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La terrasse, repli des femmes, par Vanessa De Loya Stauber

La terrasse, repli des femmes

 

A Marrakech, l'espace des terrasses était réservé aux femmes. Elles s'y retrouvaient entre elles. Complices et si peu rivales, comme au Hammam, réunies autour de divers dominateurs communs,

La convivialité, le rire et l’échange.

D'en haut, elles s'autorisaient à repérer les beaux garçons qui passaient en bas dans les ruelles. Loin de toute censure ou réprimande, le droit de rêver au cheval blanc. Celui-là même qui les kidnapperaient hors du foyer parental.

Sorte d'Albatros confisqués, les femmes du Maroc, ne disposaient que de cet espace perché pour dériver hors sérail.

Elles survolaient la médina, ghetto de la communauté Juive.

Tenues par des traditions strictes, les jeunes filles célibataires se réservaient à l'élu .Ni discothèque ni café, plutôt des célébrations de fêtes comme alibi de retrouvailles.

La terrasse, coulisse idéale de liberté servait de scène d'émancipation. On se maquillait, se coiffait, s’épilait au miel, bronzait avec des miroirs tryptiques.

On partageait des confidences sur le fils de la voisine, troublant et énigmatique à nos yeux.

Telle une fenêtre ouverte sur un futur possible, la terrasse recueillait nos rêves et nos aspirations sans jamais les divulguer.

A quoi pensent les jeunes filles  Sépharades ?

Poursuivre des études,

Voyager ou se marier ?

Se défaire de l'injonction du père ou des pressions de leur mère matriarcale ?

Surpasser l'idéal absolu et ses ravages? 

Etre à l'écoute de son désir ou se plier aux conventions dictées par les parents ?

Comment se tenir dans une famille Juive ?

Comment s'affranchir des impératifs dictés par notre éducation traditionaliste ?

La terrasse, repli, recoin spacieux mais si intime, véritable échappatoire offrait un recueillement, un reflux bénéfique en clarté.

Silence et élévation propices à l'imaginaire. 

S’évader, rêver à l'autre rive, cet ailleurs infini. Cosmos offert avec son soleil, sa lune et ses étoiles.

Et si la terrasse sous-entendait, habiter avec soi-même, si proche du camp -à -soi.

Intériorité protégée, privilégiée au féminin.

Atteindre une ressemblance avec soi-même. Inhérence induite par une osmose touchée.

Cette parenté avec l’univers, cette joie cosmique je l'ai découverte sur la terrasse de Marrakech.

Dans cet orient couleur d’ocre, se démarquait la musique des Gnaouas.

La lumière éclaboussante, les passerelles entre berbères et bourgeois du Gueliz, ce socle de mon enfance a me semble t- il  édifié mon fil d'or inaltérable.

 

Vanessa De Loya Stauber, psychanalyste.

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