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"Le Juif rouge", de Stéphane Giusti : portrait du Sémite en superhéros

"Le Juif rouge", de Stéphane Giusti : portrait du Sémite en superhéros
 

Par Eve Charrin

Aaron Tamerlan Muntaneu est sous le coup d'une malédiction : un « dybbouk » (un démon du folklore juif) a placé sur ces épaules la lourde tâche de sauver les juifs. Pas facile dans ce XXe siècle dévoré par l'antisémitisme. Un étonnant premier roman, picaresque et fantasque.

Dans Le Juif rouge, la magie intervient dès le premier tiers du roman. Dans les tourments de la Première Guerre mondiale, Aaron Tamerlan Muntaneu, soldat roumain terré dans les tranchées des Carpates, tente de sauver sa peau et celle de son camarade de combat.

Mais ce dernier se méfie et tente, un soir, d’étrangler son compagnon : « Tu ne peux pas être roumain et tu ne le seras jamais ! Tu es un diable de juif ! ». Aaron riposte et tue son agresseur : le voici donc, selon ses mots, « meurtrier ordinaire ».

Désastres

En guise de châtiment, un « dybbouk » (démon du folklore juif d’Europe centrale et orientale, familier aux lecteurs du regretté Isaac Bashevis Singer) lui octroie l’immortalité et son corollaire, la responsabilité écrasante de sauver les juifs. Mission impossible, bien sûr, même si le grand gaillard roux appartient à la lignée légendaire des « juifs rouges », héritier de ces « guerriers khazars » chargés de protéger le peuple élu.

Réalisateur pour le cinéma et la télévision, Stéphane Giusti livre ici un étonnant premier roman, picaresque et fantasque comme peuvent l’être certains récits d’Italo Calvino (on songe au Chevalier inexistant, au Vicomte pourfendu). Écrire sur la judéité et sur l’antisémitisme à travers un conte et, qui plus est, une histoire de superhéros, le pari est audacieux.

Dans les pas du héros qui traverse le XXe siècle sans prendre une ride, le lecteur suit les désastres qui s’abattent sur les juifs d’Europe, des pogroms à la Shoah ; il croise l’écrivain soviétique Isaac Babel, qui compte sur la révolution socialiste, et le leader sioniste Haïm Arlozoroff, qui fuit les persécutions en Ukraine pour développer un foyer juif en Palestine.

C’est justement à Tel Aviv au XXIe siècle que ce conte politico-philosophique trouve son terme : « Nous vivons derrière un mur comme nous y vécûmes ailleurs, mais ce mur-là, nous l’avons élevé nous-mêmes ». Foisonnant et (forcément) tragique. 

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