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Les vœux des rédacteurs de la Ména pour 2018

Les vœux des rédacteurs de la Ména pour 2018 (1ère partie)(010101/18)

© Metula News Agency

 

Stéphane Juffa à Métula, rédacteur en chef et analyste stratégique

 

Les analystes stratégiques distinguent trois formes de menaces extérieures pesant sur l’Etat d’Israël. Celle du premier type, existentielle, émanant d’armées régulières d’Etats hostiles, alignant en permanence des millions de soldats, des milliers de chars, des centaines d’avions et/ou des armes éprouvées de destruction massive. Cette menace s’est estompée à la suite de l’accord de paix avec l’Egypte, de la guerre civile larvée dans ce pays et des relations de coopération qui se sont instaurées depuis entre le Caire et Jérusalem. Elle a totalement disparu à la suite de la Guerre Civile en Syrie, qui a vu son armée se réduire de deux millions d’hommes à environ cent-vingt mille aujourd’hui.

 

La menace du second type peut être qualifiée de "gênante", c’est celle qui a supplanté celle du premier type et qui existe à Gaza, matérialisée par le Hamas, et au Liban, par le Hezbollah. Elle est asymétrique, opposant des milices dotées de roquettes et d’armes individuelles à l’une des armées les plus sophistiquées du moment. Elle peut causer des pertes humaines dans l’Etat hébreu allant de quelques dizaines de civils et de militaires à quelques milliers. Mais elle ne met pas en danger la survivance d’Israël non plus que ses infrastructures, et a ceci de particulier, qu’elle peut être annihilée à n’importe quel moment sur décision du pouvoir politique.

 

La menace du troisième type est celle représentée par l’Iran, une dictature théocratique de quatre-vingt millions d’habitants. L’Iran dispose d’une force armée importante en effectifs, de l’ordre du million d’hommes, mais il n’a ni aviation digne de ce nom, ni force blindée, ni marine crédible. Il concentre son potentiel de nuisance dans le développement de ses missiles balistiques et d’armes de destruction massive, y compris l’arme atomique. En attendant de maîtriser ces moyens, Téhéran multiplie les menaces "gênantes" du deuxième type aux portes d’Israël, dans le Golan, au Liban, et, dans une moindre mesure, à Gaza.

 

C’est de cette menace iranienne que nous aurons à parler le plus souvent en 2018. Si le Président Trump avait autorisé son armée et les forces kurdes à s’emparer d’une portion de l’Autoroute chiite en Syrie, la menace iranienne serait marginale, tant pour l’Etat hébreu que pour les autres pays arabes de la région. Sachant que les Kurdes n’étaient qu’à un kilomètre du but lorsque la Maison Blanche les a arrêtés sans raison apparente, on se rend compte de l’impact extraordinaire de cette étrange décision et du danger durable qu’elle représente.

 

En Israël, les manifestations contre la corruption vont aller s’intensifiant. On ne peut pas accepter que des Israéliens se nourrissent du contenu des poubelles de Tel-Aviv tandis que leurs dirigeants piochent dans les caisses publiques. Tant que M. Netanyahu ne sera pas inculpé, le mécontentement populaire restera contrôlable ; mais si le procureur décide de traduire le Premier ministre en justice et que ce dernier ne démissionne pas, nous irons au-devant de troubles majeurs. Sans prétendre pouvoir déterminer l’innocence ou non de M. Netanyahu, je n’apprécie pas qu’il accuse en bloc la justice, la Police et la presse du pays d’être à la source de ses ennuis judiciaires. Celui qui touche à nos juges et à nos libertés fondamentales s’attaque directement aux Israéliens, indépendamment de leurs convictions politiques. Les Israélites, des siècles durant, ont rêvé de posséder enfin leurs propres instances souveraines, même dans les trains qui les emmenaient vers l’enfer. Maintenant que nous les avons constituées et qu’elles sont un modèle du genre, nous ne laisserons ni ce Premier ministre ni un autre, ni aucun président les critiquer pour échapper au sort qu’ils méritent.

 

En Europe, les gouvernements se montrent incapables d’empêcher les attentats collectifs islamiques, ni de contester aux gangs islamo-mafieux les territoires dans lesquels ils se sont installés en périphérie des grands centres urbains. Les théories selon lesquelles il existerait un plan musulman pour s’emparer des démocraties occidentales n’ont pas lieu d’être. Les gangs en question ne sont pas organisés pour renverser la démocratie mais pour dénier l’application de ses lois et de son ordre dans les zones où ils sont établis.

 

Ils ont toutefois un effet politique dissuasif sur les gouvernants, en cela que ces derniers craignent sans cesse un soulèvement généralisé des "banlieues". Ils croient pouvoir l’empêcher en limitant le soutien public qu’ils apportent à leurs forces de maintien de l’ordre, et en s’abstenant de prendre des décisions, à l’international, qui pourraient froisser la sensibilité des musulmans.

 

En France, les media, dans le même souci que leur gouvernement, ne relatent plus les émeutes qui secouent régulièrement les territoires perdus de la République, comme ce fut par exemple le cas au début de ce mois de décembre à Asnières-sur-Seine   [https://www.youtube.com/watch?v=sLsCoM45tms].

 

Cette situation influence de plein fouet la situation des citoyens juifs ainsi que l’attitude de la presse à l’égard du différend israélo-palestinien. Suivant l’impulsion de l’agence de presse semi-publique AFP, la relation des évènements du Proche-Orient est de plus en plus biaisée.  Des règles journalistiques ségrégationnistes à l’encontre d’Israël sont unanimement adoptées et des transgressions linguistiques systématiquement employées pour stigmatiser l’Etat hébreu et favoriser ses adversaires.

 

On note, dans le même élan, une inquiétante banalisation de l’expression antisémite, florissant à tous les niveaux de la société. Elle est accompagnée par la résurgence en force de l’extrême droite, en réaction à de grandes vagues d’immigration incontrôlées et porteuses de violence. C’est le cas notamment en Suède, Autriche, Allemagne, Hongrie, Pologne et en France.

 

Ces perspectives globalement peu encourageantes ne m’empêcheront pas de souhaiter à tous les lecteurs de la Ména ainsi qu’à ses collaborateurs une nouvelle année de santé, de qualité et d’amour.

 

Michaël Béhé à Beyrouth (analyste politique, chef du bureau libanais de la Ména)

 

Le Liban va mal. Certes, c’est une constante. Mais avec le retour des miliciens chiites du Hezbollah au bercail, au fur et à mesure que la Guerre Civile syrienne se tasse, l’emprise iranienne sur le pays aux cèdres se fait toujours plus lourde et asphyxiante.

 

Nous sommes, en pratique, un Etat occupé par l’Iran, par Hezbollah interposé. Ce dernier phagocyte notre armée, l’utilise contre la résistance sunnite en Syrie et l’instrumentalise face à Israël dans le Sud, dans des uniformes de l’Armée, sous le nez des casques bleus.

 

De plus, les Hezbollani se battent sur le Golan contre la résistance syrienne, aux côtés des Pasdaran iraniens, à 15 kilomètres de la frontière de l’Etat hébreu. Au moindre faux pas, ou si Israël décide que la mascarade a trop duré, la guerre éclatera : tout le monde est conscient ici que ce n’est qu’une affaire de temps.

 

Les entrepôts chiites regorgent d’armes et de munitions, même en plein centre de Beyrouth et dans des caves. Les sunnites, les chrétiens et les Druzes redoutent le moment où le pays sera entraîné dans un conflit qu’il ne peut pas gagner et qui ne concerne pas 75 pour cent de ses habitants.

 

On sait aussi que la riposte de Tsahal sera terrible, qu’elle fera des milliers de morts et qu’elle nous renverra au temps des arcs et des flèches. La grande question étant de savoir ce que décideront le Général Aoun et les chefs des communautés non-chiites du Liban. S’ils ne se joignent pas à la guerre contre le Hezbollah, s’ils trichent, nous aurons, en plus des Israéliens, la quasi-totalité du monde arabe contre nous.

 

C’est ce qui pousse un grand nombre de patriotes libanais à renseigner les Israéliens sur les activités des chiites et de leurs parrains iraniens. Certains sont pris, mais cela ne décourage pas les autres. On en trouve partout, à tous les échelons de la classe politique, des militaires et du renseignement.

 

Les non-chiites tentent d’obtenir des garanties de neutralité de la part du Hezb pour sauver le Liban ; nous appelons cela pudiquement la « distanciation ». Mais les chances de parvenir à un compromis sont chimériques, la milice de Nasrallah existant pour servir les intérêts de Téhéran et pas ceux du Liban.

 

Espérons que le désastre ne se produira pas en 2018 et qu’à force de le repousser, il finisse par disparaître. En vous rappelant l’importance énorme de la Ména et la nécessité presque stratégique pour les hommes libres de bonne volonté qu’elle continue de croître, je vous souhaite à toutes et à tous une bonne nouvelle année.

 

Sylvie Tobelem en Israël (1ère assistante de rédaction)

 

En 2017, avec l’aide précieuse d’une assistante et d’autres tâches à remplir, nous avons fait de notre mieux pour donner satisfaction aux abonnés de la Ména. Je saisis l’occasion pour présenter mes excuses pour les retards que certains ont connus et pour les rares cas encore en traitement. Mais aussi pour vous encourager à payer régulièrement le prix de vos abonnements, pour ne pas hésiter à contracter des abonnements Amis de la Ména et à acheter des actions de notre agence, car ils sont les seuls garants de notre indépendance absolue. Celle qui nous permet d’être ce que nous sommes dans le paysage médiatique et d’ignorer les affres du politiquement correct.

 

J’ai l’impression que cette année, nous avons encore progressé, tant par la qualité de nos analyses que par nos reportages exclusifs en provenance des divers champs de bataille. J’en profite pour remercier nos cartographes, que l’on réveille à n’importe quelle heure de la nuit et qui fournissent un boulot d’une précision qui estourbit nos confrères.

 

Avec l’impression de faire quelque chose d’utile, et la certitude que notre relation de confiance a un sens, je vous envoie à tous mes vœux sincères de bonheur pour 2018.

 

Perwer Emmal (correspondant aux Kurdistans syrien et turc)

 

Les fusils sont sur le point de se taire en Syrie. La quasi-totalité des terres situées au nord de l’Euphrate se trouve entre les mains des Kurdes. Les Américains sont sur le point d’effectuer une importante réduction de leurs forces dans la région.

 

C’est le moment où chacun fait le bilan de la bataille pour son compte. Nous, les Kurdes, nous rappelons qu’il y a à peine plus de trois ans, l’Etat islamique occupait 60 pour cent de Kobané et toutes les provinces qui l’entourent. Nous nous battions le dos au mur, sur la frontière avec la Turquie, qui aidait nos agresseurs autant qu’elle le pouvait.

 

Notre situation stratégique est incomparablement préférable aujourd’hui. Le Rojava a presque quintuplé de volume. Notre petite armée, les Unités de Protection du Peuple (YPG), est passée de 15 à 50 000 combattantes et combattants, bien mieux équipés et entraînés.

 

Nous avons réalisé ces transformations tout en conservant nos principes démocratiques et sans sombrer dans la barbarie au combat.

 

Et pourtant, le gouvernement U.S. nous a informés qu’il cessait de nous livrer les armes et les munitions nécessaires à notre défense, nous laissant seuls face à l’Armée d’al Assad, à ses protecteurs russes, à ses alliés de l’Armée régulière iranienne et à leurs milices chiites iraquiennes. Et surtout, vulnérables face aux avions du dictateur Erdogan qui, non content d’occuper une partie du Rojava, menace chaque semaine de nous exterminer.

 

Heureusement, à ce propos, que la Ména existe et qu’elle est beaucoup lue, car sans elle, l’information ne dépasserait pas le Bosphore. Les Américains et les Européens refusent de réagir aux menaces de celui qui se prend pour le sultan d’un nouvel empire ottoman et préfèrent ne pas en parler. Si l’information circulait, les dirigeants du monde libre et de l’OTAN ne pourraient justifier aux yeux de leur opinion publique le maintien d’une alliance avec une brute épaisse de ce calibre.

 

En Turquie, nos frères kurdes sont persécutés à coups de bombardement aériens. En Iran, ceux qui revendiquent notre identité se retrouvent pendus au filin des grues. Suite à un autre lâchage de nos alliés américains et européens, les Kurdes irakiens, qui avaient déclaré leur indépendance, se retrouvent dans une situation militaire des plus délicates. Quant à nous, minorité devenue partie incontournable des négociations sur l’avenir de la défunte Syrie, nos perspectives, pour être franc, sont encore mal définies.

 

Je tiens à remercier les lecteurs de la Ména et mes confrères, pour m’avoir sans cesse soutenu et m’avoir donné la possibilité de faire entendre la voix étouffée de mon peuple. Que vive l’amitié profonde qui unit les Kurdes et les Juifs, elle est l’une des clés des espoirs du Moyen-Orient ! Que la paix arrive, qu’elle panse les blessures de la guerre et qu’elle amène la sérénité aux familles des morts.

 

Olivier Katz à Jérusalem (rédacteur-relecteur)

 

Nous vivons une époque formidable. Formidable certes, mais au sens originel du terme, c’est à dire redoutable. L’année qui s’achève a cassé tous les codes que le monde avait mis en place depuis des millénaires :

 

- L’énergie d’origine fossile vit ses derniers moments, tout comme la voiture à essence et chauffeur, qui va rapidement disparaître du paysage, permettant d’envisager à court terme une énergie gratuite et un mode de transport écologiquement responsable et urbainement acceptable.

 

- L’avènement des cryptomonnaies, et leur parcours pour le moins erratique, ouvrent une ère nouvelle dans les échanges interhumains.

 

- Mais la technologie disruptive majeure, qui est déjà en train de révolutionner le monde est l’Intelligence Artificielle. Le monde est arrivé à la phase finale de l’affrontement Homme-machine, et depuis que le champion du monde de Go s’est fait battre par Alpha-Go de Google Deep Mind, la machine a gagné tous ses combats avec l’humain sur le plan de la connaissance pure. Il lui reste à acquérir la conscience, ce qui prendra très peu de temps1.

 

Cette intelligence artificielle va faire disparaître des centaines de milliers d’emploi, dont le renouveau de type schumpétérien n’est absolument pas assuré.

 

Elle est également à l’origine des progrès fulgurants de la recherche militaire, et permettra aux pays les plus en phase avec cette nouvelle donne de prendre une avance irrattrapable sur le reste du monde. Cela va nécessiter des sacrifices éthiques majeurs (transmission de data exhaustives, soumission de l’homme à la puissance des machines, acceptation de l’hégémonie des GAFA – Google et consorts –, augmentation du QI de la génération suivante par tous les moyens déontologiques ou non). Cela permettra aux plus forts de survivre en s’appuyant sur cette Intelligence Artificielle, et obligera les moins préparés à subir le joug de la machine, dans un statut de « dhimmi humain ».

 

Pour tous ceux qui vous disent : « jamais je ne pourrai accepter ce pacte avec le diable » … demandez-vous plutôt si cette attitude ne vous condamne pas inexorablement à faire partie de la catégorie « exploités ».

 

Alors, est-ce que c’est bon pour Israël ?

 

Ce petit pays au faîte de toutes les technologies récentes, grâce aux milliers de start-ups locales, a déjà intégré dans ses programmes toutes ces informations et prépare très activement la guerre sans humains sur le terrain, l’éducation individualisée, l’homme bionique, et la vie éternelle. Bonne année 2018 à tous !

 

Note1 :

Pour tous ceux qui ne maîtrisent pas le concept, il est urgent de se plonger dans le livre de Laurent Alexandre « La Guerre des intelligences », Editions JC Lattès.

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