions ?

 

En rédigeant cet article j’apprends que Donald Trump a décidé d’envoyer 1 500 soldats supplémentaires [il y en a déjà 50 000 dans le Golfe. Ndlr.] face à l’Iran. Pas pour faire la guerre mais pour la rendre superflue. Pour faire en sorte que le régime oppressif des khomeynistes n’ait plus que deux options : disparaître ou disparaître.

 

Aujourd’hui, on fête au Liban le 19ème anniversaire de la "libération du Liban-Sud", suite au retrait volontaire et unilatéral israélien de mai 2000. Les deux Aoun, Joseph, le commandant en chef de l'Armée libanaise, et Michel, le président de la République, vantent en cette occasion la lutte et la résistance du peuple libanais contre l’envahisseur sioniste. Michel Aoun a affirmé que la commémoration du 25 mai "est une preuve vivante que la volonté des peuples l'emporte toujours sur les difficultés, l'injustice et l'occupation".

 

En voilà un qui a bien de la chance que le ridicule ne tue pas. En privé il vous expliquera qu’il s’agit d’une stratégie destinée à endormir la vigilance du Hezbollah en adoptant son narratif débile. Mais en privé, Michel Aoun avait également promis au rédacteur en chef de la Ména qui était alors son conseiller qu’il serait son premier invité au palais de Baabda le jour où il deviendrait président du Liban et qu’il serait LE président qui fera la paix avec Israël.

 

L’avantage d’avoir un chef de l’Etat menteur consiste en cela que toutes les hypothèses restent toujours envisageables, même celle de vivre dans un Etat libre, indépendant évoluant en paix avec ses voisins et se préoccupant du bien-être de ses habitants. Même si, dans notre cas, cela advient l’un de ces jours prochains, ce ne sera pas la conséquence de la "lutte et de la résistance", ni même de leur traduction en libanais, c’est-à-dire l’occupation de notre pays par l’Iran et sa milice terroriste supplétive, mais de l’adoption d’une stratégie conséquente et sachant tirer parti de la puissance des Etats-Unis par le président de ce vrai pays, plus que jamais fer de lance du monde libre.

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