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Maroc : « Le souverain s’est refusé à faire la différence entre ses sujets »

Maroc : « Le souverain s’est refusé à faire la différence entre ses sujets »

ENTRETIEN. Le roi Mohammed VI a mis en exergue les juifs marocains dans son discours du 20 août dernier. Le professeur Mohammed Kenbib nous restitue leur histoire.
Propos recueillis par Malick Diawara

Du discours du Trône de juillet à celui dédié à l'ouverture de la session parlementaire d'automne, plusieurs sujets et thèmes ont été mis en avant par le roi Mohammed VI : code de la famille pour une meilleure égalité homme-femme ; mesures économiques pour contenir l'inflation, conséquence de la guerre russo-ukrainienne ; poursuite du chantier de la protection sociale ; apaisement des tensions avec le voisin algérien ; importance de la clarification des positions de divers pays sur la question du Sahara désigné comme « le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international » ; enfin, priorité à l'eau et à l'investissement. Il en est cependant un qui a été remarqué notamment dans le discours du souverain chérifien prononcé le 20 août dernier : celui concernant les juifs marocains. Inscrit dans la volonté de Mohammed VI de voir, selon ses propres mots, « resserrés institutionnellement les liens entre les Marocains du monde et leur patrie, y compris avec les centaines de milliers de juifs marocains à l'étranger », ce sujet réveille des pans entiers de l'histoire du royaume chérifien, notamment celui-ci, essentielle autour de la question de savoir quelle a été la trajectoire de vie des juifs du Maroc sous la dynastie alaouite. Professeur émérite d'histoire, auteur de l'ouvrage de référence Juifs et musulmans au Maroc, des origines à nos jours, dans la collection Histoire partagée chez Tallandier, directeur de l'Institut Royal pour la Recherche sur l'Histoire du Maroc - Académie du Royaume du Maroc, Mohammed Kenbib a accepté de répondre à nos questions et ainsi expliciter pourquoi et comment ce sujet est partie intégrante de l'Histoire du Maroc.  

Le Point Afrique : Vous avez consacré plusieurs années de recherches aux relations entre musulmans et juifs dans le royaume du Maroc. Pouvez-vous nous indiquer les principaux fondements et les manifestations de leur cohabitation au fil des siècles ?

Professeur Mohammed Kenbib : Évoquer une telle cohabitation sur le long terme mériterait de longs développements. Rappelons que la présence de juifs dans le pays remonte à plus de 2 000 ans. Elle a été marquée dans les temps anciens par un processus de « berbérisation des juifs et de judaïsation des berbères ». Des juifs continuent d'ailleurs de porter aujourd'hui des noms à consonance berbère. À ceux qui se considéraient comme des autochtones (Tochabim) se sont ajoutés au Moyen Âge des coreligionnaires fuyant les persécutions wisigothiques, puis ceux qui ont été expulsés d'Espagne (Meghorashim) et du Portugal à la fin du XVe siècle. Des Marranes (groupe auquel appartenait la famille de Spinoza et, dit-on, celle de Montaigne) leur ont emboîté le pas à une époque ultérieure. C'est dire qu'il y avait diversité au sein même des communautés juives. Leurs membres avaient le statut de « dhimmis » (protégés canoniques selon les stipulations de l'islam).

S'agissant des fondements des rapports judéo-musulmans, il faudrait mentionner brièvement : l'enracinement même des communautés juives dans le pays ; la vie sur le temps long dans le cadre d'un même État et l'allégeance à un même souverain ; des convergences et des influences réciproques au niveau de la religiosité populaire, notamment pour ce qui est du culte et de la recherche de la baraka des saints et des saintes (dont certains étaient communs et vénérés par tous) ; un fort sentiment d'appartenance commune face aux calamités naturelles, principalement la sécheresse, et aux menaces d'invasion espagnole, portugaise et autre.

Sur le plan économique, la complémentarité avait une dimension agricole puisque des associations en matière de culture et d'élevage existaient entre fellahs musulmans et commerçants ou maîtres – artisans juifs. Symbole de cet état de fait et du sentiment d'interdépendance qu'elle impliquait : les prières, les jeûnes, les processions rogatoires, l'imploration de la miséricorde divine par les musulmans et les juifs en période de sécheresse.

En matière de commerce à longue distance, les juifs de Sijilmassa et d'ailleurs étaient familiers des circuits caravaniers. Ils étaient avantagés par la présence de coreligionnaire à Tombouctou, par exemple. Il en était de même dans les échanges maritimes à partir notamment des XVIe-XVIIe siècles. Au XVIIIe siècle et première moitié du XIXe, les marchands juifs les plus entreprenants se trouvaient, comme leurs homologues musulmans, au cœur du système dit des « toujjar - sultan » (« négociants du Roy »), et d'exploitation de toutes sortes de monopoles. Ils opéraient parfois en « joint ventures ».

L'opulence de ces éléments formait un saisissant contraste avec les difficiles et précaires conditions de vie des masses juives (colporteurs, petits artisans, cordonniers, portefaix…). Leur sort était comparable à celui de l'écrasante majorité des petits fellahs.

Pour synthétiser tout cela, retenons le témoignage d'une grande et attachante figure du judaïsme marocain contemporain, le regretté Edmond Amrane El Maleh. Lors d'un colloque organisé à la Faculté des lettres de Rabat en 1995, il s'était exprimé en ces termes : « (Il y avait naguère au Maroc) cette façon naturelle, spontanée d'être juif, juif d'Essaouira, Marrakech, Demnate, Taroudant, etc. Aussi naturelle que le fait d'exister… (Il y avait aussi) cet univers immergé dans une société fondée sur un islam ardent et rigoureux, cet univers tout aussi intensément imprégné de spiritualité religieuse, réglée dans ses moindres détails par le judaïsme marocain, un des plus riches de la judaïté, un univers vivant autour de la parole sacrée qui n'a jamais été un univers clos. »

Dans son discours du 20 août, à l'occasion de la Fête de la révolution du roi et du peuple, le roi Mohammed VI a particulièrement insisté sur des dispositions qui montrent l'importance attachée à la composante juive de la population marocaine. Quelle a été l'évolution de cette composante sous les règnes des souverains alaouites ?

Si l'on se limite à l'ère contemporaine et au temps présent, il est sans doute possible de vous répondre en rappelant que Sa Majesté le roi Mohammed VI n'a cessé, depuis qu'il était prince héritier, de témoigner sa sollicitude à l'égard des juifs marocains où qu'ils soient. La Constitution du royaume adoptée en 2011 leur inspire une grande fierté et fortifie leur sentiment d'appartenance.

Sous la houlette du roi Mohammed VI, la Constitution du Royaume adoptée en 2011 stipule en son Préambule :  « Etat musulman souverain…, le Royaume du Maroc entend préserver son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s’est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde ». 

Cas exceptionnel dans le monde arabo-musulman, son Préambule stipule : « État musulman souverain…, le Royaume du Maroc entend préserver son identité nationale une et indivisible. Son unité, forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, s'est nourrie et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen. La prééminence accordée à la religion musulmane dans ce référentiel national va de pair avec l'attachement du peuple marocain aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les cultures et les civilisations du monde. »

Feu le roi Hassan II, président d'honneur en tant que prince héritier d'Al Wifaq à la fin des années 1950, encourageait les citoyens musulmans et juifs à s'imprégner des valeurs de cette association prônant la concorde intercommunautaire et l'attachement à l'identité marocaine. Après son accession au Trône, il a continué à accorder une grande attention à ces derniers au Maroc même et là où ils étaient établis. Lors de ses visites en Europe et aux États-Unis, par exemple, il recevait en audience leurs délégations et déclarait qu'il les considérait comme autant d'ambassadeurs de leur pays natal. Tout le monde reconnaît par ailleurs le rôle que fut le sien dans la quête d'un règlement pacifique du conflit israélo-palestinien. En témoigne notamment la part prééminente qui fut la sienne dans les résolutions de divers Sommets arabes et islamiques tel celui de Fès en particulier. Rappelons également qu'il était président du Comité al Qôds.

Son prédécesseur, feu le roi Mohammed V, a quant à lui pris courageusement position, pendant la Seconde Guerre mondiale, contre la mise en application des lois raciales de Vichy. La mémoire collective des juifs marocains ici même et à travers le monde garde vivace le souvenir de la protection de ce souverain leur ayant permis de traverser indemnes la terrible tourmente de la Seconde Guerre mondiale et d'échapper à « la nuit et brouillard » ayant happé des millions de leurs coreligionnaires en Europe.

L'attention portée par ces trois souverains aux juifs du pays s'inscrivait et continue de s'inscrire en fait, sur la longue durée et dans la continuité de celle de leurs prédécesseurs, quelles que soient les différences d'époques et de contextes. Que l'on pense à cet égard au sultan Sidi Mohammed ben Abderrahmane (1859-1873) exhortant les agents de l'État à observer scrupuleusement, sous peine de sanctions, les stipulations du dahir qu'il a scellées en février 1864 :

Ce rescrit leur ordonnait de « traiter les juifs, dans toute l'étendue de nos États, comme le prescrit le Tout-Puissant en leur appliquant, dans l'administration, la balance égale de la justice entre eux et ceux qui ne sont pas juifs, de sorte qu'aucun d'eux ne soit victime de la plus infime injustice, que nul mal ne les atteigne et que ni les (agents du Makhzen) ni quiconque ne puissent leur faire du tort ni dans leurs personnes ni dans leurs biens… Nous nous opposons (à toute injustice) car tous les hommes sont, à nos yeux, égaux en justice. En conséquence, nous punirons, avec l'aide de Dieu, quiconque commettra une injustice ou fera du tort à un Juif ».

En remontant plus en amont, il conviendrait de mentionner aussi l'orientation en la matière du sultan Moulay Ismaël, cofondateur de la dynastie alaouite et contemporain de Louis XIV. L'un des argentiers juifs avait été comparé à Colbert par un consul étranger. L'on notera, à titre d'exemple, que ce souverain prenait la défense de ses sujets victimes de tracasseries lors de leurs séjours en Europe. Au cours d'une audience orageuse, il avait ainsi lui-même reproché en termes très vifs à un ambassadeur anglais reçu en audience à Meknès (1718) l'expulsion de sujets juifs de Gibraltar et la saisie de leurs biens « afin de respecter les articles de paix avec l'Espagne, alors (qu'ils) y vivaient tranquillement ».

Son propre envoyé à Londres en 1726 réitéra ces reproches au duc de Newcastle : « L'empereur mon maître (m'a donné des instructions) afin que je parle en faveur des juifs qui sont à Gibraltar, que personne ne les en fasse sortir, ni prétendre leur faire aucun tort. Cependant m'est venue la nouvelle de cette même place que le gouverneur les en a fait sortir. C'est pourquoi je souhaite avoir un ordre tant au gouverneur d'à présent qu'à tous ceux à qui on aura donné le gouvernement de Gibraltar, et que cet ordre reste entre nos mains afin que nous n'ayons pas besoin de ire de paroles avec eux. »

Faisons un saut dans le XXe siècle et la période du protectorat... Quel a été le régime appliqué aux juifs marocains entre 1912 et 1956 ?

Le discours prononcé à Tanger en 1913 par un juif marocain établi à New York et faisant de l'import-export avec son pays natal, Haïm Tolédano, en sa qualité de président de l'association des anciens élèves des écoles de l'Alliance Israélite Universelle, reflète en tant que tel et avec une sorte de prescience aiguë ce qui allait advenir après 1912 : « L'ère nouvelle qui s'ouvre actuellement pour le Maroc, avait-il déclaré devant ses condisciples, est grosse d'une vie nouvelle… Sauf ceux qui se sont déjà taillé des situations à l'abri de tout assaut, la masse des Israélites indigènes va éprouver à bref délai la pression économique du nouveau régime… Je m'abstiens, ajouta-t-il, de toucher ici aux questions d'ordre social, peut-être faudrait-il dire plus exactement racial, intimement liées aux faits d'ordre économique. »

Au nombre des faits essentiels de la période 1912-1956 ayant affecté quasiment toutes les populations du pays, musulmanes et juives, figurent effectivement les transformations générées par le régime colonial. S'agissant spécifiquement des communautés juives, seraient à mentionner parmi les retombées les plus patentes de ces mutations la fin du quasi-monopole qu'exerçaient auparavant les négociants juifs les plus dynamiques sur les échanges maritimes, ainsi que les difficultés de leurs coreligionnaires artisans (au même titre que les musulmans) plongés dans le marasme du fait de la concurrence de produits manufacturés européens et japonais bénéficiant du régime dit de la « porte ouverte » institué par la convention internationale d'Algésiras (1906).

Autres données majeures : l'anachronisme ou l'obsolescence des activités de colportage dont vivaient un grand nombre de familles juives, et la paupérisation des fellahs écrasés par le tertib (impôt agricole) et victimes de la mainmise des colons sur les terres les plus riches. Or, les petits paysans représentaient avant leur dépossession et leur prolétarisation la principale clientèle des artisans, des colporteurs, des « soukiers » et des petits usuriers juifs du Maroc précolonial.

Qu'en est-il exactement de la situation des juifs marocains sous le régime de Vichy ? On sait que celui-ci a abrogé le décret Crémieux en Algérie et essayé de mettre en place au Maroc, en zone française du protectorat, un dispositif législatif inspiré du Statut des Juifs promulgué en France.

C'est indéniablement leur statut de sujets marocains qui les a mis à l'abri d'un sort comparable à celui de leurs coreligionnaires européens. C'est à ce titre, et parce qu'ils étaient ses sujets, que le sultan Sidi Mohammed ben Youssef les a protégés.

Après « l'étrange défaite », comme Marc Bloch qualifie la débâcle française de juin 1940, le régime de Vichy a en effet chargé le Résident général Noguès, nommé à Rabat en 1936 par Léon Blum, de mettre en place un dispositif législatif inspiré du Statut des Juifs promulgué en France et d'appliquer en zone française du protectorat le numerus clausus et les lois d'aryanisation des biens.

Au cours de ces années de grand désarroi, ce fut effectivement auprès du sultan que les juifs marocains trouvèrent leur protecteur. En sa qualité de chef de l'État marocain, il fut leur ultime recours contre les tentatives d'application au Maroc de lois raciales de Vichy. Des délégations de leurs notables se succédaient au palais pour l'implorer en sa qualité de chef politique et spirituel du pays. Ses prises de position allèrent de fait dans le sens qu'ils souhaitaient.

Une dépêche de l'Agence française d'information datée du 25 mai 1941 rapporta ainsi : « On apprend de bonne source que les rapports entre le sultan du Maroc et les autorités françaises se sont sensiblement tendus depuis le jour où la Résidence appliqua les mesures contre les juifs. (Le souverain s'est) refusé à faire la différence entre ses sujets, tous, disait-il, loyaux… »

Les Renseignements généraux de Vichy recueillirent l'écho que cette prise de position eut en France même : « On prétend dans les milieux juifs (de la zone libre), indique à ce sujet un rapport en date du 29 mai 1941, que le sultan du Maroc s'est refusé à appliquer les lois françaises antijuives sous prétexte qu'il ne voyait aucune différence de loyauté dans ses sujets. On loue (ce) souverain et on déclare ouvertement que le gouvernement français pourrait lui demander des leçons de tolérance. »

Des notabilités juives informèrent de ce fait le Congrès juif mondial : « Sidi Mohammed, que Dieu le glorifie et prolonge son règne, n'a pas hésité à déclarer (à une délégation des juifs de Fès) devant des chefs du Makhzen qu'il ne saurait y avoir de différence entre ses sujets. » Et c'est vraisemblablement des assurances données par le sultan aux notables juifs et à leurs coreligionnaires que le commissaire général aux Questions juives, Xavier Vallat, effectua deux missions au Maroc pour inciter la Résidence générale à passer outre et à appliquer strictement les instructions du maréchal Pétain en matière raciale.

Les tentatives d'application des lois de Vichy ont, certes, eu des effets psychologiques importants, notamment au niveau des élites juives, au sein desquelles émergea une sorte de « désenchantement » à l'égard de la France déjà sensible dans les années 1920 et 1930 en raison du rejet de leurs demandes de naturalisation ; le sultan y étant hostile. L'impact des tentatives de mise en œuvre du numerus clausus et de l'aryanisation des biens a été, par contre, plus qu'insignifiant en comparaison de ce qui s'est passé dans la colonie algérienne et surtout la tragédie qui s'est déroulée en Europe. C'est ce qu'avait constaté « à chaud » le représentant personnel du président Franklin D. Roosevelt en Afrique du Nord, Robert Murphy

Aujourd'hui, hautement symboliques sont les traces vivaces que la mémoire individuelle et collective des juifs marocains, où qu'ils soient, garde des prises de position de Sidi Mohamed ben Youssef à l'époque de Vichy. Rien n'illustre sans doute mieux ce souvenir et la gratitude qui lui est liée que, à titre d'exemple, la cérémonie organisée en décembre 2015, dans la plus grande synagogue sépharade de New York, pour la remise à la princesse Lalla Hasnae, sœur de Sa Majesté Mohammed VI, du Prix Martin Luther King de la Liberté décerné à titre posthume à son grand-père Sidi Mohammed ben Youssef.

Quelle a été la situation des juifs du Maroc au lendemain de l'accession du pays à l'indépendance, notamment après la crise de Suez du dernier trimestre de l'année 1956 ?

Dans ce qui est advenu après 1956, il faut tenir compte de l'amorce de mutations remontant au XIXe siècle déjà du fait des pressions européennes visant la mise en dépendance du pays, des transformations économiques, sociales, culturelles et autres liées au régime du protectorat, de la Seconde Guerre mondiale, de la Shoah, de la création de l'État d'Israël, les guerres israélo-arabes (1948, 1956, 1967, 1973), et des blocages du dialogue israélo-palestinien. Autant de facteurs cumulatifs qui allaient remettre en cause, à la longue, la pérennité même des communautés juives du Maroc fortes naguère de quelque 250 000 âmes et réparties à travers quasiment tout le pays, dans les villes et les campagnes. Toutefois, il faut noter que ceux qui sont partis et leurs descendants restent attachés à la composante marocaine de leur identité et gardent d'étroits contacts avec leur pays natal. Ils expriment cet état de fait de multiples manières. Lors de la Marche Verte (1975), ils se sont ainsi mobilisés pour participer au parachèvement de l'unité territoriale du pays où ils continuent au demeurant d'affluer en masses lors des « hilloulot » célébrées autour des tombeaux et mausolées de leurs saints.

Ils sont également sensibles aux initiatives que prend Sa Majesté le roi Mohammed VI pour la restauration de leurs synagogues, l'entretien de leurs cimetières et, de manière plus générale, l'attention qu'il accorde à la composante juive du patrimoine du pays et aux musées qui lui sont consacrés. L'on ne saurait parler de ces dernières institutions, sans rappeler le rôle essentiel qu'a tenu le regretté Cham'oûne Lévy dans la fondation à Casablanca du musée du Judaïsme marocain et sa part dans la mobilisation de ses coreligionnaires d'Amérique latine et d'ailleurs autour du parachèvement de l'unité territoriale du pays et de la récupération de ses provinces sahariennes.

Des sentiments de gratitude que la haute attention que le souverain accorde à la composante juive de l'histoire, de la culture et du patrimoine du Royaume témoigne en particulier, et entre autres, une lettre collective qui lui a été adressée par de grands rabbins et des rabbins d'origine marocaine établis un peu partout dans le monde (États-Unis, Amérique du Sud, Israël, Espagne, France, Grande-Bretagne, Australie, etc.) lui exprimant leur reconnaissance et lui réitérant leur allégeance.

En reconnaissance et en remerciements de la haute attention que le souverain accorde à la composante juive de l’histoire, de la culture et du patrimoine du Royaume, une lettre collective lui a été adressée par de grands-rabbins et des rabbins d’origine marocaine établis un peu partout  dans le monde (Etats-Unis, Amérique du Sud, Israël, Espagne, France, Grande – Bretagne, Australie etc…) lui exprimant leur reconnaissance et lui réitérant leur allégeance.

C'est dans le même sens que se situe l'initiative prise par les juifs marocains de Californie. Ils ont en effet organisé en novembre 2019 à Los Angeles, en collaboration avec la mairie de cette ville, un « Salute to Morocco. Honoring a Dynasty of Tolerance ». Ce « Salute » était un vibrant hommage aux rois Mohammed VI, Hassan II et Mohammed V. Et ce, en présence de la princesse Lalla Hasnae et de l'ambassadeur du Maroc à Washington, la princesse Lalla Joumala, ainsi que du maire de Los Angeles et de près de 450 invités de marque.  

Les Juifs marocains de Californie ont organisé en novembre 2019 à Los Angeles, en collaboration avec la mairie de cette ville, un « Salute to Morocco. Honoring a Dynasty of Tolerance ». Ce « Salute » était un vibrant hommage aux Rois Mohammed VI, Hassan II et Mohammed V.

Que pouvez-vous nous dire de l'Institut royal pour la recherche sur l'histoire du Maroc (IRRHM) que vous dirigez. Quelles sont ses prérogatives et les principales manifestations inscrites à son programme ?

L'Institut relève de l'Académie du royaume du Maroc. La programmation se fait en concertation avec le Secrétaire perpétuel de l'Académie, le Pr Abdeljalil Lahjomri, qui porte une attention particulière à l'histoire et en est féru. En témoigne notamment la place que cette discipline tient dans les conférences et les sessions annuelles de l'Académie. L'une de ces sessions a porté sur « L'Afrique comme horizon de pensée ». Tout récemment, il y a eu aussi la mise en place à l'Académie d'une Chaire des littératures et des arts africains.

L'une des principales missions de l'IRRHM porte sur l'impulsion de la recherche sur l'histoire du Maroc, sur la base des critères fondamentaux de cette discipline et l'ouverture délibérée sur le reste du monde. Dans nos activités, les conférences, les séminaires et les colloques représentent autant d'occasions de contacts avec des chercheurs marocains et étrangers de haut niveau. À cette dynamique contribuent la formation de groupes de recherches sur des thèmes spécifiques et novateurs, des partenariats avec des universités et des instituts, le lancement de « chantiers » d'intérêt commun, la publication de thèses inédites, etc. De nombreux doctorants suivent les conférences et les colloques qu'organise l'Académie du Royaume. Des séminaires spécifiques sont aussi programmés à leur intention.

De manière plus générale, l'objectif est de mettre l'histoire à la portée de tous, notamment en direction de la jeunesse, voire de l'enfance, et des Marocains du monde. La tâche n'est, certes, pas aisée dans un contexte général où l'histoire, science du changement, est l'objet, un peu partout dans le monde, de remises en cause parfois radicales et de toutes sortes d'enjeux. Cela n'empêche cependant pas d'aller de l'avant et d'encourager, en particulier, l'émergence d'une jeune génération d'historiens appelés à contribuer à relever ces défis et à réaliser des avancées dans le champ historiographique marocain. Au sein même de l'Académie du royaume, le travail de l'IRRHM se fait en coordination et en synergie avec l'Institut académique des arts et l'Instance supérieure de traduction.

À ce stade, je souhaiterais que l'on terminât cet entretien par une référence à ce que Fernand Braudel, auteur de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, dit de l'histoire après avoir réfléchi à ce qui fait sa spécificité et rappelé que l'expliquer et expliquer le monde n'est pas « une mince affaire » : « Le vrai but de l'histoire, écrit-il, ce n'est peut-être pas le passé… mais la connaissance des hommes… Nous n'expliquerons l'histoire qu'en expliquant le monde… L'histoire n'est pas seulement un récit, elle n'est pas davantage une collection de faits… Elle est en prise sur la vie et, à sa limite, elle est, elle doit être la vie même. »

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