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La conférence d'Évian sur les réfugiés juifs

La conférence d'Évian sur les réfugiés juifs

 

Le 6 Juillet 1938, s'ouvrait à Évian une conférence internationale sur l'accueil des réfugiés juifs fuyant l'Allemagne et l'Autriche. Les négociations aboutirent à un refus unanime des grandes puissances d'ouvrir plus largement leurs frontières.

Elle a gagné le nom de «conférence de la honte»*. Du 6 au 15 juillet 1938, à l'initiative du président américain, une réunion intergouvernementale se tient à Évian avec les représentants de 32 pays. Leur objectif: trouver une solution à l'arrivée massive des immigrants juifs persécutés en Allemagne et en Autriche. Aucune décision tangible ne sera prise tandis que les nations égrèneront, les unes après les autres, les raisons de leur incapacité à offrir l'asile aux réfugiés.

La rencontre se déroule à huis clos, dans la cité thermale de Haute-Savoie après le refus de la Suisse de l'accueillir sur son territoire. L'Allemagne n'est pas invitée, l'Italie, en solidarité, se désiste. Elle est présidée par le Français Henry Bérenger, président de la commission des affaires étrangères du Sénat. Pour ne froisser personne le mot «juif» n'est jamais prononcé officiellement. On lui préfère celui de «réfugié politique». La presse suit le même mouvement. Elle fait rarement sa une sur l'événement se contentant de rendre compte des différentes déclarations officielles. Presque aucun article ne se penche sur le sujet excepté les pamphlets antisémites de l'Action française. Et les propos dans Le Journal d'un vieil académicien, Louis Madelin, qui exhorte la France à «parler ferme»: «Il faut que la France, sans renoncer à ses traditions d'hospitalité généreuse, sache voir clair et parler ferme. Que les éléments étrangers qui nous envahissent se répartissent sur toutes les nations où règne encore le respect du malheur.»

Signalons tout de même le journal Paris-Soir qui, le 8 juillet, publie «en marge de la conférence d'Évian» un reportage sur un groupe de réfugiés juifs chassés d'Autriche. Ils survivent sur le Danube dans un vieux chaland alors que tous les pays leur refusent l'entrée. «Ils flottent entre les nations hostiles, sans patrie, sans nationalité» s'alarme le journal.

L'espoir était pourtant de mise quand, le 24 mars 1938, quelques jours après l'annexion de l'Autriche par Hitler, le président Roosevelt, alerté par la communauté juive américaine, proposait de lancer une initiative internationale. Ainsi, le 6 juillet, le délégué américain, ouvre la conférence par ces mots: «Nous avons à faire face à une émigration forcée créée artificiellement par les pratiques gouvernementales de certains pays et qui déverse sur le monde une grande quantité d'émigrants qui doit être absorbée dans des circonstances anormales et sans égard aux conditions économiques.»

Le dénuement des Juifs, dépossédés de leurs biens par les nazis, est le problème saillant soulevé par la communauté internationale. «Le moins qu'on puisse exiger, écrit Le Journal des débats le 9 juillet, c'est que le Reich laisse quelques ressources aux gens qu'il met ainsi à la charge des autres.»

Un à un, les pays se défaussent. Ainsi, on peut lire dans Le Figaro le 8 juillet que «les délégués du Brésil, de la Belgique, de l'Argentine et des Pays-Bas tout en manifestant une certaine sympathie à l'égard du projet, ont tenu à faire des réserves sur la capacité d'absorption de leur pays respectif.» Plus loin: «Le gouvernement fédéral australien désire réserver ses possibilités d'immigration pour des émigrants de race britannique.» La France avait pour sa part déjà fait part de sa quasi-saturation l'empêchant d'intégrer de nouveaux arrivants. Quant aux États-Unis, ils refusèrent d'augmenter leurs quotas d'immigration.

La réunion aboutit à la création d'un Comité Intergouvernemental sur les Réfugiés. Sa mission, très floue, est d'entreprendre «des négociations en vue d'améliorer l'état de choses actuel, et de substituer à un exode, une émigration ordonnée.» Le délégué américain Myron C. Taylor, conclut qu'il est «essentiel que les émigrants puissent quitter leur pays avec leurs biens et que par conséquent, une collaboration soit établie avec les pays d'origine.» Recommandation vaine, ce que les lecteurs devaient bien comprendre. En parallèle du compte rendu des discussions d'Évian, se multiplient dans les colonnes du Figaro les articles sur les nouvelles mesures contre les Juifs prises par le gouvernement nazi. Étrange cohabitation où les deux informations semblent ne jamais se rejoindre.

La presse allemande ne pourra que se gausser en soulignant que la communauté internationale prompte à dénoncer l'Allemagne pour le traitement imposé aux Juifs, se refuse pourtant à les accueillir.

Au mois d'août, le Comité sur les réfugiés se réunit à Londres, sans avancée notable. Le pogrom de la «Nuit de Cristal» en novembre 1938, n'infléchira pas la position des grandes puissances qui garderont leurs frontières closes. S'il finit par disparaître dans les limbes, il est cependant considéré comme un ancêtre du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), créé en 1950.

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