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Plan de paix américain : les éléments d’une esquisse

Plan de paix américain : les éléments d’une esquisse (info # 011301/19) [Analyse]

Par Guy Millière © Metula News Agency

 

La semaine qui vient de s’écouler a vu des mouvements américains d’importance s’opérer au Proche-Orient.

 

John Bolton s’est rendu en Israël et y a prononcé un message clair et fort. Il s’est également entretenu téléphoniquement avec Vladimir Poutine. Bolton, le Conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, a réaffirmé le soutien sans réserve de l’administration américaine à Israël. Il a souligné à nouveau que les Etats-Unis posaient des limites strictes aux actions de la Turquie, et a stipulé les conditions américaines à l’alliance Poutine-Assad. En parallèle, les mouvements kurdes sur le territoire syrien se sont rapprochés du régime d’Assad.

 

L’objectif d’endiguement et d’asphyxie de la République Islamique d’Iran, a rappelé John Bolton, reste l’un des axes majeurs de la politique américaine pour la région. Tout se passe donc comme prévu depuis l’annonce par Donald Trump du retrait des deux mille soldats américains du territoire syrien.

 

Presque au même moment, Mike Pompeo s’est rendu au Caire et y a prononcé un discours qui va dans le même sens que les propos de John Bolton à Jérusalem et qui met davantage encore la pression sur l’Iran.

 

Il se dit à Washington (rien n’est assuré) qu’un geste majeur pourrait se faire qui marquerait le rapprochement entre Israël et l’Arabie Saoudite régie par Mohamed ben Salman.

 

Il se dit aussi, de sources concordantes, que ce qui se prépare est la mise en place du deuxième axe majeur de la politique américaine pour la région : le “plan de paix” américain.

 

Il se dit que ce plan serait très proche de ce que John Bolton a appelé la “solution a trois Etats” : Israël, Egypte, Jordanie. Ce qui semble envisagé est une paix convenant à Israël, réglant la “question palestinienne” et acceptée par le monde arabe sunnite.

 

Le plan prévoirait l’application de la loi israélienne à tous les territoires de Judée-Samarie, y compris ceux occupés actuellement par l’Autorité Palestinienne, pour lesquels serait prévu un statut d’autonomie-association avec la Jordanie au sein du territoire israélien. Les Arabes vivant en Judée-Samarie retrouveraient la nationalité jordanienne et deviendraient des Jordaniens résidant en territoire autonome, leur statut de résidents pouvant être révoqué par Israël s’ils violent la loi israélienne. Des aides financières seraient accordées à la Jordanie, destinées à ce que des Arabes de Judée-Samarie ayant retrouvé la nationalité jordanienne puissent se réinstaller en Jordanie s’ils le souhaitent.

 

Il est prévu que l’Autorité Palestinienne refuse et que Mahmoud Abbas soit envoyé à la retraite, ainsi que tous les dirigeants de l’Autorité Palestinienne qui partageraient la position de refus, ce qui pourrait bien être tous les dirigeants de l’Autorité Palestinienne. Il est prévu aussi qu’une Autorité Palestinienne radicalement transformée deviendrait le gestionnaire de l’autonomie, dans des limites très strictement définies.

 

Le plan ne laisserait pas de côté Gaza, et l’option la plus souvent citée est que Gaza devienne une zone autonome sous contrôle égyptien, les habitants de Gaza se voyant proposer la nationalité égyptienne (la liberté de circulation des Gazaouis sur le territoire égyptien est pour l’heure refusée par l’Egypte). Le Hamas et les autres organisations islamistes présentes à Gaza se verraient proposer de se soumettre au statut d’autonomie sous contrôle égyptien, ou de se trouver confrontées à l’Armée égyptienne, qui les traiterait dès lors à l’égyptienne. Des aides financières seraient accordées à l’Egypte aux fins que des terres du Sinaï soient utilisées pour des développements urbains accueillant des Gazaouis. Une autre option, moins souvent citée, prévoirait que Gaza devienne une zone autonome sous contrôle jordanien et que les Gazaouis reçoivent eux aussi la nationalité jordanienne, avec possibilité pour eux aussi de se réinstaller en Jordanie.

 

Le plan est, bien sûr, élaboré en relation directe avec Binyamin Netanyahou.

 

Ce plan ne conviendrait, c’est clair, pas du tout à l’Autorité Palestinienne telle qu’elle existe aujourd’hui (je l’ai dit, il est prévu qu’elle le refuse et que des conclusions soient tirées). Il ne conviendrait pas du tout au Hamas et aux autres organisations islamistes présentes à Gaza (c’est prévu aussi). Il ne plairait pas du tout à l’Iran (c’est tout à fait prévu). Il déplaira, s’il prend forme, aux dirigeants de l’Union Européenne, et tout particulièrement à Madame Merkel et à Emmanuel Macron, mais Angela Merkel est sur le départ, et Macron est dans une position difficile et en perte vertigineuse de crédibilité. Ce qui pourrait se résumer par une formule adaptée d’un vieux proverbe arabe : les roquets européens peuvent japper, la caravane Trump entend passer.

 

Les principaux obstacles subsistant pour le moment ne se situent pas du côté de l’Europe, dont Donald Trump n’entend tenir aucun compte, mais du côté de la Jordanie, où le roi se montre très réticent. Ce qui se dit à Washington est que les réticences du roi doivent impérativement être vaincues. Ce qui se dit aussi est que si le roi se montre inflexible, il pourrait être remplacé, mais Donald Trump n’est pas un partisan des changements de régimes. Un autre obstacle est ce qui reste du pouvoir de nuisance de l’Iran, et beaucoup dépendra de l’avancée de l’asphyxie du régime des mollahs engagée par l’administration Trump.

 

Les obstacles ne sont pas levés. Le plan n’a pas encore été officiellement présenté et peut être modifié. Il n’est pas parfait.

 

Ce qui semble se mettre en place montre en tout cas l’immensité des avancées qui sont en train de se produire. Trump a écarté tous les paramètres qui servaient à analyser (faussement) le conflit israélo-arabe depuis des décennies : l’UNWRA et la définition des “réfugiés palestiniens”, les résolutions de l’ONU, l’idée qu’il existe un “peuple palestinien” qui aurait “droit à un Etat”, l’idée que l’Autorité Palestinienne telle qu’elle se présente sous sa forme actuelle est un embryon d’ ”Etat palestinien”, l’acceptation tacite du recours au terrorisme par l’Autorité Palestinienne. L’idée qu’une hostilité irréductible existe entre les Etats du monde arabe sunnite et Israël.

 

Il fallait pour que ces paramètres soient écartés un président des Etats-Unis visionnaire, d’excellents conseillers pour l’appuyer (outre John Bolton et Mike Pompeo, Jared Kushner, Jason Greenblatt, David Friedman). Il fallait un grand Premier ministre israélien, Binyamin Netanyahou. Il fallait peut être le désastre régional qui a résulté de l’action d’Obama, sans laquelle le régime iranien serait aujourd’hui moins menaçant et sans laquelle le monde arabe sunnite aurait bien moins ressenti l’urgence de s’appuyer sur les Etats-Unis de Donald Trump, de se rapprocher d’Israël et de traiter la question “palestinienne” comme secondaire.

 

Si tout se passe comme prévu, ce sera une ironie de l’histoire que Barack Hussein Obama, le président des Etats-Unis le plus anti-israélien depuis 1947-48, devienne par effet induit celui qui aura servi de catalyseur aux avancées susdites qui, si elles se concrétisent pleinement, constitueront une mutation essentielle pour l’avenir du monde.

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