Maroc : Faut-il interdire la normalisation des rapports avec Israël ?
Fin juillet, des députés marocains, appartenant aussi bien à la majorité qu’à l’opposition ont rédigé deux propositions de loi interdisant tout rapprochement avec Israël sous peine de 2 à 5 ans d’emprisonnement et des amendes pouvant atteindre 1 million de dirhams, pour les normalisateurs qui tenteraient un rapprochement.
Ce sont en tout cinq formations politiques, PJD, PPS, USFP, Istiqlal et PAM, qui ont demandé au parlement l’adoption de ces deux propositions de loi (n° 92 et 94), lesquelles ont pour but d’interdire « les échanges commerciaux », « financiers », « bancaires et les « opérations d’assurances » avec Israël. Ce boycott concerne également « la participation de Marocains ou de résidents au Maroc dans des activités » tenues dans ce pays, avec en ligne de mire les domaines de la culture, de la politique, du sport et de l’économie. Une interdiction qui s’étend également aux échanges qui pourraient avoir lieu au Maroc, pays où les israéliens deviendront persona non grata si ces propositions de lois sont adoptées.
Du côté des sanctions, on prévoit entre « deux et cinq ans » d’emprisonnement et des amendes variant de « 100,000 à 1 million de dirham ». Les députés du PJD, PPS, USFP et Istiqlal, ont également suggéré l’addition de peines dites « accessoires ». Celles-ci sont définies par l’article 36 du code pénal comme « la dégradation civique », « la suspension de l’exercice de certains droits civiques, civils ou de famille », « la perte ou la suspension du droit aux pensions servies par l’Etat et les établissements publics », ou « la confiscation partielle des biens appartenant au condamné et la dissolution d’une personne juridique ».
Mais quelques points cruciaux méritent des éclaircissements avant l’adoption de ces deux propositions de lois… Que faire des israéliens d’origine marocaine qui vivent au Maroc sous la double nationalité et qui seraient selon Driss El Yazami, président du CCME, près de 900,000? Que faire aussi des touristes israéliens qui reviennent régulièrement au Maroc, leur terre natale, voire ancestrale ?
Qu’adviendra-t-il des fêtes communautaires et religieuses juives auxquelles participent walis et gouverneurs ? Et que dire de la présence de Benkirane lui-même à l’inauguration d’une synagogue à Fès, laquelle avait été restaurée grâce à des fonds en partie marocains ? Enfin que penser aussi de sa présence au premier rang des funérailles de Simon Levy dans le cimetière juif de Casablanca. Sans compter la présence d’Ofer Bronchtein, l’israélien présent lors du 5ème congrès du PJD en juillet 2012...
Enfin dernier épisode en date qui ne fait qu’accentuer le flou quant à l’application de ces propositions et à leur bien fondé, le voyage en Israël qu’avait effectué il y a quelques années Hakima El Hiti, la nouvelle ministre déléguée auprès du ministre de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement. Questionnée à ce sujet dans l’édition du jour du quotidien arabophone Akhbar Al youm, celle-ci se défend de toute normalisation avec l’Etat d’Israël et explique que sa visite date des années où Tel Aviv avait une antenne à Rabat. Selon elle, son voyage s’inscrit dans le cadre d’une mission scientifique qu’elle menait sur les techniques employées pour le traitement des eaux usées à des fins d’irrigation. Un déplacement effectué dans le cadre d’un doctorat qui avait pour sujet de recherche ces techniques pour lesquelles Israël a une longueur d’avance sur le Maroc et la région MENA.
Reste à espérer pour Madame la ministre que, si adoption de ces deux propositions il y a, les sanctions ne seront pas rétroactives…
Zineb Ibnouzahir Lahlou
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