Normalisation Maroc Israël : quelles perspectives concrètes pour 2021 ?
écrit par Felix Perez
Le Maroc est, après les EAU, le Bahreïn et le Soudan le quatrième pays arabe à signer avec Israël un accord de paix « active » et de développement des échanges. Quels sont les atouts, les enjeux et les premières réalisations concrètes de la normalisation Maroc Israël ?
Les juifs, le Maroc et Israël
Les relations entre le Maroc et Israël seront facilitées car plus de 850000 juifs d’ascendance marocaine vivent en Israël.
Au début des années 50, le Maroc compte une importante communauté juive de 260000 membres. A sa création, Israël qui doit développer l’immigration déploie des efforts pour les attirer et faciliter leurs départs. De 48 à 55, a lieu une vague de 50000 Alyahs en provenance du Maroc, plutôt de juifs croyants ou pauvres. L’indépendance du Maroc déclenche une énorme vague de 120000 départs supplémentaires entre 56 et 66. La Guerre des Six Jours en suscite 60000 autres jusqu’en 71. Après des flux réguliers d’Alyahs, il n’y reste plus que quelques milliers de juifs, dont certains sont influents. Une large part des départs a eu lieu vers Israël plutôt que vers la France.
Les israéliens d’origine marocaine y ont gardé leurs coutumes, héritages culturels ou religieux, musiques, plats et chaque année, plus de 50000 d’entre eux se rendent au Maroc. Ceci entraîne leurs descendants à souvent se marier entre eux. Ils ont gardé un attachement envers les Rois chérifiens, attesté par les rues ou timbres qui les évoquent. Mohammed V les a protégés pendant la Shoah et ni lui, ni Hassan II n’ont vraiment interdit leurs départs.
Des journaux occidentaux ou d’Afrique du Nord signalent récemment qu’en 1965, Hassan II auraient utilisé le Mossad pour l’aider à éliminer son opposant Ben Barka, en lui transmettant en échange des informations (avérées cruciales dans la victoire de 67) sur les rencontres de Casablanca entre leaders du monde arabe.
Cette communauté a fourni de nombreux chanteurs, hommes politiques, grands rabbins, acteurs, scientifiques dont Itshak Navon, David Lévy, Amir Peretz, Aryeh Dhery, Yehuda Lancry, des ministres, députés et religieux dont les Grands Rabbins Messas et Shlomo Amar.
Le Maroc et Israël vont intensifier leurs échanges jamais interrompus
Selon les deux parties, les relations Maroc Israël ont de tout temps existé, avec des hauts et des bas liés aux tensions moyen-orientales. Le Maroc rappelle « qu’il ne s’agit pas de normalisation mais que le Traité de paix marque la reprise officielle et l’intensification des relations suspendues par l’intifada en 2002 ».
L’actif bureau de liaison marocain créé en 1994 après les Accords d’Oslo est en cours de réouverture ainsi que son homologue au Maroc.
Les échanges dans les domaines agricoles, technologiques, industriels et militaires entre le Maroc et Israël avaient confidentiellement atteint les 35 millions de dollars par an entre 2014 et 2017.
En 2019, les exportations du Maroc vers Israël étaient de plus de 65 millions de dollars, contre 5 pour les importations.
Ces échanges doivent devenir officiels, un plan d’intensification rapide être défini ; la création de Chambres de Commerce Maroc Israël est en cours.
Les chefs d’état des deux pays se sont félicités des spectaculaires avancées déjà marquées par l’annonce d’accords concrétisant la mise en place du traité de paix. Le Maroc rappelle que « les liens étroits unissant la diaspora marocaine en Israël à son Roi est ancrée dans une histoire propre au modèle universel marocain ».
Les potentiels investisseurs israéliens, notamment d’ascendance marocaine, seront contactés pour faciliter leurs projets, surtout en matière de technologie, de pharmacie et médecine, de produits et matériels agricoles, d’électronique…
Des échanges d’experts seront également promus pour mutualiser les talents manquants dans les deux pays et les formations High-Tech au Maroc seront développées.
D’importants projets de partenariat Maroc Israël déjà définis et parfois initiés
Les deux pays veulent promouvoir une dynamique et innovante coopération économique. Ils ont déjà signé quatre accords visant à augmenter les échanges de 500 millions de dollars par an. Ceci, dans les domaines de la diplomatie, de l’aviation civile, des ressources en eau et économiques. Ils ont également défini un groupe de travail pour établir un plan d’action selon les lignes suivantes :
Les échanges diplomatiques Maroc Israël se dérouleront dans le cadre de « relations fraternelles et diplomatiques complètes ». Dès maintenant, les détenteurs de passeports diplomatiques et de service seront dispensés de visa. Rapidement, cette exemption sera étendue et des services consulaires développés.
Dans le domaine de l’aviation civile, les deux pays s’engagent à conclure rapidement un « Accord sur les services aériens ». On note déjà les autorisations de vols directs entre eux (y compris par les compagnies nationales) et l’octroi de droits de survol ; ces liaisons doivent rapidement se multiplier.
En matière de ressources en eau, un accord Maroc Israël prévoit une étroite coopération concernant l’innovation, la gestion, l’aménagement et le développement.
Dans le domaine économique, le Maroc et Israël annoncent la signature d’un memorandum sur la coopération en matière de finances et d’investissement. Seront visés des secteurs comme le textile, l’agro-industrie et la sécurité alimentaire, le tourisme, la recherche et développement industriels, les technologies écologiques comme les énergies renouvelables, les télécommunications, la culture ou tous autres domaines définis conjointement. Des agréments visant à faciliter les échanges sont en discussion comme une « Convention de non double-imposition », des Accords sur « la promotion et protection des Investissements » ou sur « l’assistance douanière ».
Des exemples très concrets de coopération Maroc Israël sont déjà initiés :
En matière de tourisme, le Maroc et Israël étudient les marchés potentiels en analysant les spécificités des besoins et des contraintes et en préparant les formations de guides touristiques.
Dans le secteur culturel, a lieu le lancement de la première co-production Israélo Marocaine cinéma mise en scène par Jérôme Cohen-Olivar – habitué des films franco-marocains – et tournée notamment dans les deux pays.
Conclusion : Maroc, une future “start-up Nation” grâce à Israël ?
Selon les experts, Israël peut aider à faire du Maroc une « start-up nation » – Silicon Valley pour l’Afrique -, cela plus facilement que les USA ou l’Europe sous l’angle culturel. Les nombreux acteurs israéliens tels que gouvernement, investisseurs, start-ups et centres de recherches des grands groupes, partageraient leur expérience. Il peut quant à lui bénéficier en retour d’un important marché d’exportation dans de nombreux domaines.
Les deux pays entendent développer une « paix chaude » et le montrent déjà par la vitesse de signature et mise en place de nombreux accords. Les marocains comprennent les nombreux avantages qu’ils peuvent en tirer et les israéliens, dont les nombreux d’ascendance marocaine, se réjouissent de tisser des liens concrets avec le monde arabe qui, in fine devraient favoriser le processus de paix régional. Il faut espérer que le nouveau gouvernement Biden ou les tensions avec l’Iran et les palestiniens ne viennent pas compromettre de telles perspectives favorables.
Félix Perez, ancien Directeur à Airbus Espace-Défense et historien.
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