Le billet de Bruno Halioua - L’insoutenable addiction à la haine antisémite
Pour comprendre la nature insidieuse de l'antisémitisme, sa mutation en antisionisme et la rapidité avec laquelle il se répand, certains évoquent la métaphore de l'infection. Pour ma part, je préfère y voir une véritable addiction. Comment ne pas y penser en observant ce besoin irrésistible qu’ont certains responsables politiques ou associatifs de ne parler matin midi et soir que d’Israël qu’ils associent de manière systématique à des termes tels que génocide, épuration ethnique ou apartheid ? L’éructation de ces mots est prononcée avec une gestuelle significative : un rictus jubilatoire, un regard en transe, et surtout un mouvement extatique du cou de droite à gauche – évoquant les chiens sur la banquette arrière des voitures. Tout cela semble traduire une jouissance manifeste, partagée avec des aficionados galvanisés qui diffusent dans un élan jubilatoire sur les réseaux sociaux les images de leurs idoles. À l’instant précis où ils expriment leur haine d’Israël, ils se sentent audacieux, glorieux, presque héroïques, convaincus d’être les porte-étendards des valeurs modernes. Leur satisfaction est palpable, un bonheur singulier qui accompagne, comme un fil rouge, l’antisémitisme sous couvert de critiques d’Israël. Ils trouvent là un prétexte à exprimer, implicitement ou explicitement, leur haine des Juifs. Ces antisionistes deviennent ainsi des Monsieur Jourdain de l’antisémitisme : ils diffusent une pensée antisémite sans toujours en avoir conscience, ou en feignant de l’ignorer.
À l’instar d’une addiction, l’antisémitisme procure un plaisir – mais uniquement à ceux qui s’y adonnent. Il n’est donc pas surprenant qu’il s’enracine profondément, car chacun sait que les addictions poussent les individus à répéter ce qui leur procure du plaisir. Ainsi, les propos antisémites se multiplient et se reproduisent, que ce soit dans les discours parlementaires, sur les ondes, ou lors de manifestations. Les Juifs deviennent systématiquement la cible privilégiée pour justifier les maux de la société, alimentant une colère qu’ils ne cessent de cristalliser.
Comme une drogue, l’antisémitisme crée une dépendance savamment entretenue par les dealers de haine antisémites qui sévissent dans les réseaux sociaux mais aussi dans les universités. Les chiffres astronomiques de tweets haineux en témoignent : plus cette addiction s’exprime, plus elle tend à se répéter, à s’amplifier. Rien ne semble intéresser ces addicts à la haine d’Israël, si ce n’est de tweeter inlassablement et inexorablement les crimes supposés de Tsahal, et, par ricochet, des Juifs. Et comme pour toute dépendance, le besoin augmente jour après jour : il ne s’agit pas seulement de répéter, mais d’intensifier la dose de haine. Ce qui suffisait hier ne procure plus le même plaisir aujourd’hui. Ainsi, après avoir accusé (faussement) les Juifs d’avoir volé des terres arabes, les antisionistes affirment désormais qu’Israël perpètre un génocide intentionnel contre les Palestiniens – une accusation tout aussi infondée.
Cette addiction à la haine d’Israël offre d’autres gratifications : le sentiment grisant d’être « du bon côté de l’Histoire » et celui, euphorique, de se croire courageux en prétendant « dire la vraie vérité » que tout le monde devrait accepter. Toute contradiction devient impossible, car le moindre débatteur est immédiatement accusé d’être un génocidaire. Pourtant, comme toutes les addictions, celle à la haine d’Israël – et par extension des Juifs – est profondément destructrice. Non seulement elle blesse ses victimes, mais elle détruit également ceux qui s’y livrent, aveuglés par une agressivité qui les aliène davantage, les enfermant dans une exaltation dévorante.
Dr Bruno Halioua, Président de l’Association des Médecins Israélites de France (AMIF)
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