La disparition de Margaret Aflalo

La disparition de Margaret Aflalo

Par Laëtitia Enriquez - Actualite Juive

Elle était derrière Piroulie, le blog français de cuisine cachère sans doute le plus connu et le plus apprécié à travers le monde. Son décès a plongé tous ceux qui la connaissaient, directement ou à travers ses recettes dans un profond chagrin. Portrait d’une femme exceptionnelle partie trop tôt.

Rares sont celles – et ceux – qui ne sont jamais allés faire un tour sur le blog de Piroulie avant de passer aux fourneaux. Piroulie, blog de pâtisseries et gourmandises cachères était une référence en matière de cuisine juive. Derrière cette douce appellation, souvenir d’une friandise qu’elle dégustait au Maroc dans son enfance, se trouvait Margaret Aflalo, une mère de cinq enfants, grand-mère et professeur de mathématiques dans les écoles orthodoxes Yad Mordek’haï et Emet Le Yaacov. Une femme profondément humble, gourmande de la vie et généreuse qui s’en est allée, à l’âge de soixante-et-un ans. 

Cherchant initialement à partager ses recettes avec sa fille aînée Anaëlle, installée en Israël, Margaret Aflalo avait eu l’idée, il y a une dizaine d’années de créer un blog, sur lequel toutes ses amies pourraient aussi trouver les recettes qu’on lui demandait sans cesse. Au fil du temps, piroulie.canalblog a fait des adeptes. Un succès hautement justifié. Toutes les recettes, publiées pendant longtemps au rythme de plusieurs par mois, sont expliquées avec précision, assorties de photos authentiques qui donnent envie d’y goûter, de conseils judicieux et de bonne humeur. 

A l’approche de chaque fête juive, Margaret Aflalo ne manquait pas d’en rappeler les raisons, les règles les coutumes et les plaisirs de la table qui les accompagnent. Il suffit de consulter le récapitulatif de ses recettes de Pessah, de Pourim et même de la semaine de Tisha Be Av (pendant laquelle on ne mange pas de viande) pour comprendre la générosité et le savoir-faire de cette cuisinière hors pair qui avait le don de rendre tout accessible.

« Ses introductions sur les fêtes étaient aussi une façon de présenter et d’expliquer le judaïsme au-delà de la communauté », ajoute aussi Yehiel, son gendre. De même, rappelle-t-il, « elle a, par le biais de son blog, donné envie à des tas de personnes de manger cacher ». Et de célébrer les repas de shabbat et de fête comme il se doit aussi. Ses explications sur le façonnage des Halot, à partir de différents pâtons de pâte à modeler de couleurs différentes ont permis à nombre de cuisinières de non seulement s’acquitter de l’une des trois Mitzvot qui leur incombent mais aussi de réaliser des pains absolument merveilleux.

Une référence de la cuisine juive
La gestion de son site aurait pu – dû ! – lui prendre tout son temps. Or, il ne s’agissait là que d’une de ses multiples activités. 

« C’était une professeur exceptionnelle », rappelle Hannah Dahan, une de ses anciennes élèves devenue enseignante. « Elle trouvait toujours le bon mot pour encourager et nous permettre de croire en nos capacités. Son investissement auprès de chacun de ses élèves était tel que tout le monde obtenait d’excellentes notes à l’épreuve de maths du Baccalauréat, même ceux qui n’avaient pas la moyenne le reste de l’année ».
« Elle ne se rendait même pas compte de tout ce qu’elle donnait », ajoute encore Hannah Dahan. Ce que confirme Vanessa Azoulay Fedida, fondatrice en 2010 du fameux groupe PNRSS (Partageons nos recettes sucrées et salées) sur Facebook et qui était son amie. « Lorsque Margaret a rejoint le groupe, un an après sa création, elle était déjà réputée parmi les bloggeuses culinaires. Elle était toujours disponible pour chacun, répondait instantanément à chaque question, rassurait à chaque hésitation et poussait chacun d’entre nous vers le haut et vers le positif. Elle était extrêmement généreuse et à l’écoute, de sa famille bien évidement et de tous ceux qui la sollicitaient ». 

« Je suis désolée mais je ne peux pas publier de nouvelles recettes pour Pourim cette année car je n'arrive pas pour le moment à cuisiner », avait-elle tout simplement écrit en février dernier. Ses milliers de lecteurs ont ensuite guetté l’arrivée d’une nouvelle recette comme un signe d’amélioration de son état. Depuis Pessah, Margaret Afflalo n’avait plus rien publié. Elle est partie chabbat 18 juin, une semaine après Chavouot, fête pour laquelle elle proposait chaque année plusieurs recettes de gâteau au fromage, son gâteau préféré. Et deux jours avant l’épreuve de mathématiques du Baccalauréat.