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L'histoire du départ de la communauté juive de Safi, par Soly Azran

L'histoire du départ de la communauté juive de Safi, par Soly Azran

D'après les histoires de la famille Raphael Azran - Chapitre ¼

 

"Vous devez venir chez le photographe!"

Un nombre important de Juifs de la ville sont déjà partis et ont immigré vers la Terre Promise. Désormais, tout celui qui part, le fait de son plein gré, contrairement aux fois précédentes, où il partait par nécessité, en raison d'un événement tragique, de dangers encourus ou de menaces diverses. La plupart des juifs de la communauté se sont inscrits à ce voyage et il ne restait plus qu'à coordonner l'heure de départ de chaque groupe de familles.

La ville entière s’est lancée dans une activité secrète pour la préparation et l’organisation de l’Aliyah (immigration), y compris nos amis musulmans qui nous ont aidés à préparer les caisses qui embarqueront avec nous à notre départ de cette terre.

Cette terre, qui nous a accueillis pendant des milliers d'années. Elle nous a protégées pour exister jusqu’à ce moment et en arriver là. Nous ne sommes pas partis avec le cœur plein de haine, mais plutôt avec un sentiment mêlé d'inquiétude pour un avenir inconnu.

Oui, nous sommes partis avec le désir profondément enraciné dans nos veines du maxime de "l'année prochaine en Israël", avec cette aphorisme qui nous tient depuis l'exil du maléfique Titus, qui a pris nos ancêtres et même nous comme esclaves, dans les années 70 après JC tout au long de l'Afrique du Nord, jusqu'à ce que nous soyons débarqués ici, au pays de Barbarie – anciennement le Maroc.

Au final, il est pénible de quitter son lieu de vie après 2000 ans. Se levez un beau matin pour tout quitter et suivre nos doyens pour nous rendre dans notre pays bien-aimé, mais inconnu. Mais au sujet de la Terre d'Israël, la perception des Sages du Maroc quant à sa sainteté, ses vertus et l'importance de l’Aliyah en Eretz Israël est majeure car c'est le lieu de la Présence Divine et de la rédemption spirituelle.

Chaque fois que je rencontrais un ami juif en ville, un seul sujet a notre bouche avec une multitude d’interrogations : où se procurer des choses ? Qui allait être du voyage ? Qu’emporter ? Que laisser ? Qu’est ‘il préférable sur l’autre ? Où s’installer dans notre pays ? Encore des milliers de questions des plus élémentaires aux plus déterminantes.

C’est la période de fin d’année scolaire 1964. Je suis en terminale dans la ville voisine, qui est située à environ 150 km au nord de ma ville natale: Mazagan, la ville d'El-Jadida (j’en parlerai dans une autre occasion). En effet, il n’y a pas de lycée dans notre ville et celui qui achevait la classe de troisième complémentaire et le BEPC, devait déménager dans les villes voisines et vivre dans un internat durant 3 ans et après cela il fallait partir du Maroc pour l’Europe afin d'obtenir n’importe quel diplôme universitaire.

Moi, le petit Soly, j'ai grandi « sur les genoux » du sionisme et le rêve de retourner en Israël était une sorte de revanche pour le fait que mes parents me ramenèrent d’Israël au Maroc en 1952.

Oui, mes parents m'ont emmené en Israël à la fin de 1948,  je suis passé par l'indépendance de l'État jusqu'aux années d'austérité et de famine de la période de Dov Yosef, Ministre de l'Économie d’Israël. On l'appelait «M. je n'ai pas», parce que chaque ministre qui demandait un budget, il prétendait qu'il n'avait pas. On appela cela la "période Dov Yosef".

Mes parents ne pouvaient pas faire face à l'austérité et le rationnement limité de l’état qui ne suffisait pas. D’autant plus que la plupart de la famille était restée derrière nous au Maroc et certains proches dépendaient financièrement de mon père Raphael. Ainsi, ils se sont alors à contre cœur résolus de retourner au Maroc. Je présenterai ce chapitre de notre implantation en Israël sur une page séparée en raison de sa longueur et de l’importance fondamentale dans ma vie.

Je retourne à la fin d’année scolaire. La situation fut que mon frère Jacky avait déjà immigré en Israël en intégrant un groupe d'étudiants qui partaient du Maroc vers Israël. Il s'agit du premier groupe d'étudiants organisé sous le nom de "Groupe Oded", qui a immigré directement pour vivre à Jérusalem.

Plus tard, s’avérera l'importance de l'événement dans son influence sur ma mère d'accepter d'immigrer en Israël.

Durant toute l'année précédente, mon père et moi avons tentés de persuader ma mère d'accepter l’idée de nous inscrire chez les sionistes et de rejoindre nos proches au pays. Ma mère refusait catégoriquement et ne voulait pas en entendant parler. Elle est restée avec l’amer souvenir de la première tentative israélienne et ne voulait pas y retourner. Elle redoutait une aventure sioniste difficile et menaçante. Alors nous avons mené un réel travail psychique pour la pousser à accepter l’idée d’un départ et la libérer de son opposition à l'idée d'Israël. Je lui ai parlé du fait que mon frère Jacky, son fils chéri, est arrivé en Israël et qu’il avait débuté ses études à la fameuse université de Jérusalem.

Mon oncle Maurice Cohen et ma tante-sa-sœur Madeleine qui venaient d’immigrer vers Ashdod, se sont bien installés et ont tissés des liens bénéfiques avec cette ville. Ils ont entrepris une campagne de pression sur les sentiments avec des lettres ventant notre beau pays, ils parlaient surtout sur les pénibles langueurs  et aussi qu’ils se portaient fort de nous soutenir en tout lors de notre arrivée sur place. Malgré cela, le refus puissant persistait, à tel point que mon père perdit tout espoir qu’un jour nous retournerions sur notre terre, lui, qui n’avait jamais voulu revenir au Maroc.

J’étais très déçu, moi qui voulais rejoindre mon frère, qui était le meilleur ami que j’ai eu de ma vie ! Donc, j’ai dis à ma mère qu’elle ne pourra plus jamais revoir son fils si nous n’immigrons pas en Israël. J’avais répété cette phrase plusieurs fois en espérant que cela trouvera son chemin droit au cœur. Elle-même, était désorientée s’il fallait partir et rejoindre Jacky. Cette décision voulait dire pour elle, qu’elle abandonnait sa fille, Rachel, qui s’est mariée récemment et habitait à Casablanca. Je lui expliquais pourquoi c’était claire de choisir de nous joindre à son fils, car il n’y avait aucune menace ou danger pour ma sœur, étant française par son mariage à Samy Sultan, citoyen français depuis plusieurs générations.

Les attendrissements envers Jacky ont commencés à faire leurs effets dans les pensées de Sol, elle passait le temps à pleurer et se lamentait comment est-elle arrivée a ce dilemme et de prendre une décision dramatique pour toute sa famille. Mon père, Raphael et moi, le grand garçon qui les accompagne, vivions dans l’attente et temporisions ce qu’elle déciderait. Cette décision qui tarde à venir, jusqu'un matin ce miracle se produit !!

Ma Mère Me Réveilla : « Lève-toi mon fils, viens et emmène-moi chez le photographe »

Je croyais que j'étais mort. J’étais paralysé. Soudain, je me figeai dans mon lit. Comment fais-je? Quoi faire? J'étais complètement vague et amorphe, jusqu'à ce qu'une odeur me vienne de la cuisine de mon plat préféré - ce « Pain Perdu - Kh’dod Juana » - qui me ramena immédiatement à la réalité. Ce matin-là, je ne sais pas comment en quelques secondes j'étais habillé et astiqué, prêt à partir à une vitesse record. En une seconde je réalisais, que mon destin et celui de toute ma famille allaient changer et que cette partie de notre histoire et de notre vie allait prendre une nouvelle tournure.

Ce matin-là, mon humeur était au Zénith.

Premièrement, parce que j'accompagnais ma mère, et deuxièmement, parce que c'est là que mon fantastique rêve commence à se réaliser.

Notre projet sioniste s’était figé parce que Raphaël ne pouvait pas faire le passeport de ma mère sans avoir ses photos d'identité. Il s'est assuré de préparer les notre, pour tous, mais pas pour elle et pour son fils, notre petit frère Benny de 3 ans, qui devait être relié au sien.

Vous n'avez jamais vu un jeune-homme aussi fier de tenir la main de sa mère que moi ce jour-là.

Pendant tout le chemin au photographe, j'étais prêt à balayer la chaussée devant elle, à empêcher les mendiants de l'ennuyer, à la serrer dans mes bras pour qu'elle ne trébuche pas et surtout que nous atteignions le photographe marocain, Ismail, dont le magasin n'était pas loin du magasin de mon père, Raphael.

Nous l'avons trouvé.

Dieu merci, il était là, oisif. Il a sauté en voyant Sol, ma mère. «C'est un grand jour, Madame Sol. Je suis honorée de votre présence. Qu'est-ce qui peut vous rendre heureuse? »  Et c'est exactement ce que je voulais qu'il fasse, la flatter suffisamment pour ne pas changer d'avis.

Avec la tension de ces dernières minutes, je lui ai dit de préparer rapidement l'écran pour des photos d'identité. J’allais entrer et m'asseoir avec lui jusqu'à ce que la photo soit développée. Ismail a pris des clichés d'elle et nous sommes partis rapidement pour qu'il puisse faire son travail. J'ai accompagné ma mère à la maison.

Pendant tout ce temps, je n'ai pas dit un mot. J'étais tellement absorbé par la réflexion sur la façon dont toute cette action allait se dérouler et aussi par où commencer. Je suis immédiatement retourné chez Ismail, avec mon petit frère Benny, pour une autre séance photo.

Je restais avec le photographe, attendant que les tirages soient prêts.

Je les ai emmenées chez ma mère, pour les lui montrer. Elle a donné son accord pour les remettre à Raphael, mon père, afin de préparer le passeport marocain tant attendu, mais pas avant qu'elle nous ait fait jurer mon père et moi, que notre ville de résidence en Israël sera impérativement : Ashdod.

Ce jour-là, le chemin vers l’atelier de tailleur de Raphaël me parut très long. Le soleil était heureux pour moi et brillait avec la lumière du mois d'août dans toute sa splendeur. Mon père s'est immédiatement rendu compte, en voyant l’éclat de mes yeux, que quelque chose d'important allait arriver. En entrant dans le magasin, il a immédiatement laissé les ciseaux et vient vers moi. Voyant l'enveloppe d'Ismail dans mes mains, il a sauté sur moi et m'a étreint de bonheur si fortement presqu’a l’étouffement.

Mon père et moi avions un lien si bien profond que nous pouvions nous comprendre même sans parler.

Sa joie était sans limite. Il a immédiatement demandé à Al-A’rbi, son assistant, de s'occuper de la fermeture du magasin et de se rendre chez nous. Puis il est allé directement à la municipalité de Safi, au bureau des passeports, et ainsi, en une semaine, le passeport de ma mère était prêt.

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