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La ligne rouge ou la guerre, par Stephane Juffa

La ligne rouge ou la guerre (info # 010409/12) [Analyse]

Par Stéphane Juffa ©Metula News Agency

 

Laurent Fabius, le ministre français des Affaires Etrangères, a mis en garde Israël, sur la chaîne TV BFM, contre une attaque visant les installations nucléaires iraniennes, considérant qu’une telle opération serait "contre-productive".

 

M. Fabius a précisé qu’il était catégoriquement opposé à ce que la "République" Islamique possède des armes atomiques, mais que, "malheureusement", une action israélienne permettrait à Téhéran de se poser en victime, et que cela serait au détriment de l’Etat hébreu.

 

Parlant de ce qu’il préconise, il s’est affirmé favorable à un accroissement des sanctions internationales, tout en continuant à négocier avec les ayatollahs afin de les faire plier. Le ministre a affirmé que le nouveau train de restrictions, appliqué depuis juillet et comprenant un embargo américain sur les exportations de brut, commençait à porter ses fruits.

 

Nombre de responsables politiques occidentaux tiennent le même discours que M. Fabius. Malencontreusement, celui-ci nous semble déconnecté des exigences de la réalité, et notamment des nouvelles qui se multiplient, en provenance de l’AIEA et des services de renseignement alliés, qui démontrent toutes que l’Iran se situe dangereusement proche de ce qu’il faudrait "catégoriquement" éviter.

 

Il existe un grand péril dans le fait de rêver à haute voix de ce que l’on aimerait qu’il se produise, alors qu’il est facile, pour un responsable européen, de se convaincre que cela n’est pas le cas.

 

A quoi bon deviser sur d’hypothétiques négociations, tandis qu’un nouveau cycle de discussions avec les Perses s’est achevé dernièrement, aboutissant à la certitude que le régime d’Ahmadinejad n’entendait même pas entrer sérieusement en matière sur la question de son armement nucléaire.

 

Il s’agit d’un jeu d’autant plus dangereux, que l’on a observé que Téhéran mettait simplement à profit les tentatives de règlement diplomatique de la crise pour gagner du temps, tout en augmentant la cadence de ses efforts en vue d’obtenir la Bombe.

 

Témoin ces derniers rapports faisant état du doublement du nombre des centrifugeuses de dernière génération, installées dans le ventre de la montagne de Qom, pour le porter à sept cents unités.

 

Et les efforts en question se sont encore accélérés depuis l’introduction des nouvelles sanctions – n’en déplaise à Laurent Fabius – en juillet.

 

Quant aux risques que courrait le monde civilisé en cas de succès du programme nucléaire militaire des mollahs, nous les avons souvent détaillés dans ces colonnes. Ils sont si importants qu’ils pourraient changer la face du monde, le rendant ingérable, et le poussant irrémédiablement dans la direction de l’Armageddon. Il me semble également que plusieurs Etats, et non des moindres, persistent à ne pas assimiler pleinement les retombées d’une telle situation, et qu’ils se bercent toujours de l’illusion que même un Iran nucléarisé demeurera contrôlable, que ce sera certes désagréable, mais que cela ne conduira pas à la fin du monde.

 

Il est à ce titre regrettable que les responsables de ces pays n’aient pas pris connaissance du document rédigé par les analystes Anthony H. Cordesman et Adam C. Seitz. Un rapport dont mon ami Jean Tsadik nous avait déjà entretenus, et qui décrit dans les moindres détails à quoi ressemblerait la planète, au cas où M. Fabius se tromperait dans ses estimations.

 

L’étude en question– en langue anglaise - Iranian weapons of mass destruction (les armes iraniennes de destruction massive), Strategic and warfighting implications of a nuclear armed Iran (les implications stratégiques et militaires d’un Iran possédant des armes nucléaires) est publiée par The Center for Strategic and International Studies (le Centre d’Etudes Stratégiques et Internationales).

 

C’est un institut washingtonien connu pour son réalisme et son indépendance politique. Quant aux auteurs, ils comptent assurément parmi les experts les plus respectés dans notre domaine d’activités.

 

Le rapport fait 62 pages, et je conseille vivement à tous ceux qui entendent connaître précisément les tenants et les aboutissants de la crise actuelle de ne pas se satisfaire des rumeurs de café du commerce et de le lire.

 

En ce qui concerne les responsables politiques, je considère que cela participerait d’une démarche irresponsable de ne pas le faire.

 

Lorsque l’on appréhende la menace dans ses justes proportions, l’on saisit naturellement les craintes de Messieurs Ehud Barak et Binyamin Netanyahu au sujet d’un Iran nucléaire. L’on comprend aussi les raisons qui les engagent à envisager une solution militaire et à préparer leurs concitoyens à cette éventualité.

 

On réalise par là même qu’Israël n’est pas l’unique Etat concerné par la nucléarisation de la "République" Islamique, mais que les autres pays occidentaux le sont tout autant. Les singularités de Jérusalem, dans cette problématique, résident en la proximité géographique de la Perse, ainsi que dans les déclarations répétées de ses dirigeants actuels, promettant l’anéantissement d’Israël et de ses habitants.

 

Pour le reste, l’essentiel et le long terme, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les USA et même la Russie ont exactement autant à craindre que les Hébreux du projet des ayatollahs. Ces derniers considérant Israël comme la tête de pont de la civilisation judéo-chrétienne qu’ils abhorrent, mais certainement pas comme leur cible ultime. Leur objectif final – et ils ne s’en cachent pas – procédant de l’islamisation de la planète selon l’obédience chiite.

 

Ces observations expliquent la raison pour laquelle Barak et Netanyahu encouragent les autres nations concernées à prendre leurs responsabilités, à commencer par la plus puissante d’entre elles. Cette analyse justifie aussi l’irritation des Israéliens en constatant l’incapacité des autres chefs d’Etat occidentaux à agir de façon concertée et efficace pour la réalisation de l’objectif qu’ils prétendent tous partager.

 

A ce propos, le 1er ministre israélien vient de rendre publique la conclusion que nous proposons depuis de nombreux mois aux lecteurs de notre agence : à savoir qu’il est toujours loisible d’éviter la confrontation militaire, à condition de se mettre d’accord et d’adresser un ultimatum public à Ahmadinejad et Khamenei. B. Netanyahu a appelé cela la "ligne rouge".

 

Hier lundi, il a demandé à Barack Obama, à l’occasion d’une rencontre avec des vétérans des guerres américaines, de délimiter les conditions qui, si elles étaient franchies par les Iraniens, déclencheraient une attaque US contre les infrastructures nucléaires perses.

 

Le 1er ministre s’est montré particulièrement précis à cet égard, déclarant : "plus claire sera la ligne rouge dressée à l’attention de l’Iran par la communauté internationale, plus réduites seront les risques d’un conflit".

 

En échange de cet engagement, s’il est énoncé de façon opérationnelle, Jérusalem est prête à mettre de côté l’option d’une intervention en solo de sa part.

 

Cela intéresse fortement le président US en cette période électorale. Il y est plus sensible qu’auparavant, quand les Israéliens lui demandaient d’édicter un "calendrier" d’action contre la théocratie islamique.

 

Le rationnel de la plus grande sensibilité du Président Obama tient en cela qu’il considère qu’une opération israélienne impliquerait l’Oncle Sam à son corps défendant dans une guerre régionale, et que cela pourrait hypothéquer significativement ses chances de devancer Mitt Romney dans les urnes.

 

Tandis que la publication d’une red line par la Maison Blanche serait probablement interprétée par les électeurs telle une preuve de détermination de la part du président. Ce, d’autant plus que les sondages montrent que l’opinion publique américaine est encore plus farouchement opposée que M. Fabius à un Iran possédant la bombe atomique.

 

A en croire les célèbres journalistes du New York Times (favorable à Obama), Eric Shmitt et David E. Sanger, à la Maison Blanche, l’idée de la ligne rouge serait déjà peu ou prou adoptée ; on ne discuterait plus que de la précision souhaitable de l’avertissement public qui sera décerné aux Iraniens. Mais pas dans un espace vide : s’il est trop vague, les Israéliens ne marcheront pas. S’il est trop direct, certains conseillers du président redoutent que Téhéran puisse le considérer comme une provocation et déclencher des opérations préventives (un point de vue qui nous paraît sans fondement à Métula).

 

En Israël aussi, le principe de geler notre liberté d’action contre la publication d’une ligne rouge ne fait pas que des adeptes. L’ex-chef de l’Aman, le renseignement militaire, Amos Yadlin, suggère que Barack Obama s’adresse à Khamenei depuis l’estrade de la Knesset, et qu’il lui signale que si l’Iran poursuit son avancée vers l’armement nucléaire, les Etats-Unis utiliseront la force pour l’en empêcher.

 

La question sera tranchée dans quelques semaines, à l’occasion d’une visite prévue de Binyamin Netanyahu à Washington. Ce, à moins qu’une nouvelle information, de nature à compromettre gravement la sécurité de l’Etat hébreu ne jaillisse jusque-là.

 

Lors de cette entrevue, les deux hommes ne parleront pas uniquement de la red line. Ils discuteront également de nouveaux trains de sanctions envisageables afin de faire pression sur Téhéran, en complément de la mise en place de la ligne rouge. Et puis, M. Obama, toujours selon le New York Times, assurera son hôte de la poursuite des efforts communs dans le domaine de la cyber-guerre. On discutera des successeurs du virus Stuxnet, dans le but de saboter le programme nucléaire perse, et d’épuiser financièrement ses commanditaires.

 

En face, on ne reste pas inactif face à ces bruits de couloirs. Encore en ce lundi, Téhéran a prié son supplétif du Hezbollah, Nasrallah, d’indiquer à la télévision, qu’en cas d’attaque israélienne contre l’Iran, celui-ci répliquerait en bombardant des bases américaines au Moyen-Orient. Histoire de tenter d’enfoncer un coin entre Washington et Jérusalem sur un sujet sensible.

 

Hassan Nasrallah a raconté que "si Israël agressait l’Iran, cela se ferait sous la responsabilité des Etats-Unis". Le chef de la milice chiite libanaise a aussi implicitement menacé de viser la centrale nucléaire israélienne de Dimona, pour obtenir les effets dévastateurs d’armes de destruction massive.

 

Et à Téhéran, le commandant de l’Armée de l’air, Farzad Esmaili, a annoncé que son pays était en train de mettre au point un système anti-aérien en remplacement du S-300, que Moscou refuse de lui fournir. A croire Esmaili, les 30% de ce projet auraient déjà été achevés, et il serait fonctionnel dans une fourchette d’un an.

 

Il serait, de plus, évidemment supérieur à l’original. Ces répliques en provenance des lignes chiites ne semblent pas uniquement ridicules. Elles le sont effectivement, du moins si on parvient à se mettre d’accord sur un simple texte d’avertissement entre Jérusalem et Washington. La différence de puissance, de qualité et de quantité est si évidente, en faveur du camp de l’Ouest, que la Guerre d’Iran, avec un brin d’intelligence, peut être gagnée sans avoir besoin de tirer un seul coup de feu.

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