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Les Royaumes Juifs en Afrique avant la conquete islamique

Les Royaumes Juifs en Afrique avant la conquête islamique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’arrivée en Afrique sahélienne et tropicale de populations hébraïques pourrait remonter à l’époque où Ptolémée Soter a chassé vers l’Ouest 100 000 Juifs de Syrie, Cyrénaïque et Égypte.

Il n’est pas exclu que certains de ces Hébreux – nomades – aient poursuivi vers le sud du continent noir.

Ont-ils participé, vers l’an 300, à la fondation de l’ancien royaume du Ghana, devenu légendaire comme première source d’or africain ?

La thèse d’une succession de plusieurs dizaines de rois judéo-syriens à sa tête rend la chose probable.

Ils ont même pu se mêler, dès le IVe siècle, à la grande aventure du commerce caravanier, qui joignait la route africaine « de l’or et des esclaves » à celles, orientale « des épices et des encens » et asiatique « de la soie » puisque, selon saint Jérôme [1] :
« LES COLONIES JUIVES FORMAIENT UNE CHAÎNE ININTERROMPUE DEPUIS LA MAURITANIE, À TRAVERS L’AFRIQUE ET L’ÉGYPTE, JUSQU’À L’INDE ».

À partir des VIIe-VIIIe siècles, voyageurs, historiens et géographes arabes, décrivent la situation des groupements juifs, tels qu’ils les ont trouvés à leur arrivée dans ces régions :
Al-Idrissi évoque, sur le « territoire des Lamlam… et deux villes, Mallal et Daw. [où] les gens… sont des Juifs » ; il mentionne aussi « Kamnuriyya dont la population… prétendait être juive ». Ibn Saïd cite « la ville de Limi dont les habitants sont juifs ». Al-Zuhri affirme que « les gens de Karafun… suivent la religion juive », « lisent la Torah ». Ibn abi Zar fait état de « tribus (qui) habitaient près d’une ville appelée Tatklasin, (et) suivaient la religion juive ».
Tous font référence à des toponymes aujourd’hui disparus ou impossibles à identifier et à des populations « juives » vivant sur des territoires relativement proches les uns des autres, mais qui diffèrent tant par leur mode de vie que par leur rapport au judaïsme.

Al Zuhri présente les Amima de Karafun comme des Djinawa.., noirs et probablement berbères.
Pour Idrissi, si les « Lamlam » de Mallal et Daw, sont juifs, ce n’est peut-être pas aussi sûr pour les Kamnuri qui, « se prétendent juifs » ; pourtant, dit J. Cuoq, « Je crois qu’il faut prendre en considération l’affirmation d’al-Idrisi suivant laquelle [les Kamnuri] étaient Juifs… Cette information, – que l’on ne peut rejeter a priori – est précieuse, car elle nous donne la clef de la présence des communautés juives existant au sud du Sahara notamment dans certaines régions du Soudan occidental ».

Les « Sudan » mentionnés par Ibn Abi Zar seraient donc des noirs judaïsés, alors que les populations rencontrées (?) à Limi par Ibn Saïd sont juives. « Il est étonnant sans doute de trouver une telle variété de populations juives dans ces régions ; quoi qu’il en soit, cette “diaspora soudanaise” a servi les intérêts économiques des Juifs qui, en s’installant dans le “pays de Lamlam”, au voisinage des mines d’or, ont pu assurer ainsi aux autres colonies, surtout à la tête de pont sur le Maghreb, le Touat, une prospérité extraordinaire [5].. »
Peuplé de Juifs, Lamlam (ou Damdam, Iamiam), était très proche du pays des Wangara ; ses principales villes étaient Daw et Mallal, future Melli très vraisemblablement qui donnera son nom à l’empire du Mali.

La présence de Juifs noirs dans le pays pourrait laisser supposer une implantation assez ancienne pour avoir donné le temps aux populations juives de se mêler aux populations indigènes, pour se métisser à leur contact et, peut-être, les judaïser.

Ces témoignages imprécis, fragmentaires et souvent de seconde main, tirés d’auteurs des XIe, XIIe et XIVe siècles qui, à une exception près, n’ont pas voyagé dans les régions qu’ils décrivent, ont pu susciter le scepticisme, ils n’en constituent pas moins un fonds précieux sur la présence juive en Afrique de l’Ouest, sur l’évolution de son statut car, si le judaïsme ne semble pas constituer un élément de véritable unification entre les divers groupes, les uns « sont juifs » et « lisent la Tawrat (thora) », d’autres « suivent la religion juive » ou « se prétendent juifs ».

Est-ce à dire que des Juifs ont pu s’éloigner du judaïsme pour se rapprocher des pratiques locales ?

La sévérité d’Idrissi est due au fait que ces Juifs sont réfractaires à l’Islam : « Les habitants… sont des Juifs, mais la plupart d’entre eux sont dans l’infidélité et l’ignorance »
De fait, si certains usages tendent à rattacher ces groupes « juifs » aux traditions africaines (« Dans l’ensemble de la population du pays de Lamlam, quand arrive la puberté [on a coutume] de se scarifier le visage et les tempes avec le feu. C’est pour eux une marque distinctive »
« Ils ont une pierre magique… celui qui [a] une pierre magique ensorcelle les rois, les émirs… La célébrité de cette pierre dispense de sa description [11], c’est qu’exposés aux attaques de leurs voisins, ils étaient devenus vulnérables : « Les habitants de Barisa, Silla, Takrur et Ghana razzient le pays des Lamlam et y font des captifs qu’ils amènent dans leur pays pour les vendre  »

« La race (des Lamlam) est réputée parmi les esclaves du Maghreb » « Leur situation se dégrada […] Les habitants s’enfuirent, se réfugiant dans les montagnes, se dispersant dans le désert, tombant sous la dépendance de leurs voisins et se mettant sous leur protection. Il ne resta plus de la population [nombreuse  de Kamnuriyya qu’un petit groupe de personnes dispersées entre ces déserts et le voisinage de la côte, vivant de laitage et de poisson. Ils mènent une vie pénible et précaire. Ils transhument dans ce territoire avec l’accord de leurs voisins et leur vie s’écoule en toute tranquillité jusqu’à ce jour  ».

D’après J. Cuoq, les Kamnuri dispersés « se sont métissés avec les « Sudan » et ont donné naissance à de nouvelles tribus où ont pu prévaloir certaines survivances juives, ce qui a suffi pour leur faire réclamer une ascendance juive et se la faire reconnaître par les musulmans, très attentifs aux particularismes confessionnels ».
Wangara

Au Moyen Âge, le nom Baqâra (ou Baghara, Gangara, Wankara, Ouangara, Ouankarah) désignait, selon Ibn Abi Zar, à la fois la région située sur le Haut-Sénégal et ses habitants.
Wangara, délimité par les localités de Lahou, Segou, Tombouctou, Kano correspond à l’empire du Mali, source de l’or  près de laquelle étaient installés les Juifs, bien avant l’arrivée des Musulmans :

Si les habitants du Wangara sont bien les descendants de Tiklan, ils doivent être rattachés au Beni-Kheibar ou Beni-Moussa, alias Hejjazi, populations juives arrivées massivement d’Arabie occidentale dans le courant du VIIe siècle.

Lorsque ces différentes populations juives et judaïsées ont subi les assauts répétés de leurs voisins musulmans, certains groupements ont du résister : « Vers 1033, des tribus nègres du Soudan désignées sous le nom de Baqâra, Baghara, Gangâra (?) et habitant immédiatement l’ouest de la ville de Tâteklâtîn, pratiquaient la religion judaïque et guerroyaient avec leurs voisins Sanhâja, berbères convertis à l’Islamisme  » Mais leur faiblesse démographique et la perte de leurs appuis au Maghreb et de leurs alliés berbères, devenus leurs ennemis, du jour où ils ont adhéré à l’islam, les ont affaiblis.

L’Afrique de l’Ouest entre les VIIIe et XIIe siècles
Amima
Leur territoire, parfois identifié avec Mema, au nord du Macina était délimité par les fleuves Sénégal et Niger, ce qui correspond au sud des royaumes du Ghana et du Mali ; cela tendrait à confirmer que la boucle du Niger – particulièrement autour du lac Fati où vécurent les Banou-Israël  a constitué un pôle d’attraction pour les Juifs, durant de nombreux siècles.
C’est dans cette région que les premiers voyageurs arabo-musulmans ont trouvé, au début du VIIIe siècle, ces populations Amima juives, bientôt à la merci de leurs voisins musulmans de Ghana, de Silla ou de Tadmekka qui, d’après El Zuhri, n’ont pas hésité à les razzier et à les convertir vers 725-745.

L’or est sans doute à l’origine à la fois de la venue des Arabo-musulmans dans ces régions et de leur volonté d’éliminer les concurrents juifs trop bien établis à proximité des lieux d’extraction.

Kamnouriyya, Limi, Baghara, Lamlam, Karafun, Tatklatin… ; ces toponymes s’inscrivent dans un espace qui engloberait le sud de la Mauritanie, l’est du Sénégal et la boucle du Niger, ce qui correspondrait à l’ancien Ghana, producteur d’or.

Au cours du XIe siècle, les Almoravides (1066-1147), ces Berbères du Sahara, animés d’une morale islamique des plus austères, lancèrent la guerre sainte vers le Maghreb occidental qu’ils voulaient conquérir avant de se porter au secours des princes musulmans d’Espagne.
Sur leur route, ils démantelèrent les royaumes judéo-berbères du Sous et du Dra’, tuèrent ou islamisèrent de force les Juifs du Tafilalet, karaïtes ou talmudistes, luttèrent contre les sectes proches du judaïsme et toutes les dérives doctrinaires, balayèrent le mouvement judéo-islamo-berbère des Berghouata, au nord-ouest du Maroc…

Les cités réfractaires à l’islam orthodoxe d’Aghmat, Sijilmassa et Awdaghost, jugées « dépravées », furent mises à sac après avoir été pillées.
Sijilmassa, la capitale du commerce avec le Soudan, « appuyée par les fortes communautés du Touat […] pendant huit siècles, jouera un rôle économique et culturel important dans la pénétration et l’approfondissement de la pensée biblique en Afrique ».
Awdaghost., sa jumelle sur l’autre rive du Sahara, était très riche : « l’or d’Awdaghost est le meilleur du monde et aussi le plus pur. »
Awdaghost et Sijilmassa, cités légendaires situées sur l’axe caravanier principal du Sahara, se sont développées parallèlement, la prospérité de l’une conditionnant celle de l’autre, attirant des multitudes de marchands, religieux, savants, écrivains et artistes… Comme Sodome et Gomorrhe, elles succomberont toutes deux, à vingt ans d’intervalle, sous les assauts des moines soldats almoravides décidés à s’emparer de leur or pour financer leurs futures expéditions.

L’or africain du Soudan fera la fortune des royaumes musulmans du Maghreb et de l’Espagne tout en favorisant l’expansion rapide de l’Islam dans ces régions.
Bien évidemment, les Juifs – qui avaient jusque-là contrôlé le marché de l’or à chaque bout de la chaîne, qui avaient frappé les premières pièces d’or, avant les florins et ducats européens, furent éliminés.

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