Masha Amini, symbole de la contestation en Iran
David Bensoussan
L’auteur est professeur de sciences à l’Université du Québec
La répression en Iran
Une motocyclette roule dans les rues, montée par deux personnes. Celle qui est à l’arrière tient un bâton terminé par une lame. Les femmes dont le pantalon est trop court ont droit à des chevilles ensanglantées alors que la motocyclette est en marche. Cela se passe en Iran sous les auspices de la police de la moralité. La mort de Masha Amini, jeune fille kurde de 22 ans rouée de coups par la police de la moralité a déclenché une révolte des jeunes iraniens, révolte qui ne semble pas se calmer.
Le régime a réagi brutalement. Des centaines de jeunes ont trouvé la mort. Les manifestations continuent au sein d’une nouvelle génération qui refuse l’autoritarisme de style nord-coréen dans leur pays. La répression du régime en réponse aux manifestations en Iran - près d’une vingtaine depuis l’instauration du régime islamique en 1979 - a toujours été des plus cruelles. L’Iran qui compte pour 1,1% de la population du globe tient le record de 50% des exécutions. Plus de 40% des prisonniers politiques sont des prisonniers de conscience.
Masha Amini est devenue en moins de 48 heures le symbole de la résistance contre la tyrannie des mullahs. Des manifestations se sont tenues dans plus de 300 villes iraniennes. Après avoir ordonné le lancement de 73 missiles balistiques sur les sites kurdes dans le nord de l’Irak, le Guide suprême iranien Ali Khamanei a déclaré que le meurtre de Masha Amini faisait partie d’un complot visant à freiner le progrès de l’Iran, accusant l’Occident et notamment l’Amérique et Israël de conspiration anti-iranienne.
Les priorités du régime iranien
Certaines personnes publiques s’élèvent contre la brutalité de la police de la moralité, mais le régime n’en tient guère compte. 14% du PNB iranien, soit 4 fois plus que le budget alloué à l’éducation ou à la santé est consacré à la protection du régime. Ces forces de protection comptent environ 600 000 hommes, l’armée non incluse.
Les Gardiens de la révolution constituent un état dans l’État. Ils ont droit à de plus hauts salaires, soit à près de 30% de plus que les militaires, ainsi qu’à la priorité dans les emplois, le logement et les services de santé. Ils possèdent ou dirigent 8000 entreprises et contrôlent de nombreux quais d’aéroport qui échappent à la douane.
La déstabilisation de l’Irak, de la Syrie, du Liban et du Yémen est en priorité. Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères iranien, 35 milliards sont consacrés à cet effet annuellement. Des mercenaires (entre 50 000 et 200 000) y sèment la terreur. Le régime vise également à tout faire pour antagoniser Palestiniens et Israéliens. Il soutient le trafic de captagon du Hezbollah et du régime syrien tant au Moyen-Orient qu’en Amérique du Sud.
Par ailleurs, le Guide suprême a ordonné aux négociateurs sur le nucléaire iranien à Vienne de ne pas s’adresser directement aux négociateurs américains. Ces négociations trainent…
Pendant ce temps-là, le peuple iranien souffre. Un quart de la population vit dans des logements sous norme. L’espérance de vie est passée du 38e rang mondial en 1977 au 49e rang aujourd’hui.
Chaque année, près de 150 000 Iraniens dont 3 500 médecins émigrent et les fuites de capital annuelles sont de l’ordre de 22 à 30 milliards de dollars. Selon Transparency International, l’Iran figure au palmarès des pays les plus corrompus.
L’avenir
Comment une civilisation aussi sophistiquée que l'Iran peut-elle supporter le clergé médiéval qui prétend agir en son nom ?
Nul ne pourra sauver les Iraniens que les Iraniens eux-mêmes. Les radicaux iraniens sont encore sous l’emprise de la ferveur de la révolution islamique de 1979 et de l’endoctrinement qui l’accompagne, en plus d’être intéressés par les largesses du régime à leur égard.
Qui aurait pu prévoir l’effondrement de l’Union soviétique dans les années 50 ? Cela était impensable. Et pourtant, le régime soviétique s’est écroulé.
Le changement de régime en Iran se produira lorsque les forces de l’ordre refuseront de tirer sur les foules de manifestants
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