Share |

Les envers de la réforme judiciaire en Israël, par David Bensoussan

Les envers de la réforme judiciaire en Israël

Israël est une démocratie vibrante. Les opinions les plus diverses sont exprimées avec conviction et parfois même sans retenue. Au seuil de son 75e anniversaire, l’État vit une crise dans de nombreux domaines.

Depuis la fondation de l’État, il n’y a pas eu de parti majoritaire. Le parti qui recueille le nombre de votes maximal s’allie avec des petits partis pour pouvoir obtenir une majorité de 61 sièges sur 120 au parlement israélien, la Knesset, et former un gouvernement.

Historiquement, les partis de gauche ont dû faire appel à des partis religieux minoritaires pour ce faire. Le poids politique et les portefeuilles ministériels attribués à ces partis ont été disproportionnés par rapport aux nombres de sièges qu’ils ont obtenus.

La gauche israélienne n’a jamais admis avoir perdu le pouvoir. Lorsque le parti de droite du Likoud remporta les élections en 1977, la gauche et les médias prédisaient une guerre imminente. C’est pourtant le Premier ministre Menahem Begin qui ratifia un traité de paix avec le plus puissant pays arabe, l’Égypte. À nouveau, la coalition de droite s’est retrouvée au pouvoir après plusieurs élections non conclusives et les médias et les partis de gauche prédisent les pires des scénarios.

Pour obtenir la majorité parlementaire autour du Likoud (32 sièges), le Premier ministre Bibi Netanyahou s’est allié à des partis religieux (18 sièges). Or, le public de gauche qui est généralement nanti et laïque est fatigué du pouvoir des partis religieux : plusieurs centaines de milliers de séminaristes ne travaillent pas, ne font pas leur service militaire et font financer leurs institutions par l’État. Ils sont considérés comme des parasites par les laïcs qui craignent l’imposition de lois restrictives en regard de leurs libertés individuelles.

Bibi Netanyahou s’est également allié à des partis d’extrême droite (14 sièges) qui ne croient pas en la paix avec les Palestiniens et tiennent à s’implanter dans les territoires administrés par Israël depuis 1967 alors que la Jordanie attaqua Israël au second jour de la guerre des Six Jours. La gauche ne veut pas désespérer de la paix et craint les conséquences d’une telle politique.

Ces partis d’extrême droite réagissent à deux réalités. Israël est un état bilingue. La minorité arabe d’Israël jouit de libertés inégalées et d’un niveau économique meilleur par rapport à ceux qui prévalent dans les pays arabes. Cette minorité a été néanmoins sujette durant plusieurs décennies aux harangues anti israéliennes émanant des pays limitrophes. Le public israélien est déçu du fait que les libertés démocratiques soient exploitées pour alimenter des discours radicaux. À titre d’exemple, 20% des enseignants dans les écoles gouvernementales dans le secteur arabe ont été formés par des institutions islamiques de Cisjordanie et de Jordanie.

L’enseignement de la haine par l’Autorité palestinienne décourage ceux qui espèrent la paix. Par deux fois, les leaders palestiniens ont refusé la proposition d’un état : Arafat a répondu à la proposition de Taba en 2001 en déclenchant des séries d’assassinats suicides. Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a également refusé la proposition du Premier ministre israélien Éhud Oulmert en 2008. En arrière-plan, l’Iran fait tout pour attiser la haine des radicaux, notamment à Gaza, et arme le Hamas de missiles.

Deux autres aberrations désillusionnent les Israéliens : d’une part, l’Assemblée générale de l’ONU se désintéresse des conflits du monde entier pour voter des résolutions biaisées envers Israël. De l’autre, les médias internationaux dits libéraux n’arrêtent pas d’invoquer la souffrance des Palestiniens sans jamais présenter les victimes israéliennes. De telles réalités encouragent les Palestiniens dans leur refus d’une solution au conflit et endurcissent ceux qui parmi les Israéliens s’enracinent dans les territoires de Cisjordanie.

Pour revenir à la crise actuelle en Israël : le battage médiatique autour de la proposition gouvernementale visant à revoter une loi réfutée par la Cour suprême s’accompagne d’attaques personnelles contre le Premier ministre Bibi Netanyahou et le leader du parti religieux Arieh Déri compromis dans des procès de corruption, envenimant le débat. Leurs moindres agissements sont scrutés à la loupe et certaines accusations sont graves.

Au fil des années, la Cour suprême israélienne est intervenue de plus en plus dans les décisions du parlement israélien et la cohabitation du pouvoir exécutif et judiciaire est devenue plus problématique. Les nantis, dont une grande partie de gauchistes, appuient les décisions de la Cour suprême. Toute une classe de citoyens ne se reconnait pas dans les décisions de la Cour suprême, encore moins dans sa composition et pense qu’elle est déconnectée de la réalité. Le président Herzog a proposé une médiation en rappelant que la Cour suprême constitue une élite qui n’est pas inclusive.

Ainsi, le conflit juridique est doublé d’un conflit politique lui-même doublé d’un conflit culturel et social. Par le passé, les citoyens se sont solidarisés face aux dangers d’extermination menaçant le pays. Ces dangers existent toujours aujourd’hui. Par contre, la situation économique et militaire du pays est autrement plus robuste et les clivages socioéconomiques au sein de la société israélienne refont surface. Ils sont au cœur des contestations actuelles.

La démocratie israélienne sortirait renforcée pour autant qu’une solution de médiation soit adoptée. Le passé judéen ancestral, la foi commune et les persécutions ont été le dénominateur commun des premiers Israéliens. Aujourd’hui, il s’agit de redéfinir la vocation identitaire et humaniste de l’État d’Israël.

Commentaires

Publier un nouveau commentaire

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
CAPTCHA
Cette question permet de s'assurer que vous êtes un utilisateur humain et non un logiciel automatisé de pollupostage (spam).
Image CAPTCHA
Saisir les caractères affichés dans l'image.

Contenu Correspondant