La France accepte mal les femmes rondes
Par Clémentine Desseaux
Candice Huffine fait partie des douze naïades à figurer sur le prestigieux et très sexy calendrier Pirelli. Sa particularité ? Elle est mannequin grande taille. Pourquoi les Français ont-ils encore du mal à accepter les rondeurs dans la mode ? Une particularité très française selon Clémentine Desseaux, elle aussi mannequin grande taille.
Édité et parrainé par Louise Auvitu
Je n’ai jamais vraiment pensé que plus je serai mannequin grande taille.
Les gens n’arrêtaient pas de me dire : "T’as un joli visage". C’était, il y a cinq ans. Je les écoutais, d’une oreille un peu distraite, et puis je me suis dit pourquoi pas moi ?
Après tout, avoir un joli visage dans la mode, c’est un avantage. Et puis, les formes, ce n’est pas si mal. Regardez le dernier calendrier Pirelli, ils ont bien fait appel à mon amie Candice et elle est tout simplement splendide.
Je suis fière qu’un calendrier aussi prestigieux que celui-ci laisse enfin sa chance à des mannequins grande taille. C’est la preuve que la mode est prête à nous faire un peu de place, même si je suis consciente que cette initiative reste plutôt confidentielle.
Jeune, j'étais complexée par mon corps
Quand j’étais jeune, j’étais plutôt du genre complexée. Grande, ronde, avec des formes voluptueuses dirait-on, j’avais tendance à attirer l’œil pour de mauvaises raisons. On me remarquait trop et ça me mettait mal à l'aise. J’ai souvent rêvé d’être transparente.
J’ai tout essayé pour perdre du poids, multiplier les régimes, fait du sport, etc. En vain. J’ai lâché l’affaire et je me suis dit que je pouvais percer telle que j’étais. Progressivement, j’ai appris à m’accepter.
À l’époque, les mannequins grande taille étaient peu prisées. Il y’en avait bien une ou deux dans le magazine de "La Redoute", mais ça s’arrêtait là. Je les trouvais magnifiques.
Avoir de "jolis traits"
Alors, j’ai commencé à passer quelques castings en France. J’ai finalement décroché un contrat pour Castaluna. Peu après, j'ai déménagé à Miami.
Dans la mode française, vous êtes mannequin grande taille quand vous faites plus d’un 34 ! Ce qui est totalement aberrant quand on sait que la femme moyenne française fait un 40 et l’américaine un 44.
Malheureusement, les jobs pour les mannequins grande taille sont très rares en France. À l’inverse des États-Unis. Il y a une sorte de tabou que je ne comprends toujours pas.
J’aime mon visage, et je remercie mes parents pour ça ainsi que les compliments qu’on a pu me faire dessus. Mais à force de me dire que j’ai de "jolis traits", j’ai compris qu’en France, on ne me dirait jamais que j'ai de "jolies fesses". Parfois, j’aimerais bien.
À Paris, les gens me dévisagent
Il y a 3 ans, j’en ai eu marre de la vie parisienne, de feuilleter le "Vogue Paris" et de voir que seule les minces avait le droit d’y apparaître. Je suis donc partie m’installer à Miami, puis il y a un peu moins d’un an à New York. Depuis les contrats et shootings s’enchaînent. J’en fais en moyenne deux par semaine.
À chaque fois que je rentre sur Paris, le stress remonte. Je sais que les filles vont me toiser de haut en bas dans le métro, que les mecs vont me sortir quelques blagues sexuelles graveleuses. Cette fois pas questions de baisser les yeux, la tête haute et vêtue de mes plus beaux atouts (style, courbes et sourire) je me prépare a affronter les rues de la capitale de la mode !
Quand je raconte ça à mes copines américaines, elles sont toujours hallucinées. Elles ne comprennent pas que mes rondeurs soient si mal acceptées en France. Elles se disent que nous les mangeurs de fromages et de grenouilles on est forcément tolérant.
J’ai appris à accepter mes formes
Là-bas, personne ne vous juge pour vos rondeurs, elles sont même appréciées. Je sais que je plais aux garçons. Une attitude qui m’a permis de prendre confiance en moi. Le regard des autres m’a permis de m’accepter telle que je suis.
J’ai aussi appris à regarder les filles d’une autre façon. Ce n’est pas parce que vous êtes modèle que vous êtes parfaite. Certaines ont de long nez, d’autres de petites jambes ou encore des pommettes trop saillantes, etc., bref, toutes les femmes ont des défauts.
Aux États-Unis, il n’est pas rare de voir des mannequins grande taille dans les plus prestigieux magazines comme "Vogue", "Elle", "W", "CRfashionbook" … Je suis persuadée que cette tendance viendra en jour en France. Et j’espère qu’elle commencera avec moi !
On cherche à nous photographier nues
Aujourd’hui, il m’arrive de refuser certains shootings en particulier lorsqu’il s’agit de poser nu.
Je n’ai rien contre la nudité, j’en ai déjà fait, mais certains photographes recherchent trop souvent à mettre les mannequins grande taille dans leur plus simple apparat.
Ils aiment non rondeurs, nos "formes voluptueuses", nos bourrelets, nos seins, nos longs cheveux qui cachent certaines parties du corps comme si nous étions des déesses énigmatiques.
Je ne suis pas que ronde, je suis aussi une "face" et j’ai un sens du style bien développé !
"Qu’est-ce que je dois faire pour changer ?"
Depuis que j’ai créé mon blog, je reçois tous les jours des emails de jeunes filles complexées. Je comprends ce besoin d’en parler avec quelqu’un qui vit ou a vécu la même chose. J’adore papoter avec elles et je les invite à continuer à m’envoyer leurs messages.
La plupart me pose toujours cette étonnante question : "Qu’est-ce que je dois faire pour changer ?"
Je leur réponds la même chose à chaque fois : il n’y a pas de solution miracle L’essentiel n’est pas de changer, mais de trouver ce qui les rendra heureuse comme elles sont.
Propos recueillis par Louise Auvitu
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