Les Juifs dans l’Afrique romaine, par Yann Le Bohec, par Jean-Pierre Allali
Yann Le Bohec n’est pas juif. Mais il est né à Carthage, en Tunisie, ce qui explique son intérêt pour le sujet qu’il nous propose dans cet ouvrage : la présence millénaire, souvent peu connue du judaïsme en Afrique du Nord, plus précisément à l’époque romaine.
L’épigraphie, inscriptions, épitaphes, lampes à huile et, surtout, l’archéologie, synagogues et nécropoles d’époque, s’ajoutent aux textes littéraires pour éclairer le chercheur.
Pour l’auteur, les Juifs, venus pour l’essentiel de Palestine, sont apparus en Afrique à la fin du 1er siècle de notre ère. Ils s’y sont développés dans une tranquillité relative au IIème et IIIème siècle avant de connaître une grande expansion aux deux siècles suivants malgré les persécutions.
Les communautés sont repérées grâce aux synagogues. La plus importante était située à Carthage mais une carte permet de voir que des Juifs étaient présents de Mogador au Maroc à Tripoli de Lybie en passant par Cherchell, Tozeur ou encore Djerba.
La synagogue Naro d’Hammam-Lif avec ses somptueuses mosaïques (actuellement déposées au Brooklyn Museum)et celle de Kélibia constituent des reliques d’une richesse inouïe. Sans oublier la nécropole de Gammarth.
Si l’ensemble de la population juive vivait de façon modeste, en tant que paysans, métayers ou propriétaires terriens, certains individus parvinrent à un haut degré de responsabilité. Ainsi, Tiberius Iulius Alexander fut procurateur de Judée, préfet d’Égypte et soutien actif de Vespasien.
Yvan Le Bohec examine dans le détail la vie religieuse des Juifs africains et note que le symbole religieux le plus répandu n’était pas la Maguen David mais le chandelier à sept branches, la Ménorah.
En résumé, « Les Juifs africains avaient donc placé Dieu au centre de leurs préoccupations. Ils l’honoraient de diverses manières, par des rites notamment, chez eux ou dans les synagogues. Leurs morts étaient enterrés dans des nécropoles conçues comme l’étaient leurs lieux de culte : en respectant les consignes du Talmud. Ils espéraient que Dieu leur donnerait de bonnes récoltes ici-bas et la vie éternelle dans l’au-delà. Tous, pourtant, ne suivaient pas strictement la tradition ».
Ajoutons à cela que nombre de Chrétiens et de polythéistes africains ont été à l’époque séduits par le judaïsme et se sont convertis.
Autre domaine abordé, la magie dans laquelle nombre de Juifs étaient passés maîtres.
Pris parfois dans des conflits, les Juifs africains ont été également pris à partie dans des écrits. On pense à Tertullien ou Saint Augustin.
De somptueuses illustrations en couleurs enrichissent ce très beau livre.
Jean-Pierre Allali
(*) Éditions Memoring. Préface de Mireille Hadas-Lebel. Avril 2021. 122 pages. 22 €
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