La crise financière à travers le prisme des religions
Les éditeurs du Rapport moral sur l’argent dans le monde ont sollicité des auteurs appartenant aux grandes traditions monothéistes pour qu’ils livrent leur interprétation de la crise.
Son originalité cette année, est d’avoir aussi sollicité des membres – et non pas des représentants – des trois grands monothéismes pour leur demander de livrer leur interprétation de la crise financière de 2007-2008 dont les économies occidentales subissent encore les effets. Le christianisme est représenté dans sa diversité, avec, sur les huit contributions, trois émanant de catholiques, une de protestants réformés, et une d’un orthodoxe. Chaque année, le rapport moral sur l’argent, édité par l’Association d’économie financière avec le soutien de la Caisse des dépôts, fournit une large synthèse des grands débats qui ont marqué récemment le monde de la finance. L’édition 2013 revient sur les évolutions récentes du secteur, notamment les nouvelles régulations et les outils de lutte contre les délits financiers, et questionne les règles de gouvernance, de rémunération, de représentations des salariés (1).
LES ORIGINES MORALES DE LA CRISE
Au-delà des différences d’approche et des insistances propre à chaque tradition religieuse, un accord de fond se fait jour pour affirmer que la crise ne se résume pas à des causes uniquement économiques ou politiques mais qu’elle a une origine avant tout morale. Ce n’est donc pas la finance en tant que telle qu’il faut condamner mais ses abus, souligne Pierre de Lauzun. Pour ce catholique, directeur général délégué de la Fédération Bancaire Française, « le problème central que pose notre système économique n’est donc pas seulement le fonctionnement même des circuits d’argent, mais le système de valeur collectif ».
Les diverses traditions sont aussi d’accord pour voir dans la crise financière une conséquence d’un individualisme exacerbé, du court-termisme, de la déconnection entre l’économie réelle et les marchés financiers… « Nous sommes aujourd’hui (…) en présence d’une véritable crise “systémique’’ qui comporte aussi, au-delà des aspects économiques et financiers de fortes composantes d’une crise morale, éthique et spirituelle », estime Carol Saba qui expose sa vision de chrétien orthodoxe. Le P. Antoine de Romanet, codirecteur du département de recherche « Société, Liberté, paix » au Collège Bernardins n’hésite pas à parler de « crise de civilisation qui met en cause l’homme dans son rapport à lui-même ».
RUPTURE DU LIEN PERSONNEL DÉBITEUR-PRÊTEUR
Dans l’ensemble, ces interventions restent à distance des pratiques et des instruments du monde financier. Frédéric Bompaire et Jean-Pierre Pinatton, réformés, soulignent néanmoins que les nouveaux produits financiers, notamment à travers la titrisation, ont définitivement rompu le lien personnel entre débiteur et prêteur, diluant du même coup la responsabilité de tous les acteurs concernés.
Mounir El Kadiri et Shaykh Tarik Bengarai présentent chacun de son côté les biens fondés de la finance islamique, la proposant comme base de travail « pour moraliser l’économie et la rendre au service de l’homme ». Parmi les contributeurs, seul Élie Chamma, qui présente un point de vue juif, prend le risque de se prononcer sur le renforcement des contrôles dont il est question dans la première partie du rapport. Il ne cache pas son pessimisme : la régulation « ne traite que les symptômes, pas les racines du problème ».
Dominique Greiner
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