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Portrait de l’Inde juive

Portrait de l’Inde juive

Par Lucie Azema

Les communautés juives d’Inde sont aussi méconnues qu’elles sont anciennes. Présentes depuis plusieurs siècles, elles ont su créer un savoureux syncrétisme entre cultures juive et indienne.

Le 20 septembre dernier, le Premier ministre indien Narendra Modi se fendait d’un tweet en hébreu adressé à son homologue israélien Benjamin Netanyahu, dans lequel il lui souhaitait une bonne année : « Shana Tova, my dear friend. »Au-delà des considérations géopolitiques du message, c’est l’occasion de se rappeler que Rosh Hashanah – le nouvel an juif – est célébré dans certains foyers indiens depuis des siècles.

L’histoire des communautés juives indiennes est probablement aussi méconnue qu’elle est ancienne. A l’image des Juifs d’Iran, qui incarnent un pan important de l’histoire d’Ispahan, ou des Parsis zoroastriens présents à Bombay, les communautés juives d’Inde ont réussi à s’intégrer dans une société à grande majorité hindoue et musulmane – tout en créant, au fil des siècles, une culture judéo-indienne unique en son genre.

Non pas une communauté, mais des communautés juives en Inde

En Inde, l’histoire des communautés juives se conjugue au pluriel. C’est dans le sud-ouest du pays que tout commence.

Le Kerala, « pays des cocotiers » en malayalam, est célèbre pour sa végétation luxuriante, ses plages de sable fin et son histoire parfumée d’épices, de bois précieux et de nard. Mais il est aussi célèbre pour la ville de Kochi et ses jolies maisons aux tons pastel où les arbres tropicaux règnent en maîtres ; pour son quartier Jew Town, où l’on peut lire des inscriptions en hébreu sur un modeste bâtiment aux murs blancs : c’est la synagogue historique de la ville, construite au XVIe siècle, aujourd’hui quasi inactive.

La présence juive à Kochi daterait du Ier millénaire de l’ère chrétienne et se divise elle-même en deux communautés : d’une part, celle des « Juifs noirs », la plus ancienne (à qui l’accès à la synagogue de la ville fut longtemps refusé) et, d’autre part, celle des « Juifs blancs », dont l’arrivée correspond aux colonisations européennes.

La communauté des Bene Israël (enfants d’Israël), arrivée à la même époque que les Juifs de Kochi, a démarré son histoire indienne par un naufrage alors que ses membres cherchaient à fuir les persécutions perpétrées par Rome en Galilée.  Ils vivent aujourd’hui majoritairement à Mumbai (Bombay) et à Pune.

Mais l’histoire de l’immigration juive en Inde ne s’arrête pas là. Plus tard, au XIXe siècle, arrivent des Juifs venus de Bagdad – et qui vont former ce qu’on appelle aujourd’hui la communauté des « Juifs Baghdadis », qui vivent essentiellement autour de Kolkata (Calcutta). L’exemple le plus célèbre est la famille Sassoon, grands industriels indiens ayant historiquement fait fortune dans le commerce de l’opium et surnommés « les Rothschild de l’Orient ».

A l’extrême nord-est de l’Inde, dans l’État du Mizoram, situé à la frontière birmane, on trouve également la communauté des Bnei Menashe, qui se revendique comme l’une des « dix tribus perdues » mentionnées dans la Bible hébraïque, tout comme les Bene Ephraim, arrivés par l’Afghanistan il y a mille ans et aujourd’hui situés dans l’Andhra Pradesh.

Un savoureux syncrétisme entre cultures juive et indienne 

Des siècles d’intégration dans la société indienne ont nécessairement laissé des traces sur les pratiques religieuses des Juifs d’Inde, créant ainsi un savoureux mélange entre les deux. Savoureux au sens propre, puisque pour Rosh Hashanah, ce sont des odeurs de riz au cumin, de pain chapati, de viande de mouton et de kheer (riz au lait indien) qui s’échappent des cuisines, se mélangeant ainsi au pain motsi et au vin de Kiddush.

Cette indianisation des pratiques religieuses juives est d’autant plus vraie s’agissant de la communauté des Bene Israël, qui portent des vêtements indiens, ont largement changé leurs patronymes, utilisent du henné lors des mariages et sont intégrés au système des castes en tant que presseurs d’huile (fonction qu’ils exerçaient historiquement).

Ce mélange judéo-indien se retrouve également au niveau linguistique, avec des langues qui laissent rêveur et dont l’étude devrait suffire à rassasier vos envies d’ailleurs pour une vie entière : judéo-marathi, judéo-malayalam, judéo-télugu, etc.

L’histoire des communautés juives d’Inde étant excessivement complexe et passionnante, il est conseillé de se jeter sur les ouvrages de Monique Zetlaoui et Esther David, qui portent tous deux le même titre : Shalom India.

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