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La grenade, un fruit royal

La grenade, un fruit royal

Par TOBEY YANAI

 

Depuis toujours, la grenade est un motif très populaire de l'art juif, Judaïca. Sa forme décorative et sa couronne royale se prêtent aisément à l'ornementation architecturale et au design d'intérieur. L'harmonie de ses formes illustre à merveille la notion de royauté, thème central des fêtes de Rosh Hashana, où toutes les nations célèbrent le Créateur, roi. Ses couleurs chatoyantes et sa signification biblique inspirent les artisans juifs depuis des milliers d'années.

La grenade occupe une place prépondérante dans les œuvres d’Eliezer Sussmann, dans les années 1700. Rouge grenade : feu et passion La grenade est riche en symboles. Elle apparaît à de nombreuses reprises dans la Bible. Les explorateurs, envoyés par Moïse en Terre sainte, rapporteront des grenades, preuve d'abondance.

Le fruit est également l'une des sept espèces associées à la terre d'Israël. "Un pays qui produit le blé, l'orge, le raisin, la figue et la grenade, un pays d'olive oléagineuse et de miel." (Deutéronome 8). La grenade et les sept espèces ont longtemps constitué les sources de l'art populaire juif, tantôt peintes, tantôt gravées, tantôt sculptées sur des matériaux divers et variés, nobles ou moins sophistiqués.

Dans le Cantique des Cantiques, la grenade illustre l'amour et la sensualité. Sa couleur est associée au feu et à la passion. Les versets du livre de l'Exode (chapitre 28, 33-34) vont jusqu'à préciser que le fruit doit être tissé sur l'ourlet de la robe portée par le Grand Prêtre juif. "Des grenades de fils bleus, pourpre et écarlates, autour de l'ourlet de la robe, avec des cloches d'or entre eux."

De même, dans Jérémie : "La hauteur de l'une des colonnes était de dix-huit coudées, et un cordon de douze coudées l'entourait ; elle était creuse, et son épaisseur avait quatre doigts ; il y avait au-dessus un chapiteau d'airain, et la hauteur d'un chapiteau était de cinq coudées ; autour du chapiteau il y avait un treillis et des grenades, le tout d'airain ; il en était de même pour la seconde colonne avec des grenades. Il y avait quatre-vingt-seize grenades de chaque côté, et toutes les grenades autour du treillis étaient au nombre de cent." L'importance de la grenade dans le judaïsme est en outre amplifiée par son apparition sur des pièces de monnaies anciennes, entre 66 et 73 de l'ère vulgaire qui portaient l'inscription hébraïque "Jérusalem la Sainte". Aujourd'hui, elle est gravée au dos de la pièce de deux shekels et sur les timbres.

Au Moyen Âge, il était d'usage de décorer le dessus des deux bois qui portent le rouleau de la Torah. Avec le temps, ces ornements sont devenus plus élaborés. L'exemple le plus parlant est celui de la reproduction des colonnes du Temple, ornées de la goûteuse création. Guidés par la volonté "d'embellir les mitsvot", les artisans juifs ont toujours cherché des matériaux de luxe. L'art de la tapisserie, destiné à la haute bourgeoisie et à la noblesse, s'est répandu en France au 15e siècle. L'utilisation de différents fils permet un subtil et complexe jeu de couleurs et de lumière. Les nuances des grandes tapisseries sont comparables à celles appréciées dans les peintures classiques. Ces précieuses pièces de tissus étaient utilisées pour recouvrir l'Arche sainte de la Torah et l'armoire qui lui est consacrée. L'art de la broderie s'est imposé aux artistes juifs. Ces derniers se plaisent à utiliser des fils d'or et d'argent et des pierres semi-précieuses pour travailler les textiles destinés aux cérémonies religieuses.

Les communautés d'Europe centrale et d'Europe de l'Ouest comptent nombre de brodeurs professionnels, spécialisés dans le travail minutieux sur des fonds de velours et de soie. Et partout, les grenades ont une place de choix. Un rare exemple de ce qui peut-être admiré sur le plafond de la synagogue de Horb, dans le sud de l'Allemagne, est désormais exposé au Musée d'Israël.

L'artiste, Eliezer Sussmann, aurait peint les murs en bois d'au moins sept synagogues de Bavière, entre 1732 et 1742. L'une de ses œuvres, notamment, représente un panier débordant de fruits et de plantes qui rappellent les quatre espèces utilisées lors de la fête de Souccot. Une autre de ses peintures : un paysage de Jérusalem. D'autres formes d'art, toutefois, réservent une place d'honneur à la grenade. Le verre comme matériau artistique, a trouvé son origine dans l'art juif. Le vitrail est encore largement apprécié. L'histoire de la verrerie peut remonter jusqu'à 3 500 ans avant l'ère vulgaire. La technique du sablage a été brevetée aux Etats-Unis en 1870. Il s'agit d'un procédé de dépolissage et de gravure obtenue par projection d'un jet de sable très puissant sur un objet verrier. Les grains de sable créent des petites cavités et permettent d'obtenir un effet dépoli ou satiné, d'écrire et de dessiner des motifs sur le verre et même de le percer et de le sculpter.

Les nuances sont obtenues grâce à différentes profondeurs d'angles et de coupes. Les artistes juifs continueront à façonner des objets d'art et à servir la mode, pour les générations à venir, inspirés par le fruit royal de la saison : la majestueuse grenade. Quant aux plus jeunes, ils continueront, cette année encore, à la table de Rosh Hashana, de compter les graines contenues dans une grenade. Le fruit est en effet connu pour ses 613 graines, nombre de commandements divins, positifs ou négatifs, qu'il incombe à chaque Juif de respecter.

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