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La myopie des analystes du Proche-Orient, par David Bensoussan

La myopie des analystes du Proche-Orient

OPINION / L’avantage de la mondialisation est de pouvoir faire rapidement le tour des médias internationaux. Depuis que le président américain Trump a décidé de se retirer de l’accord des grandes puissances (accord des 5+1) avec l’Iran au sujet du gel des développements nucléaires iraniens pour une durée de dix ans, les analystes européens rivalisent d’acrobaties dans le but de trouver des moyens de contourner l’embargo américain. Ce faisant, ils ne tiennent pas compte de factualités essentielles.

À commencer par le fait que l’Iran n’a jamais signé l’accord, voulant en faire un accord de principe seulement.

Par ailleurs, il est de bon ton de fustiger le président américain et la puissance du dollar américain: le président Trump est provocateur et agit de façon contraire à toutes les normes de la diplomatie. Sa personnalité déroutante en fait la cible de choix des médias. Soit. Quant au dollar américain, il faut retenir que 85% des transferts bancaires internationaux (SWIFT) se font en dollars US et qu’il ne sera guère facile de passer outre cette réalité dans un avenir proche.

Le thème récurrent des analystes est le souhait d’intégrer l’Iran au sein des nations et de lui donner la place qui lui revient au Moyen-Orient; que l’on ne peut envisager un Moyen-Orient pacifié et coupé de l’Iran. Ce disant, les analystes effacent d’un trait de plume les horreurs commises par les milices chiites en Syrie et en Irak et que l’Iran cautionne.

Justement, l’objectif premier d’Obama était de ramener l’Iran dans le concert des nations. Il a libéré 120 milliards de fonds iraniens et mis fin à une grande partie de l’embargo décrété par les Nations Unies, l’Union européenne et les États-Unis au cours des dernières décennies. Les industriels européens de tout bord ont accouru pour prendre une partie du marché iranien.

En raison du rétablissement de l’embargo américain contre l’Iran, la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne ont mis sur pied un marché de troc peu convaincant, l’INSTEX (Instrument in Support Of Trade Exchange) pour contourner partiellement l’embargo américain sur le commerce avec l’Iran. En même temps, l’Union européenne a rétabli d’autres sanctions contre l’Iran en raison des attentats terroristes perpétrés en Hollande et d’autres déjoués en dernière minute en France, tout en exigeant l’arrêt du programme balistique iranien.

L’Iran vit une situation difficile: en raison de la sécheresse, près de 70% des terres arables risquent d’être abandonnées. Le taux d’inflation a augmenté de 40% l’an passé. Le pétrole rapporte 80% des entrées en devises. Mais 80% de l’économie est entre les mains du secteur public et parapublic, lesquels connaissent une corruption élevée qui enrichit un segment infime de la population. C’est ainsi qu’une partie substantielle du budget iranien échappe au gouvernement, accentuant la paupérisation de la grande majorité de la population. Néanmoins, le gouvernement iranien a multiplié par trois le financement des écoles théologiques et augmenté considérablement son budget militaire.

Or, l’Iran continue ses politiques de faits accomplis militaires et démographiques en Syrie, à déstabiliser le Yémen et à développer des missiles balistiques. En fournissant des armes et des missiles de longue portée aux Houtis du Yémen, l’Iran savait pertinemment que ces missiles qui visent l’Arabie allaient envenimer encore plus le conflit. Il n’en demeure pas moins que pour la plupart des analystes, la situation désastreuse au Yémen est imputable à la coalition formée par l’Arabie.

Gaza est armé par l’Iran de missiles et de roquettes qui visent indistinctement les populations civiles israéliennes, quitte à perpétuer un état de belligérance qui va à l’encontre du bien-être des Gazaouis.

Les analystes taisent l’existence de plus de 120 000 missiles au Liban confiés non pas au gouvernement libanais, mais à la milice chiite du Hezbollah. L’on sait que par le passé des missiles ont été tirés aveuglément sur des centres urbains israéliens par le Hezbollah. Nul doute que si un prochain conflit venait à se déclencher, les pertes humaines et matérielles seraient autrement plus graves que celles qui ont prévalu par le passé et Israël n’aura le choix que celui d’une riposte encore plus dévastatrice.

Que l’on ne se trompe pas: les missiles en parade à Téhéran portent les inscriptions «Mort à Israël» et «Israël sera effacé de la carte». Cela n’est rien d’autre qu’un appel à une guerre génocidaire.

Ce silence volontaire des analystes contraste avec leur mise en valeur de l’Iran aux prises avec les sanctions américaines, l’Iran en tant que puissance raisonnable et martyrisée du Moyen-Orient, l’Iran héritière de l’illustre civilisation persane… omettant que ce pays est jugulé par le pouvoir des mullahs et des Gardiens de la révolution.

Comment les analystes qui sont aveuglés par leurs lunettes anti-Trump peuvent-ils ignorer les slogans vociférés de «Mort à l’Amérique» qui se perpétuent malgré la levée des sanctions en 2015?

Faut-il voir dans le silence des analystes qu’une manipulation pavlovisante de l’opinion? Des silences volontaires qui n’attendent que le prochain conflit pour déclencher une attaque médiatique en règle contre Israël?

David Bensoussan

Professeur de sciences à l’Université du Québec

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